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Mondiaux d'athlétisme: Benjamin Compaoré, l’unique entraîneur-sauteur du monde

Benjamin Compaoré fait durer le plaisir. Tout proche de raccrocher les pointes avant les Jeux olympiques de Tokyo, le triple sauteur champion d’Europe en 2014 est toujours en lice. Mieux, il est aussi l’entraîneur d’un autre Français engagé dans ces championnats du monde de Eugene, Enzo Hodebar. Donner les derniers conseils à son protégé tout en essayant de se qualifier en finale, Compaoré tentera ce doublé unique au monde à ce niveau de compétition.

"Là, c’est facile en réalité (rires). Parfois, j’ai quatre athlètes à gérer alors pour les Mondiaux, c’est tranquille !" A 34 ans, Benjamin Compaoré s’épanouit dans ce rôle hybride et si particulier d’entraîneur et d’athlète à la fois. "Je ne sais pas si je sacrifie vraiment ma performance car je me sens bien. Cela fait trois ans que je fonctionne comme ça."

Le champion d’Europe de Zürich en 2014 n’est plus une chance majeure de médaille pour l’équipe de France mais il est donc une chance pour son jeune athlète Enzo Hodebar alors que les qualifications auront lieu dans la nuit de jeudi à vendredi (3h20 heure française). "Je suis au plus près de la piste avec lui. Normalement, on doit se déplacer, chercher le coach dans les tribunes. Là je suis à côté et je veux surtout qu’il sente que je suis à 100% avec lui. Que je sois un coach comme les autres."

Il a emmené Hodebar au titre de champion de France

Les résultats parlent pour ce duo atypique. A 23 ans, Enzo Hodebar ne pratique le triple saut que depuis trois ans. Mais guidé par Benjamin Compaoré, il est déjà champion de France avec une meilleure marque à 17m05. Passé par l’Université de Floride en NCAA, Hodebar a eu du mal à se faire à sa relation avec le coach sauteur. "Au départ, c’était difficile de s’adapter. Mais on s’est habitué et si le niveau de la compétition change pour ces Mondiaux, ce sera pareil."

Le gamin de Créteil veut "battre son record et aller chercher d’autres sensations". Mais pour se qualifier en finale, Hodebar devra hausser largement son niveau, et pour espérer une médaille, gagner au moins 30 ou 40 cm. Le coach Compaoré l’en croit capable. "Il peut largement le faire. Mais va-t-il le réussir au bon moment ? C’est la question car en athlé, ce que tu as fait avant la compétition ne compte plus du tout. Une finale, ce serait déjà très bien et s’il accroche le top 8, ce serait merveilleux."

Hodebar éliminé par son coach ?

Coach Compaoré vise haut pour son poulain. Mais l’athlète Compaoré pourrait-il couper les ailes de son élève-adversaire ? Que se passerait-il si Hodebar est le 12e et dernier qualifié et que Compaoré a encore un saut, pour potentiellement expulser son élève de la finale ? "C’est une très bonne question (sourire)… Jamais je ne vais tricher pour lui laisser la place. Il doit mériter sa qualification et il doit penser comme cela. Il ne serait pas content si je lui faisais une fleur."

Un scénario loin d’être improbable puisque le vétéran Compaoré a sauté 17m06 cette saison, un centimètre de mieux que le jeune Hodebar. "Je prends toujours autant de plaisir à sauter. A mon âge, je ne vis plus de l’athlé. Je suis là par passion, sinon ça n’a pas de sens. Alors je jouerai ma carte à fond." Compaoré l’entraîneur aura aussi à cœur de rendre hommage à son coach de toujours, "un père", le regretté Jean-Hervé Stievenart, décédé il y a peu. "Je vais essayer malheureusement de ne pas trop y penser sur la piste car je suis très émotif. Mais je sais qu’il veille sur moi." Désormais à lui de veiller sur Enzo Hodebar.

Aurélien Tiercin