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"Ce n’est pas qu’une course": la co-fondatrice de l’UTMB raconte le succès de l’événement phare de l’ultra-trail

La 20e édition de l’Ultra Trail du Mont-Blanc prendra le départ ce vendredi, le plus grand événement de trail running au monde. Entretien avec Catherine Poletti, co-fondatrice de la course en 2003.

RMC Sport : On fête les 20 ans de l’UTMB cette année. Depuis, l’UTMB et l’ultra trail ont parcouru beaucoup de chemin…

Catherine Poletti : En 20 ans il n’y a pas que l’UTMB ou le trail running qui ont fait du chemin. Tout a fait du chemin depuis 2003. On a vu apparaître beaucoup de matériel différent. Un marché qui s’est élargi. Il n’y avait pas de montres GPS au début, maintenant il y en a. Il n’y avait pas de sac d’hydratation, maintenant il y en a. Il n’y avait pas de veste très légère, de tenue adaptée ou tout ce qui est compression, maintenant il y en a. Donc en fait il y a beaucoup de choses qui n’existaient pas et qui maintenant existent.

Au moment de fonder l’UTMB, vous vous attendiez à ce que cet événement puisse prendre une telle ampleur ?  

Quand on l’a fondé on voulait réussir. On ne fonde pas un truc si on se fiche de réussir. On l’a fait par passion, on a vu que ça plaisait aux gens. Certainement parce qu’on a démarré au bon moment dans un endroit mythique, qu’on y a mis beaucoup d’âme et qu’on y a beaucoup travaillé. Par contre savoir que ça allait devenir ce que c’est maintenant… non ce n’était pas possible de le savoir. On a fait de notre mieux pour réussir et puis c’est allé au-delà de nos espérances encore.

Qu’est-ce qui, selon vous, fait le succès de l’UTMB depuis 20 ans ?  

Je crois que c’est parce que ce n’est pas qu’une course. C’est un endroit où on vit des expériences et où chacun, qu’il soit un coureur du dimanche ou qu’il soit élite, vit une expérience qui le rend extraordinaire. Je vois des gens qui ne sont pas des élites et qui, quand ils vont rentrer chez eux, seront le héros de leur rue, le héros de leur famille. Je pense que c’est parce qu’on agrège toutes les communautés, que ça soit les habitants locaux, les bénévoles, les partenaires, les médias, les coureurs, les accompagnateurs et les familles. C’est cet échange d’expérience et cette addition d’énergie positive dont les gens ont besoin.  

En même temps, le trail c’est probablement la discipline la plus simple du monde. On n’a pas besoin d’apprendre une technique, logiquement on apprend à marcher quand on est petits. On a besoin de peu de matériel, une paire de chaussures et puis tous les gadgets qu’on veut si on veut. On peut courir seul ou avec des copains. Pas besoin d’avoir des structures particulières, des chemins il y en a partout dans le monde. On n’a pas besoin de transporter du matériel là où on va.  

Ce sont ces deux choses-là qui font son succès. C’est un espace de rencontre et de rapprochement non seulement avec les autres mais aussi avec la nature. Les gens en ont terriblement besoin maintenant, de trouver quelque chose de naturel où retrouver le sens des réalités. 

A quoi faut-il s’attendre pour cette édition 2023 ?

C’est quand même un 100 miles avec 10 km de dénivelé positif. Ça va se passer par un temps frais mais pas trop pluvieux. Il y a un plateau d’élite colossal, on n’a jamais vu autant d’élite que cette année. Il peut peut-être manquer des gens qui sont malades ou blessés comme Kilian (Jornet), François (D’Haene) ou Xavier (Thevenard). Mais il y a la relève américaine, sud-américaine ou même asiatique, et d’autres espoirs français, italiens ou espagnol. Il y a plus de 100 nationalités donc il y a énormément de gens qui courent très vite.  

Au total, 10 000 coureurs participent à la semaine de compétitions. Avec autant de participants, comment prenez-vous en compte la préservation de l’environnement dans votre organisation ?  

Il faut mettre les choses à la bonne échelle. On a 10 000 coureurs qui vont courir sur 400 km de sentier pendant une semaine. Ils ne courent pas tous le même jour, ils ne courent pas tous au même endroit. On a des équipes d’ambassadeurs de l’environnement. On a mis en place beaucoup de choses pour respecter les zones humides, l’environnement. On met un plan de transport colossal avec plus de 200 cars pour que les gens ne prennent pas leur voiture. On y met près d’un demi-million d’euros tout de même.  

On a signé, en 2017, la charte des grands événements sportifs internationaux avec WWF et le ministère des Sports. Il y avait 15 engagements à tenir et on les a tenus. On a resigné après avoir fait un bilan carbone pour savoir exactement ce sur quoi on devait faire attention. Donc je dirais que l’environnement c’est une priorité. Pas la seule. Il y a aussi l’inclusivité, la possibilité de faire vivre les humains ensembles. Si je devais définir notre métier, je dirais qu’on est des artisans créateurs d’expériences extraordinaires pour chaque individu, qu’il soit coureur, accompagnateur, bénévole ou habitant local.

Edgar Groleau