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Jeu léché, passion... comment Bielsa a ramené Leeds en Premier League

Après 16 ans d'attente, Leeds retrouvera la Premier League la saison prochaine. Une remontée validée ce vendredi par la contre-performance de West Brom, qui doit beaucoup à Marcelo Bielsa. Nommé en 2018, l'Argentin a prouvé que ses principes de jeu pouvaient parfaitement s'appliquer en Angleterre et lui permettre d'abandonner l'étiquette de perdant magnifique.

"La remontée en Premier League ? Il est imprudent de promettre quelque chose que vous ne puissiez garantir. Je ne pense pas que ce soit le message idéal à transmettre que celui de fixer des objectifs à l’avance. En même temps, c'est impossible de ne pas y rêver." Le 25 juin 2018, pour sa toute première conférence de presse en tant que nouvel entraîneur de Leeds, Marcelo Bielsa avait appelé à la prudence. Oui, sortir les Peacocks (les Paons, le surnom du club) du Championship allait être son principal objectif. Non, il n’était pas question de s’enflammer. Deux ans plus tard, l’Argentin a gagné le droit de savourer. Car après seize ans d’attente, Leeds est (enfin) de retour en Premier League.

Oubliés les soucis financiers, la descente en deuxième division en 2004 et la relégation en D3 trois ans plus tard. Oubliée également la déception née l’an dernier après l’élimination en demi-finales des play-offs d’accession. Bielsa a réussi son coup en ramenant Leeds, trois fois champion d’Angleterre (1969, 1974 et 1992), dans l’élite.

Après un passage raté au LOSC, "El Loco" a prouvé que ses idées de jeu si particulières pouvaient parfaitement fonctionner de l’autre côté de la Manche. Avec, en prime, des résultats à la clé pour celui dont les détracteurs aiment le plus souvent évoquer les échecs (l’élimination de l’Argentine au premier tour de la Coupe du monde 2002, les finales perdues en 2012 avec l’Athletic Bilbao en Coupe du Roi et Ligue Europa) que les réussites.

Pressing tout terrain et jeu léché

L’adaptation du style Bielsa au football britannique n’avait pourtant rien d’évidente. Mais il a rapidement su imposer sa griffe. Son mandat débute par cinq victoires et trois nuls en championnat. En décembre 2018, à la moitié de la saison, son équipe caracole en tête du classement. Longtemps réputé pour son jeu hargneux, au point d’être surnommé à une époque "Dirty Leeds", le club du nord de l’Angleterre conserve une part de cette agressivité sous la houlette de Bielsa, nécessaire en Championship.

L’ancien coach de l’OM reste toutefois fidèle à ses idéaux : marquage individuel, pressing tout terrain et continu dès la perte du ballon, répétition des efforts défensifs, mise en place de circuits de passes travaillés encore et encore à l’entraînement, contrôle du ballon, disponibilité dans les demi-espaces pour exploiter au mieux les attaques placées et, plus globalement, un jeu offensif.

Des concepts progressivement assimilés par l’effectif assez jeune et très disparate des Peacocks, dont l’élément présentant le plus de références au haut niveau se nomme Pablo Hernandez, ancien espoir du football espagnol et élégant milieu offensif à la technique suffisamment fine pour répondre aux exigences "bielsesques". Certaines phases collectives de Leeds, qui alterne généralement entre 4-4-1-1 et 3-3-1-3, régalent les habitués d'Elland Road et les suiveurs britanniques. Hors terrain, le charme fonctionne tout autant. Ses conférences de presse, durant lesquelles Bielsa peut se lancer dans de longues et passionnantes réflexions philosophiques, font le bonheur des fans. A Leeds, même ceux qui n’ont pas d’accointance avec le football sont séduits par ce personnage qui cherche à comprendre la ville et l’environnement où il vient d’atterrir. Un exemple de cette démarche sincère ?

Leeds sous le charme

Après s’être renseigné sur le nombre d'heures durant lesquelles les supporters doivent travailler en moyenne pour se payer une place pour voir jouer leur équipe, il demande à ses joueurs de consacrer autant d’heures - trois - pour ramasser les déchets autour de leur terrain d’entraînement. Conquis, les supporters lui pardonnent même le "Spygate": avant un match contre Derby County en janvier, Bielsa est reconnu coupable d'avoir fait espionner la dernière mise en place des Rams. La Fédération anglaise ordonne l'ouverture d'une enquête, une suspense est étudiée et Bielsa écope d'une amende de 230.000 euros qu'il règle lui-même. En assumant: "Ce que nous avons fait n’a rien d’illégal. On peut en débattre, ce n’est pas considéré comme une bonne chose mais ce n’est pas une violation de la loi."

Côté compétition, l’épilogue de la première saison de Bielsa en Angleterre n’est pas celui attendu. Les rêves de Premier League de Leeds sont balayés en play-offs par le Derby County de Frank Lampard. En dépit de cette élimination, Bielsa est confirmé à son poste et attaque l’exercice 2019-2020 aussi bien que le précédent. La série en août de six matchs sans défaite donne le ton. Malgré des périodes moins fastes, comme en fin d’année et début 2020, Leeds occupe la première place au moment de l’interruption de la saison en mars pour cause de coronavirus.

Intensité et spectacle

Lorsque la reprise est annoncée, de douloureux souvenirs refont surface. Longtemps en tête la saison dernière, les Peacocks n’avaient pris qu'un point sur les quatre dernières journées, ratant la promotion directe en Premier League, avant de chuter lors des play-offs pour le dernier ticket. La défaite à Cardiff (2-0) pour le retour de Leeds à la compétition n’est pas franchement de nature à rassurer les supporters.

La suite se révèle bien plus positive avec quatre victoires et nul qui permettent aux protégés de Bielsa de griller la politesse à West Bromwich. Une issue logique et méritée tant Leeds continue de proposer semaine après semaine l’un des plus beaux football d’Europe. La patte Bielsa, dont le schéma préférentiel reste un 3-3-1-3 adaptable en 4-1-4-1.

"Son Leeds n’a pas peur de prendre des risques, d’attaquer, dans un championnat qui est pourtant extraordinairement usant et physique. Ce qui me séduit chez lui ? Le jeu d’abord. L’intensité, le spectacle, le désir d’attaquer. Et puis sa personnalité. C’est quelqu’un qui peut paraître très posé, très réfléchi, très concentré sur son travail, qui parle admirablement du football, mais dans lequel on devine aussi qu'il y a un cœur qui bat sous la surface. C’est un mélange d’intellect et d’émotion", analysait, admiratif, l’ancien milieu et entraîneur de Leeds Gary McAllister dans les colonnes de France Football en février dernier. Si une véritable force collective se dégage de cette formation, certaines individualités élèvent encore un peu plus le niveau global.

Mention spéciale pour Pablo Hernandez, auteur de huit buts et sept passes décisives du haut de ses 35 ans, et l’attaquant anglais Patrick Bamford (26 ans), pas toujours adroit dans le dernier geste mais qui affiche tout de même 16 réalisations au compteur. Reste à savoir si Leeds pourra retenir ces deux éléments dans son effectif cet été. C’est le prochain chantier de Bielsa : conserver la base qui a guidé Leeds vers la Premier League et réussir le recrutement qui lui permettra d’assurer son maintien.

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Rodolphe Ryo