La piste bleue

Jeudi 29 juillet. Le jour où la piste bleue du stade de Montjuic est devenue l’aire de décollage d’un athlétisme français qui s’est transformé en super porteur. Christophe Lemaitre est le pilote de cet avion. On ne dira pas qu’à lui seul il a décomplexé tout l’athlétisme mais dans son sillage médiatisé tous les Français s’engouffrent avec envie et réussite. Championnats d’Europe ? Non ! Championnats de France ! Il faut dire que l’aéronef bleu était frappé par une baraka pas possible ce jeudi. Un par un, les Français sont passés dans les tours, un par un, ils ont décroché les breloques. Romain Barras, le plus multitâche, l’un des plus anciens aussi, 30 piges dimanche, et une flopée de places d’honneur, est devenu un très grand. Il est l’Hercule du continent. Il s’est arraché au bout de deux jours quasi-parfaits de son décathlon pour apporter le deuxième or aux Bleus après celui de Lemaitre sur 100 mètres. Cinquième à Pékin, le Calaisien a confirmé tous ses progrès en signant une deuxième journée monstrueuse marquée par un record de la saison au javelot (65m77) mais surtout un 1500m de très grand qu’il a parfaitement géré en laissant des miettes au Néerlandais Sintnicolaas et au Bélarusse Krauchenka, les derniers à pouvoir encore le priver d’un or mérité. Et que dire de Véronique Mang et Myriam Soumaré qui ont ranimé un athlétisme féminin français qui n’avait plus vu la couleur d’une médaille internationale depuis 5 ans ? Mang (11’11), qui potassait ses cours il y a encore un an, est en argent, à un centième de l’or de l’Allemande Sailer et Soumaré (11’’18) bronzée : « D’avoir fait mes études m’a permis de prendre du recul. Maintenant, je m’amuse », rigole Mang. Certes Teddy Tamgho qu’on donnait déjà en or, a du se contenter du bronze (17m45) derrière un Phillips Idowu « goélanesque » (17m81), mais que cette équipe de France fait plaisir. L’Allemagne et la Russie n’ont qu’à bien se tenir.

Les perchistes au rendez-vous

Toute la journée, tout a frôlé la perfection. Martial M’Bandjock et David Alerte seront en finale du 200m ce vendredi en compagnie du cheval Lemaitre pour une finale où trois couloirs seront réquisitionnés par des Bleus. Strappé de haut en bas, blessé à peu près à tous les muscles qui servent à courir, Fadil Bellaabouss a accroché la finale du 400m haies après une dernière ligne droite digne du grand Marc Raquil. Idem pour Heni Kechi. Ceux-là et les autres visent haut. Le matin, Romain Mesnil, Renaud Lavillenie et Damiel Dossevi ont passé l’écueil des qualifications à la perche. « L’essentiel est fait, a lancé Lavillenie. Maintenant on va pouvoir bien se concentrer et bien préparer la finale. »

Deuxième, troisième et sixième des Mondiaux à Berlin, le trio de la perche française remet ça à l’échelon du continent. Sans faute également pour les hurdlers puisque Garfield Darien, Dimitri Bascou et Ladji Doucouré, malgré un très modeste 13’’82 sont en demi-finale du 110m haies. La pluie n’a pas éteint le feu d’artifice français. Au contraire, elle l’a magnifié dans des championnats qui s’annoncent d’ores et déjà records. Pourvu que cet avion ne se pose jamais. Ne vous inquiétez pas. Lemaitre, le pilote, s’en occupe avec la finale du 200m ce vendredi soir.