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Tour de France: Gaudu encore en souffrance et "désolé" pour son équipe, c'est quoi le problème ?

Journée de repos sans doute "mal gérée", "coup de chaud" au début de la 10e étape... David Gaudu est toujours loin de son meilleur niveau sur le Tour de France. Le leader de la Groupama-FDJ s'est même dit "désolé" pour ses équipiers.

"Ce n’est pas derrière qu'on veut être…" Il faut reconnaître à David Gaudu une certaine maîtrise de l’euphémisme. Déjà à la peine sur les pentes du Puy de Dôme dimanche, il n’a pas du tout rassuré ses supporters en ce début de deuxième semaine du Tour de France. Ils ont même cru assister à un scénario catastrophe. Dans la fournaise du Massif Central, le thermomètre flirtant avec les 40°C, la dixième étape entre Vulcania et Issoire a bien failli marquer pour de bon la fin des ambitions du grimpeur de 26 ans. "J'ai eu peur qu'il lâche une demi-heure ou même qu'il abandonne. C'est dur de le voir comme ça. Vous avez une explication, vous ?", s'interrogeait à l'arrivée Jules, un de ses jeunes supporters, sans que l'on sache honnêtement quoi lui répondre.

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Distancé après une vingtaine de kilomètres, dans les plus forts pourcentages du col de Guéry, Gaudu a longtemps navigué à plus de deux minutes du groupe maillot jaune, comme Romain Bardet, et aurait pu perdre très gros sans le soutien d’une formation entièrement dévouée à son leader. Revenu dans le peloton avant d’attaquer la troisième difficulté du jour, le col de la Croix Saint-Robert, celui qui vise un top 3 à Paris n’a pas grillé de nouveau joker. Mais il a encore perdu une place au classement général avec le numéro réussi par l’Espagnol Pello Bilbao.

Relégué ce mardi soir au neuvième rang, à 3'21" du solide australien Jai Hindley (3e), le Breton veut continuer de croire à des jours meilleurs. "Les lendemains de journées de repos, ça part toujours très vite. Parfois, c’est le corps qui choisit. Est-ce que j’ai mal géré ma journée de repos ? La chaleur ne m’a pas aidé, j’ai eu un coup de chaud au départ, je me suis bien senti après. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur l’équipe, sans eux j’aurais été loin", confiait-il au pied de son bus, bien moins crispé qu’il y a deux jours lorsqu’il s’était immédiatement engouffré dans son bus, le regard sombre, sans adresser un mot aux journalistes.

La Groupama-FDJ a (encore) raté l'échappée

"On se fait des frayeurs, mais il faut rester le plus calme possible. J’ai été soutenu par une grande équipe et la vérité du début d’étape n’est pas toujours la vérité de la fin d’étape. Je me suis concentré sur mes efforts, j’ai essayé de paniquer le moins possible. Je suis désolé pour toute l’équipe, qui avait le droit d’aller devant et l’échappée va au bout. D’un côté je les remercie et de l’autre je suis vraiment désolé pour eux. Sans eux j’aurais été très, très loin", disait-il à Issoire, assurant ne pas être "inquiet" pour la suite. Chez le petit prince de Bretagne, on préfère voir le verre à moitié plein, mais pour combien de temps ?

"La chaleur va retomber un peu, ajoutait le quatrième du Tour 2022. En 2021, j’avais fait un coup de chaud au Mont Ventoux et derrière on a vu ma troisième semaine... Là j’ai eu un coup de chaud tout simplement. Ce sont les lendemains de repos, ça peut ne pas pardonner. Je ne suis pas un grand fan des journées de repos et de la chaleur. Cette étape est passée, cap sur les Alpes, je suis très motivé. On arrive dans le temps qu’il fallait. Mais on voulait peut-être reprendre du temps et faire le coup de Pello Bilbao en s’échappant. C’est ma faute si l’équipe ne se retrouve pas devant." Et effectivement, la Groupama-FDJ, qui n’a plus levé les bras sur le Tour depuis Thibaut Pinot en 2019 au Tourmalet, autrement dit une éternité, n’avait pas prévu de mobiliser toutes ses forces autour d'un coureur.

"On aurait bien aimé jouer devant", confirmait Stefan Küng, le visage autant marqué par la chaleur que par le travail fourni. "On avait coché cette étape, surtout Val (Madouas) et moi. Mais bon, on a fait le travail d’équipiers. On se projette sur les prochaines opportunités. Moi j’étais dans le groupe maillot jaune (quand Gaudu a lâché, ndlr), tout le monde était à la rupture. J’ai entendu à la radio que David ne pouvait plus suivre, je me suis relevé, je pensais qu’il était dans le premier groupe derrière le groupe maillot jaune mais il n’était pas dans ce groupe. J’ai vraiment dû attendre longtemps mais c’est comme ça. On fait ce qu’il nous demande. On a pu rentrer. C’était une journée très compliquée. Il y a la chaleur et l’intensité. On a déjà eu des jours où il faisait plus chaud mais ça ne roulait pas à cette allure", poursuivait le rouleur suisse.

Mauduit : "On s'accroche au général"

Le directeur sportif Philippe Mauduit insistait justement sur "l’importance d’avoir des garçons solides et solidaires". "On n’avait pas le choix (de relever l’équipe). Je crois qu’on a eu jusqu’à trois minutes de retard sur la tête de la course, mais j’avais confiance. Je ne savais pas quand, mais je savais qu’on allait rentrer. Quand on voit qu’on ne peut pas tenir le rythme et qu’on est à la limite de l’explosion, il ne faut surtout pas aller plus loin. Ils ont eu la sagesse de ne pas aller jusqu’à la zone rouge et c’est pour ça qu’ils ont réussi à entrer. C’est évident que le plan était d’essayer d’avoir deux-trois coureurs dans l’échappée mais il faut savoir changer le plan en cours de route", expliquait-il. Mais à force de penser à un podium sur les Champs, ou au moins à un top 5, la Groupama-FDJ n’est-elle pas en train de se tromper de stratégie ?

"On s’accroche au général, assurait Mauduit. On entend qu’on n’y arrivera peut-être pas, mais on n’est pas définitivement sortis du jeu, on se bat. On ne va pas tirer de conclusions ce soir et j’espère qu’on prendra des échappées victorieuses." Marc Madiot, lui, reconnaissait avoir eu un petit coup de chaud en voyant Gaudu aussi vite en souffrance : "Oui, quand même. La chaleur était importante, la tension forte d’entrée de jeu. Le début d’étape a été compliqué pour nous, ça a été mieux ensuite. On a vu que quand les coureurs faisaient les efforts, derrière ils le payaient immédiatement. Ça m’a rappelé les championnats de France à Cassel. On était un peu dans le même registre, il fallait être en gestion et bien s’hydrater. Les coureurs arrivent épuisés. Pourquoi on a relevé tout le monde pour aider Gaudu ? Je ne sais pas, je n’étais pas en liaison radio. Chaque jour suffit sa peine, on va récupérer."

Les deux prochaines étapes devraient offrir un peu de répit, avant l’arrivée très attendue vendredi au Grand Colombier. Là où Tadej Pogacar s’était imposé il y a trois ans, confirmant son talent exceptionnel. Gaudu avait dû se contenter d’une anonyme 26e place, à sept minutes du Slovène.

Rodolphe Ryo, à Issoire