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Paris-Roubaix: la course en automne dès 2026, vraie idée ou bouteille à la mer lancée par l’UCI?

Évoqué ces derniers jours par le président de l'UCI David Lappartient en vue de sa réforme du calendrier des courses de vélo à partir de 2026, le déplacement de Paris-Roubaix à l’automne pour le rendre potentiellement plus pluvieux et plus spectaculaire n’est pas une évidence pour le peloton professionnel. Mais l’idée a au moins le mérite d’être lancée à deux ans des prochaines élections à la tête de l’UCI.

On l’a appris de l’UCI il y a un peu moins d’un an, le calendrier World Tour vit ses derniers tours de roues sous son format actuel, peu amendé depuis bien des années. Dès 2026, les chevauchements de grandes courses devraient disparaître. Ainsi par exemple Tirreno-Adriatico et Paris-Nice ne se dérouleront a priori plus simultanément.

Autre innovation possible évoquée il y a quelques jours par le président de l’Union cycliste internationale David Lappartient, le déplacement de plusieurs classiques printanières à l’automne, comme Paris-Roubaix ou encore le Tour des Flandres qui se déroulent actuellement en avril.

#69 : Paris-Roubaix pluvieux, une rareté historique
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Muscler la fin de saison

Du côté de l’UCI, l’idée de muscler le calendrier de fin de saison séduit, conséquence de la pandémie des années 2020 et 2021. A l’époque, le déplacement contraint de certaines des classiques en octobre avait engendré de très belles courses et notamment le premier Paris-Roubaix couru sous la pluie depuis 20 ans, pour le plus grand bonheur de David Lappartient.

"Les audiences ont été fantastiques. Je ne dis pas qu’on doit nécessairement le refaire, mais ce n’est pas interdit", a-t-il expliqué sur le site DirectVélo. Avant de nuancer: "Toutefois, ces deux épreuves doivent se suivre pour garder une logique de préparation à ces courses spécifiques."

Une mécanique bien huilée

Et la logique sportive, c’est bien l’un des immenses problèmes qui se poserait à écouter Marc Madiot, inconditionnel amoureux de l’Enfer du Nord. "Ça n’a pas beaucoup de sens. Pendant des années il fallait tout regrouper pour des questions de budget et d’écologie, et maintenant on veut de nouveau éclater le calendrier", sourit le manager général de l’équipe française Groupama-FDJ. "Nous, on a un groupe de coureurs qui prépare tout l’hiver la saison des classiques de mars et avril. Cela veut dire qu’il faudrait à nouveau refaire un groupe en fin de saison pour préparer des classiques qui auraient été décalées à l’automne. Sans compter l’aspect logistique et la gestion du matériel qui est différent pour ces courses-là. Nous quand on part faire les classiques du nord, on s’installe pendant trois semaines sur place."

Pas sûr non plus que du côté des organisateurs un tel changement soit vu du meilleur œil. Si Amaury Sport Organisation, organisateur de Paris-Roubaix n’a pas souhaité commenter cette sortie de David Lappartient, on n'a jamais caché du côté de la direction de course que l’édition pluvieuse, boueuse et particulièrement épique du 3 octobre 2021 ne devait pas non plus être une règle, même si elle avait été d’un point de vue du spectacle une réussite absolue.

"Paris-Roubaix sous la flotte, c'est traumatisant"

Ce jour-là, une météo calamiteuse avait créé nombre d’incidents mécaniques et des chutes en pagaille. Plusieurs cadors (Sagan, Kung, Van Avermaet, Moscon, etc.) étaient ainsi partis au tapis. Des motos suiveuses avaient également chuté, obligeant même le directeur technique de Paris-Roubaix Thierry Gouvenou à sortir de sa voiture in-extremis pour aider l’une d’elles à se relever sur un secteur pavé, sans quoi des coureurs auraient été bloqués et la course faussée dans le final.

"Si tu mets Paris-Roubaix en automne, tu auras 50% de chances d’avoir de la pluie", abonde Marc Madiot. "Et pour moi ça veut dire 50% des coureurs qui diraient que c’est trop l’enfer et qui du coup ne reviendraient pas."

Un sentiment partagé dans le peloton, notamment par Benjamin Thomas interrogé par RMC Sport. "Moi, je laisserais Paris-Roubaix en avril", explique le rouleur de Cofidis, qui n’a pour l’instant jamais pris part à la reine des classiques. "Quand j’en parle à mes coéquipiers, ils me confirment tous que Paris-Roubaix sous la flotte, c’est traumatisant. Oui, c’est bien pour le spectacle, mais pour la sécurité des coureurs je n’en suis pas certain. On prend déjà bien assez de risques comme çà. S’il pleut, il pleut, mais si on peut éviter de multiplier les risques, c’est mieux."

Des élections en 2025

Alors, vraie bonne idée ou bouteille à la mer lancée par David Lappartient? Contacté, le Président de l’Union Cycliste Internationale n’a pas souhaité pour l’instant s’exprimer sur le sujet. Toutefois, selon les informations de RMC Sport, cette suggestion de décaler les classiques à l’automne pourrait, si elle trouve un écho positif dans le petit monde du vélo, être un argument de campagne déployé dans le futur par l’actuel patron de l’UCI.

Car de nouvelles élections auront lieu à la tête de l’Institution en 2025. Et un nouveau calendrier sera a priori entériné à ce moment-là. Avec une ultime réflexion en suspens: et si déplacer le Tour des Flandres et Paris Roubaix à l’automne permettait aussi à l’UCI de prolonger la première partie de la saison en offrant plus de dates pour les courses qui se disputent notamment dans les pays du Golfe.

Arnaud Souque