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Droits TV: "voyou", attaque de Canal+, prix de 25 euros... Roures justifie le fiasco Mediapro

Jaume Roures, le patron de Mediapro, ancien diffuseur du football français dont la défaillance a plongé le football hexagonal dans une crise financière sans précédent, a été auditionné jeudi à l'Assemblée nationale. Le dirigeant a tout particulièrement déploré le refus de la LFP de renégocier les contrats qui étaient prévus pour la période 2020-2024.

Plusieurs mois après le fiasco, la ligne de défense n'a pas bougé d'un iota. Jaume Roures, président de Mediapro, était jeudi matin à l'Assemblée nationale pour répondre aux questions de la mission d'information parlementaire concernant les droits TV des manifestations sportives. Pendant 1h30, face aux députés Régis Juanico (Génération.s) et Cédric Roussel (La République en Marche), le dirigeant du groupe sino-espagnol a justifié l'abandon de la diffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2 au beau milieu de la saison 2020-2021.

Il persiste ainsi à soutenir que le projet a été plombé par la crise sanitaire, par l'attitude de Canal+ qui n'a pas voulu distribuer la chaîne Téléfoot, mais aussi par l'échec des renégociations avec la Ligue de football de profesionnel (LFP).

  • Pour Roures, le "business plan" initial de Mediapro était viable

"Nous avons donc fait une offre pour un total de 780 millions d'euros. La France a 50% de population en plus, un PIB plus important que l'Espagne... Donc les données objectives économiques du marché faisaient que nous croyions à la France. (...) Nous avons pris les droits pour quatre saisons. L'idée était de gagner de l'argent lors des années 3 et 4".

  • Roures estime que la LFP aurait dû revoir son contrat à la baisse

"En août 2020, on discute avec la Ligue pour revoir le prix et le contrat. (...) Qu'est-ce qu'on a demandé? Un rabais de 200 millions d'euros sur les 814 engagés. Cette négociation n'a pas été acceptée. Car la Ligue, sans revenus annexes, ne voulait pas discuter de son seul revenu. Nous avons demandé un délai mi-novembre pour discuter et on proposé 64 millions, ce qui qui était selon nous la valeur des matches déjà diffusés. L'offre a été refusée, et c'est à ce moment qu'on a commencé le procès".

"On n'a pas jeté l'éponge. On n'a pas pu négocier. (...) On a voulu négocier à cause du Covid. La Premier League, la Liga, l'UEFA... Nous avons eu des accords avec tout le monde. Sauf en France. (...) 200 millions d'euros de rabais, c'est sept millions par club de Ligue 1, trois millions en Ligue 2. Personne ne peut me dire que c'était impossible que les clubs coupent leur budget dans cette petite dimension. Peut-être que les joueurs auraient eu une Maserati à la place d'une Ferrari. On discute de ça, rien de plus. Tout le reste, c'est du bruit. En Espagne, les joueurs du Real Madrid, du Barça et de plusieurs clubs ont baissé les salaires pour sauver la situation. Ici, il paraît que ça n'a pas été possible, même si Lens ou Lille ont fait des choses comme ça".

"On a fini par l'accord pour rendre les droits à la LFP. On est parti en février. Puis la Ligue a vendu 1/3 de nos packs à Canal, puis a vendu le reste à Amazon pour 250 millions d'euros. Notre offre, même au rabais, était supérieure à celle d'Amazon".

  • Roures convaincu que l'abonnement à 25 euros pour Téléfoot était juste

"En Espagne, le prix était aux alentours de 18 euros. Avec des études de marché en France, notre prix était le meilleur d'Europe avec la Ligue 1, la Ligue 2 et la Ligue des champions. Avec une offre, on avait Netflix en plus".

  • Le rôle de la crise sanitaire dans le fiasco, selon Roures

"Les bars, les hôtels, les restaurants étaient fermés, alors que ça représente 10 ou 15% du business. (...) Le confinement a fait croître le piratage partout".

"Autre problème, on voulait décaler le début du championnat car le PSG et Lyon étaient qualifiés en demi finale du Final 8 de la Ligue des Champions en plein été. On ne s’est pas mis d’accord. La LFP nous a dit que le Conseil d’État ne pouvait pas repousser le début du championnat, ni repousser certains matches. Au début du championnat, la moitié des joueurs du PSG étaient en vacances à Ibiza... Ce n'est pas sérieux pour un business important où on joue des centaines et des centaines de millions d’euros".

  • Roures déplore l'attitude de Canal+

"Quelle a été l'attitude de Canal+ avec la LFP après notre départ? Je ne vais pas dire du chantage, mais une pression insupportable avec des offres fantômes. C'est comme un enfant qui n'est pas très bien éduqué. On parle pourtant d'un empire, pas d'une petite entreprise. (...) Si tu as mis des milliards pendant 30 ans sur le foot et que ton produit ne s'est pas amélioré, c'est que tu as un problème".

  • L'échange savoureux entre Roussel et Roures

En décembre dernier, le député Cédric Roussel avait déploré les "attitudes de voyou" de Jaume Roures, après le retrait de Mediapro. Ce dernier s'en souvient: "vous ne pensez plus que je suis un voyou?", lance-t-il. Ce à quoi le député a répondu: "Je parlais de méthodes de voyou mais vous n'êtes pas un voyou, monsieur Roures."

Julien Absalon avec Aurélien Tiercin