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Mondiaux de cyclisme sur piste: un nouveau vélo pour tout changer pour les Bleus

L’équipe de France roule presque dans son intégralité sur le nouveau vélo Look T20 lors des championnats du monde de cyclisme sur piste qui se déroulent actuellement à Berlin. Développé en étroite collaboration avec les athlètes de l’équipe de France, testé dès le 23 juillet 2019 par Grégory Baugé, il vient ainsi remplacer le Look R96 aux performances controversées et doit permettre aux Bleus de briller à Tokyo. Mais peut-il pour autant tout révolutionner ?

Les Jeux olympiques de Rio, en 2016, ont peut-être servi de signal d’alerte. Une seule médaille pour les pistards français, sur la vitesse par équipe masculine (bronze). Un bilan en forme d’affront pour l’une des nations les plus titrées de l’histoire olympique en cyclisme sur piste. Et le plus mauvais résultat pour les Bleus depuis le zéro pointé des JO de Barcelone en 1992. C’en est trop pour les athlètes de l’équipe de France. Ils réclament alors à Look, équipementier basé à Nevers (Bourgogne-Franche-Comté) et avec lequel la collaboration s'étend depuis les Jeux d’Atlanta en 1996, un vélo plus moderne pour rattraper le retard accumulé depuis une quinzaine d’années sur les grandes nations de la piste (Grande Bretagne, Pays-Bas, Australie). Après plus de trois ans de recherche et développement, ils sont enfin servis cet hiver, avec le dernier fleuron issu des chaînes de production neversoises, le T20 (comme Tokyo 2020).

+12% de pénétration dans l’air

Premier à l’utiliser en compétition lors des épreuves de Coupe du monde cet automne, Melvin Landerneau, jeune spécialiste de la vitesse, bat dans la foulée tous ses records personnels sur cette nouvelle monture. "Je me suis tout de suite bien senti dessus, avoue le Martiniquais de 22 ans. C’est du bon matériel. La rigidité et le poids sont vraiment des choses qui ont été améliorées, et ça change en bien."

Des sensations qui traduisent des chiffres. Avec un cadre et des roues intégralement en carbone, la France roule désormais avec un matériel à la limite basse des règlements UCI en terme de poids. Soit un vélo de 6,8 kg la balance, contre 7,6 pour le R96. Le tout avec une rigidité augmentée de 25% environ, permettant un meilleur transfert de puissance entre les athlètes et leur machine. Ajoutez à cela un cadre rallongé de 4 centimètres permettant une position plus aérodynamique et moderne, et vous obtenez en plus un gain de 12% en terme de pénétration dans l’air. "Tous ces facteurs engendrent des gains, au-delà des gains marginaux, explique Vincent Holterbosch, directeur du développement chez Look. A performance humaine égale, le T20 permet de gagner une longueur complète de vélo sur un sprint lancé de 250m par rapport à son ancêtre, le R96. C’est énorme."

Et ça explique déjà peut-être en partie les records de France tombés lors des premières épreuves des championnats du monde de Berlin cette semaine. Record amélioré en vitesse par équipes masculine d’un centième, record en vitesse individuelle amélioré de cinq centièmes pour Mathilde Gros. "C’est vrai, il y a un nouveau vélo, mais c’est un tout, tempère Bruno Lecki, manager de l’équipe de France de piste. Les conditions ici à Berlin sont vraiment très bonnes, les athlètes sont en forme et jouent leur sélection pour les JO." Mais s’il botte en touche sur le rôle du T20 dans ces chronos de qualité, il reconnaît aussi que "le vélo est bien né" et que "le ressenti est bon". Une révolution ? "Non, mais ça change, c’est très intéressant."

Baugé le compare avec une F1

Plus prolixe sur la question, Gregory Baugé n’hésite pas à tirer son chapeau aux ingénieurs de Look. Le quadruple champion du monde de vitesse individuelle ose même la comparaison. "En Formule 1, si vous avez une voiture trop lourde, vous avez beau être le meilleur pilote du monde, vous allez être pénalisé. Eh bien en vélo, c’est pareil. Si on veut être le plus performant possible, ça passe aussi par le matériel. Je dirais que ça représente environ une part de 30% dans la performance finale."

Et cela doit permettre aux Bleus de retrouver les sommets. Loin de la génération qui avait vu Florian Rousseau, Laurent Gané, Arnaud Tournant ou Felicia Balanger dominer la piste dans les années 1990 et 2000, l’équipe de France est aujourd’hui en quête d’or olympique, qu’elle n’a plus connu depuis les quatre titres des Jeux de Sydney en 2000. "On a toujours rapporté des médailles, mais c’est vrai, ça fait un moment qu’on a plus eu de titres aux JO. Bien sûr, le matériel ne fait pas tout mais au moins, on a l’impression de mettre toutes nos chances de notre côté pour Tokyo." Sous-entendu, ça n’a pas toujours été le cas en terme de matériel, et en particulier à Rio en 2016.

Enfin des médailles aux Mondiaux ?

Un travail qui doit être aussi complété dans les mois et les années à venir par des études poussées et des changements sur d’autres aspects de l’équipement des Bleus. Depuis l’an dernier, la Fédération française de cyclisme peut compter sur les compétences de Jéremy Roy. Indéfectible coureur professionnel pendant 16 saisons chez la Française des Jeux, devenue Groupama-FDJ, il a mis un terme à sa carrière de cycliste en 2018 et se consacre désormais à ses activités d’ingénieur. En bon spécialiste du contre-la-montre, il coordonne en quelque sorte toute la recherche en matière de performance. "Il doit notamment nous aider à nous améliorer sur l’aérodynamique des casques, des combinaisons, etc", conclut Bruno Lecki.

Pour l’instant toutefois, malgré l’usage de ce nouveau vélo Look T20, la France est sur un zéro pointé lors de ces Mondiaux de cyclisme sur piste à Berlin. Mais le compteur pourrait s’ouvrir dès ce vendredi. Sur le kilomètre masculin d’abord, avec Quentin Lafargue n°1 mondial, et Michael D’Almeida, n°5 mondial. Sur la course aux points masculine aussi avec Bryan Coquard, le routier sprinteur, vice-champion olympique de l’omnium sur piste à Londres en 2012.

Arnaud Souque à Berlin