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Vuelta: la trajectoire hors normes de Remco Evenepoel, vainqueur de son premier Grand Tour

Remco Evenepoel a remporté ce dimanche le Tour d'Espagne, son premier Grand Tour, à seulement 22 ans. Le Belge, qui a commencé le cyclisme en avril 2017, met fin à une longue disette pour le pays du vélo. Comparé à la légende Eddy Merckx depuis ses débuts, l'ancien footballeur continue d'écrire sa propre histoire.

Patrick Evenepoel n'a disputé qu'un Grand Tour en carrière: le Tour d'Espagne 1993, où il avait terminé 113e, soit à l'avant-dernière place. Vingt-neuf ans plus tard, son fils, Remco termine la Vuelta en première position, dès sa découverte de l'épreuve. Outre cette histoire familiale, à seulement 22 ans, le Belge met fin aussi à une longue disette au pays du cyclisme.

Voilà depuis le Tour d'Italie 1978 et la victoire de Johan De Muynck que la Belgique attendait que l'un de ses coureurs triomphe sur une course de trois semaines. Si l'attente ressemble à une anomalie au pays d'Eddy Merckx, Remco Evenepoel a rapidement été présenté comme le "petit" ou le "nouveau Cannibale".

Un ancien footballeur de talent

Pourtant, rien ne semblait prédestiner Remco Evenepoel au cyclisme. C'est plutôt avec des crampons que l'adolescent s'amuse. Après un passage de trois ans au PSV Eindhoven, il revient à Anderlecht à l'âge de 14 ans, son club de coeur. Leader dans l'âme déjà selon ses formateurs, volume de jeu impressionnant, le jeune Remco découvre en parallèle les sélections nationales.

Le 2 octobre 2016, alors qu'il était encore un jeune milieu défensif au sein des Mauves, Remco Evenepoel se décide à courir un semi-marathon. Peut-être déjà les prémices d'une reconversion. Son formateur de l'époque, également présent sur la course à Bruxelles, ignore la présence de son protégé. "On avait joué un gros match le samedi, confie Stéphane Tassin dans un reportage de Sporza. Je lui ai dit: 'Remco, tu dois apprendre que le repos fait partie de l'entraînement donc demain, un dimanche, tu restes en famille car mercredi on avait un gros match'. Il me dit: 'ok, pas de problème coach'."

"Le lendemain matin, je courais pour une association avec des handicapés donc on partait avant. Quand on arrive au tunnel Louise, les premiers arrivent dont les Kényans (présents pour le marathon, NDLR). On était là, en se mettant sur le côté. Le premier kenyan arrive, le second arrive puis on me tape sur l'épaule: 'hey coach, comment ça va? C'était Remco', s'amuse avec le recul le formateur d'Anderlecht. Il était dans les dix premiers, à 16 ans."

Un ogre chez les juniors

Le "temps extraordinaire " affiche 1 heure 16 minutes et 15 secondes. En avril 2017, quelques mois après l'anecdote, Remco Evenepoel plaque définitivement le monde du football pour disputer sa première course cycliste en juniors. Si sa première n'a pas été marquante, l'ancien footballeur se fait rapidement fait un nom. Avec une marque de fabrique: partir en solitaire et écraser la concurrence. En juillet 2018, il devient champion d'Europe juniors avec près de dix minutes d'avance sur le second. Le troisième, Carlos Rodriguez, va lui terminer à la sixième place du Tour d'Espagne quatre ans plus tard.

Forcément, Remco Evenepoel se retrouve dans le radar des plus grandes formations du World Tour, dont la Quick-Step, une équipe tournée vers les sprints et les classiques. "J'ai été mangé avec ses parents à 17 ans, à la gare. Depuis ce jour, on a une collaboration incroyable. J'ai promis à ses parents que j'allais le considérer comme si c'était mon fils", a confié Patrick Lefevere, son manager au sein de la Quick-Step, au micro d'Eurosport. Le jeune talent permet d'ailleurs à sa formation de décrocher son premier Grand Tour.

Sa vie aurait pu basculer en Lombardie en 2020

Passé professionnel en 2019, sans passer par la case des Espoirs, moins de deux ans après ses débuts sur un vélo, Remco Evenepoel obtient sa première victoire en carrière dès le mois de juin, avec d'abord une étape du Tour de Belgique avant de remporter le général. Son premier coup d'éclat arrive à la Clasica San Sebastian en août de la même année, où il s'impose en solitaire sur sa première classique World Tour. D'abord lâché à 38km, le Brabançon finit par remonter le peloton et l'attaquer.

Trois ans après, en 2022, Remco Evenepoel revient à nouveau sur la Clasica San Sebastian, pour un nouveau succès en solitaire au terme d'un raid. Plus personne n'est surpris. Mais entre-temps, la carrière du prodige a basculé dans une descente lors du Tour de Lombardie 2020, où il est passé par-dessus un muret, retombant plusieurs mètres plus bas. Sa fracture du bassin le tient à l'écart du peloton durant huit mois. "Je n'ai jamais pensé à la mort", confiera-t-il quelques jours après ce qui aurait pu être un terrible drame, déterminé dès son arrivée à l'hôpital à remonter sur un vélo.

Le "déclic" de Liège-Bastogne-Liège en avril

Revenu sur le Tour d'Italie 2021, Remco Evenepoel finit par abandonner en dernière semaine, après une nouvelle chute. Sa marche en avant repart lors du Tour de Belgique, encore ajouté au palmarès. Au total, il termine la saison avec huit bouquets mais aussi une petite polémique en Belgique, où son duo avec Wout van Aert lors des championnats du monde a été la cible de critiques. Parti à l'attaque à 180 kilomètres, Evenepoel assure avoir joué la carte de l'équipe. Après la course, il admet qu'il n'avait pas compris la tactique initiale, déçu par ailleurs de ne pas avoir été désigné leader.

En cette année 2022, Remco Evenepoel avait prévenu qu'il ne disputerait qu'un Grand Tour avec le Tour d'Espagne. "Il a pris son temps. La chute lui a certainement coûté entre six mois et un an de sa carrière mais pour lui, Liège-Bastogne-Liège a été le déclic, a estimé Patrick Lefevere. Car en avril dernier, là où le leader désigné Julian Alaphilippe termine dans le fossé, le jeune loup du "Wolfpack" place une accélération dévastatrice dans la Côte de la Redoute, à plus de 30 kilomètres de l'arrivée, pour un nouveau numéro en solo et un premier monument au compteur.

Evenepoel ne ferme pas la porte pour le prochain Tour de France, Lefevere veut le voir sur le Giro

Si Remco Evenepoel rêvait de Liège-Bastogne-Liège, son Tour d'Espagne fera sans doute date pour sa carrière, dans sa manière de gérer un Grand Tour avec un maillot de leader porté pendant plus de deux semaines. En rouge au terme de la première arrivée au sommet, au soir de la sixième étape, il enfonce le clou lors du contre la montre de la dixième étape. En patron, il ajoute ensuite la 18e étape dans sa besace, répondant aux offensives de son dauphin Enric Mas.

Forcément, toute la Belgique se met désormais à rêver de Remco Evenepoel sur le Tour de France et ce dès 2023. Là où son manager Patrick Lefevere compte respecter le plan initial en l'envoyant sur le Tour d'Italie l'an prochain, Remco Evenepoel ne ferme pas la porte à la Grande Boucle. " "Si le parcours me convient l'année prochaine, je demanderais peut-être d'aller sur le Tour, se projette l'intéressé dans un entretien à la presse flamande. C'est un risque, car j'ai encore beaucoup d'expérience dans les grands tours à acquérir. Mais j'ai beaucoup appris au cours des trois dernières semaines." La dernière victoire d'un Belge sur le Tour de France remonte à 1976.

D'ici-là, Remco Evenepoel a rendez-vous en Australie, où il mettra un terme à sa saison en dispuTant les championnats du monde, retrouvant un certain Wout van Aert. L'homme préssé, déjà 36 victoires professionnelles, participera au contre la montre, où il sera l'un des favoris. Soit une première occasion de décrocher un maillot arc-en-ciel pour compléter une année 2022 où il est déjà le meilleur scoreur, avec 14 victoires.

Guillaume Lepere