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EXCLU RMC SPORT

Mondiaux de cyclisme sur piste: Baugé "n'accepte pas" que la France ne soit plus "dans les meilleures nations"

Fraîchement nommé entraîneur national de l'équipe de France de sprint, le nonuple champion du monde de vitesse, Grégory Baugé, attend beaucoup de ses athlètes lors des championnats du monde de Saint-Quentin-en-Yvelines (12-16 octobre). Apaisé après des années de tension, le groupe de vitesse doit maintenant prouver à domicile qu'il a les capacités pour jouer les premiers rôles en 2024. Premiers tours de piste ce soir avec les tournois de vitesse par équipes (féminin et masculin).

Grégory, ces mondiaux de Saint-Quentin-en-Yvelines, c'est une sorte de répétition générale pour toute l'équipe de France, et notamment celle de sprint ?

Oui, pour nous comme pour les adversaires. Les Jeux olympiques se dérouleront ici et les adversaires vont prendre un maximum d'infos, sportives et logistiques en vue de 2024. Nous, même si on connaît les lieux par cœur, il faut être dans le même état d'esprit, se donner à fond. De mon côté, en tant qu'entraîneur, il faut voir comment se passe la compétiton, pour voir ce qu'il faut rectifier en vue des JO. Mais oui, c'est une répétition.

En discutant avec tous les coureurs de l'équipe de France, on a l'impression qu'ils vous adulent, qu'ils vous adorent. Vous leur avez fait quoi ?

Je ne sais pas, il faut leur demander. Il y a une échéance, et il faut qu'on soit champion olympique en 2024. On n'a pas quatre ans pour le devenir, donc il faut aller vite à l'essentiel, en essayant de rien négliger. Aujourd'hui, on ne fait plus partie des meilleures nations depuis plusieurs années, et ça je ne l'accepte pas. Donc on ne doit rien négliger, travailler tous les aspects de la performance. Ils en ont pris conscience et moi dans mon rôle au quotidien je leur demande de l'engagement. Il faut qu'ils prennent conscience qu'en compétition, il faut porter haut les couleurs de la France, il ne faut pas avoir peur de qui que ce soit, avoir le couteau entre les dents et être serein, parce qu'on a bien bossé.

Vous avez été athlète avec la plupart d'entre eux, ça se passe comment ce passage de l'autre côté de la barrière ?

Quand je suis arrivé, je n'étais plus Grégory l'athlète, mais Gregory l'entraîneur. Et je peux vous dire que je le leur ai dit. Il faut prendre conscience qu'on ne fait plus partie des meilleurs, et moi, aux JO de Tokyo, j'ai vu des attitudes qui me déplaisaient derrière mon écran. Parfois, dire des vérités, je pense que ça fait du bien, même si c'est difficile à entendre mais c'est plus facile après de repartir au travail. Donc c'est important d'avoir cette prise de conscience, il faut comprendre cet objectif olympique, et cet objectif mondial de 2022, et se préparer en conséquence. Par le passé, il y a eu des manquements.

On sait que vous n'avez pas votre langue dans la poche, ils ont bien pris vos remarques ?

Ils sont conscients que je suis là pour quelque chose. Je ne suis surtout pas là pour être deuxième ou troisième. Il y a un objectif, c'est d'être champion olympique, alors bien sûr ils ne le seront pas tous, mais je vais essayer d'en amener un maximum sur la plus haute marche du podium, c'est ma mission et je ne me soucie pas de la façon dont ils prennent mon discours. On va réussir mais ça ne va pas se passer qu'avec des sourires. Il va falloir aussi être apte à entendre des choses qui peuvent déplaire.

Vous allez réussir ? Vous êtes optimiste ....

J'ai la conviction qu'on va y arriver, je bosse pour ça, et comme quand j'étais athlète je me donne à fond dans ce que j'ai à faire. On verra le résultat, mais avant le mondial le premier bilan est plutôt positif depuis que je suis là.

Vous avez notamment insisté depuis votre prise de fonction sur l'aspect psychologique de la préparation. Quand vous parlez de manquements, ça en fait notamment partie ?

L'aspect psychologique est très important, donc oui j'insiste là-dessus, sur la nécessité de pouvoir confier ses doutes à quelqu'un. Le staff a été renforcé récemment en ce sens. Il faut mettre toutes les chances de notre côté. Le vélo, c'est plus que l'entraînement, c'est plus que la musculation ... Il y a beaucoup d'aspects qu'on ne voit pas forcément mais qui sont importants. Il y a des athlètes pas sereins, qui n'ont pas confiance en eux, et moi je le vois car j'ai été à leur place. C'est donc important de prendre conscience qu'il faut bosser à tous les niveaux et ne rien négliger.

C'est ce qui permet de gagner ?

Disons que c'est important. Il n'y a qu'une seule personne sur la plus haute marche donc il faut mettre toutes les chances de notre côté, utiliser tous les outils pour être les plus performants. Je ne peux pas les obliger à voir un psy, ce n'est pas facile à accepter, mais quand tu consultes ce n'est pas parce que tu es malade, c'est parce que tu as besoin d'évoluer et de progresser, que ce soit dans le sport ou pas. Je sais tout le bien que ça peut avoir. Moi je leur mets la pression à l'entraînement et ça, ce sont des outils qui doivent leur permettre de gérer les jours un peu plus durs.

Vous le dites, à titre personnel, le recours à une aide psychologique pendant votre carrière vous a beaucoup aidé ?

Oui, ça m'a apporté du plus, je suis une meilleure personne, je me sentais mieux dans ma vie privée, dans ma vie pro, avec mon entraîneur, pour aborder les moments difficiles dans ma carrière. Si je n'avais pas bossé là-dessus, ma carrière aurait pu s'arrêter plus tôt que prévu. Je le dis car je suis quelqu'un de bienveillant envers les athlètes et je veux qu'ils soient les meilleurs même s'ils ne seront pas tous champions olympiques.

Arnaud Souque