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ASSE: crainte de sanctions, chiffrage des dégâts... comment Saint-Etienne se remet du chaos

Le chaos a régné sur la pelouse de Geoffroy-Guichard, dimanche après la relégation en Ligue 2 de l’AS Saint-Etienne.

Au lendemain de sa rétrogradation en Ligue 2, vingt-et-un ans après son dernier passage dans l'antichambre de l'élite (2001-04), Saint-Etienne a mal à la tête ce lundi. Ce jour d’après qui déchante se déroule dans le silence et le calme. Au mutisme des acteurs s’ajoute celui des supporters, sur fond d’estimation des dégâts qui pourraient aller de 400.000 euros à un million d’euros.

L’Etrat, morne plaine

Il n’y a bien que la cour de l’école primaire de l’Etrat, qui donne sur l’entrée principale du centre d’entraînement, qui vit. C’est la récréation, la pause de midi, et les écoliers de la commune s’amusent, insouciants et imperturbables face aux remous qui agitent les locataires des bâtiments d’à-côté. Il reste aussi une dose d’humour et de détachement chez cet employé qui en a connu des moments houleux dans son club. "Il va peut-être falloir que je change la sonnerie, vous connaissez le générique de la Coupe de la Loire", sourit-il en venant à la rencontre d’une petite poignée de journalistes présents devant le centre sportif Robert-Herbin.

Il est vrai que la musique de la Ligue des champions, qui le prévient de ses appels, semble un tantinet décalée quelques heures après la descente en Ligue 2, comme en 1984, 1996 ou encore 2001, pour l’époque contemporaine des Verts. Et comme un symbole, pour enterrer l’absence de 125e derby entre Lyon et Saint-Etienne en 2022-23, l’ASSE dégringole lors de sa… 69e saison dans l’élite. Les derbies auront désormais pour cadre Grenoble ou Annecy. Pas la même ferveur annoncée. Même à 65 kilomètres de là, entre Rhône et Saône, cette descente est vécue comme déjà, une absence.

La tristesse des employés "hors football"

Un peu de vie d’enfants, un peu d’humour d’un employé à la peau endurcie par les années aux plus près des joueurs. Mais rien d’autres: pas de banderole, pas de forces de l’ordre, pas de supporters. Le calme règne à l’Etrat en version "extérieure". En intérieur, le choc de la relégation rode dans tous les couloirs du bâtiment. Même pour ces employés "hors sport", encore sous le choc de la relégation sportive, mais aussi et surtout de la violence qui a ponctué la séance de tirs au but décisive de 21h48 – heure de l’officialisation de la descente – jusqu’à 23h15. Moins de douze heures plus tard, les esprits sont encore sonnés, certains ayant encore quelques larmes en eux. Celles que d’autres ont pu sortir dans l’énervement de cet après-match d’une violence infinie.

L’Etrat morne plaine, sans un ultime passage ni des acteurs sportifs ni de l’entraîneur Pascal Dupraz, qui reste toujours silencieux. En fin de matinée, Loïc Perrin, le coordinateur sportif (11h15) puis Jean François Soucasse (peu avant midi), le président exécutif, arrivent sans un mot devant la grille d’entrée du centre Robert-Herbin. La prise de parole de "l’institution" restera ce communiqué, un brin décalé à 22h23, indiquant qu’une "nouvelle importante concernant l’avenir du club sera annoncée dans quelques jours".

Aucun joueur ne prend la parole dans la foulée du match, même à la sortie d’un "confinement" de presque trois heures dans le vestiaire, alors que celui des Auxerrois sera "libéré" (selon les termes des forces de police en charge de l’exfiltration) à 23h20, deux heures trente après le coup de sifflet final glorieux pour les Bourguignons.

Près d’un million d’euros de dégâts?

Et pendant ce temps-là, au stade Geoffroy-Guichard, Christophe Chavanne, le patron "technique" de l’enceinte gérée par la Métropole stéphanoise procède à l’état des lieux du jour d’après. Il a vécu de l’intérieur cet après-match houleux et n’a pu fermer le stade qu’à 1h45, le temps de tout contrôler au niveau de la sécurité. Quelques heures plus tard, c’est à un fastidieux travail matinal qu’il se soumet.

Les services de l’ASSE confirment à RMC Sport en milieu d’après-midi l’étendue des dégâts pêle-mêle: une grande partie du banc des remplaçants des Verts qui a pris feu, tout comme la pelouse synthétique qui ceinture la ligne de touche côté tunnel des vestiaires, où il faudra faire un nettoyage des sols et des murs mis à mal par la chaleur des engins explosifs lancés. Une partie du système électrique, qui permet en hiver d’entretenir la pelouse par grand froid, a vu ses fils fondre quand les engins explosifs ont poursuivi, une fois à terre, leur combustion. Quelques sièges en tribune officielle sont aussi endommagés, tout comme un portail latéral d’entrée dans le stade, mis à mal par une tentative d’intrusion vers 22h20.

Deux interpellations au moment de l’envahissement

En ce lendemain de chaos, des odeurs tenaces de gaz et de combustions de plastiques rodent dans les coursives. Il y a les panneaux LED de publicité, que les plus excités des individus ont pris comme objets à jeter sur les CRS. Bilan, à eux seuls: une perte de 400.000 euros. Durant cet après-midi, les services de la Métropole affinent la note finale via des devis de réparation demandés aux entreprises. Les dégâts pourraient se chiffrer au final à un million d’euros. Il y a aussi en parallèle tout un travail de relevé d’indices effectué par des agents assermentés, afin de définir à terme les responsabilités des "envahisseurs" pouvant être engagées.

Pour le moment, deux interpellations ont été faites dimanche soir, une pour envahissement de terrain, l’autre pour utilisation d’engins pyrotechniques. On dénombre quatorze blessés du côté des forces de l’ordre. Il y a également cette interrogation: comment se fait-il que les abonnés de la tribune sud qui avait provoqué le huis clos, recasés en latéral et qui avaient promis de "rester tranquilles", aient changé d’avis au résultat final? Pourquoi avoir rompu ce deal avec le club et surtout les autorités? Le communiqué de la Préfecture à 1h du matin, indiquant deux joueurs blessés côté auxerrois, est déjà interprété comme une pierre dans le jardin du club, lancée par des autorités qui ont peu goûté le scénario final. La commission de discipline de la Ligue de football professionnel a décidé de mettre le dossier Sainté-Auxerre en instruction, sa décision sera prononcée "à l’issue de la séance du jeudi 23 juin", précise un communiqué. Elle pourrait amener de lourdes sanctions pour une institution habituée aux allers-retours à Paris sur ce thème. L'ASSE redoute des matches délocalisés, voire un retrait de points.

Mais dans ce jour d’après, là n’est pas le plus important puisque d’ici là, dix-sept joueurs en fin de contrat ne seront plus là à la rentrée et un nouveau tour de table capitalistique devrait aider à renouveler l’histoire. Car à l’Etrat morne plaine, il y a aussi ce souvenir que ressentent encore tous les gens impliqués de près ou de loin dans le match: la grande inquiétude qui régnait dans le stade, notamment dans les loges où beaucoup de spectateurs avaient pris place. Puisque la consigne, une fois que les assauts de quelques deux-cent fans à l’extérieur avaient débuté, était de rester confiné. Surtout qu’avec les retours de gaz lacrymogènes, les alarmes incendie ne faisaient que sonner et que les pompiers multipliaient les rondes, ajoutant de l’angoisse dans un contexte déjà anxiogène.

Edward Jay (avec RD)