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Roberto De Zerbi: "Celui qui dit 'il n’y a que le résultat qui compte' n’a pas inventé l’eau chaude"

Coach au caractère bien trempé et à l’identité de jeu ambitieuse, Roberto De Zerbi a marqué la Serie A de son empreinte avec Sassuolo, avant d’entamer un nouveau chapitre de sa carrière en Ukraine la saison prochaine. Rencontre passionnée.

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Initialement publiée le 1er juillet dernier, nous vous reproposons cette interview de Roberto De Zerbi à l'occasion du barrage de Ligue des champions entre Le Chaktior Donetsk, le nouveau club de De Zerbi, et l'AS Monaco, match diffusé à 21h sur RMC Sport, abonnez-vous ici pour suivre le meilleur de la Ligue des champions.

Il a apporté une touche de fraîcheur à tout le football italien. Après trois années passées à Sassuolo, Roberto De Zerbi a choisi de rejoindre le Shakhtar Donetsk cet été. Pour ce passionné de football aux idées de jeu bien marquées, cette nouvelle aventure se fera loin des frontières italiennes. Derrière le De Zerbismo se cache un football courageux et offensif, mêlant possession, ambition et prise de risque. Celui qui a mené Sassuolo à deux huitièmes places consécutives en Serie A se livre à RMC Sport sur son amour du football.

J’ai retrouvé une interview de 2003, quand vous étiez joueur à Foggia. Une des premières réponses est: "On a pris du plaisir". Quasiment vingt ans après, maintenant que vous êtes devenu entraîneur, on a l’impression que ce mot, le plaisir, vous a suivi tout au long de votre vie dans le football.

Je ne veux pas faire ce métier si je ne me divertis pas. Je cherchais cette sensation quand j’étais joueur, et c’est la même chose maintenant que je suis entraîneur. Quand il est question de football, je mets toujours en avant cette notion de plaisir.

Le fait d’avoir été un joueur offensif, tantôt ailier, tantôt meneur de jeu ou second attaquant, vous a-t-il influencé sur votre manière de voir le football et sur votre quête de divertissement sur le terrain?

Ça a énormément joué. Sur le terrain, je cherchais ce plaisir de jouer. Pour me divertir, j’avais besoin d’avoir le ballon dans les pieds. Que l’équipe l’ait, ou moi. C’est ce que j’essaye de reproduire à mon échelle maintenant, comme entraîneur. Je veux que mon équipe ait le ballon, qu’elle commande le jeu, que les joueurs de grande qualité soient mis dans les meilleures dispositions pour jouer au football. C’est clair que j’essaye d’amener ce que j’étais comme joueur dans mon métier d’entraîneur.

Quand vous étiez adolescent dans les équipes de jeunes de l’AC Milan, dans les années 90, vous avez vu Sacchi diriger l’équipe première. Sacchi avait une idée très esthétique de son football…

L’ADN de ce Milan était en moi comme joueur et l’est toujours comme entraîneur. Le Milan de ces années-là gagnait en jouant mieux que les autres, avec des joueurs d’un immense talent. J’ai pris de tout ça pour la suite de ma carrière.

Dans cet effectif, il y avait Savicevic et Boban. Récemment, Vous disiez que vous adoriez Roberto Mancini et Francesco Totti. Sans oublier Roberto Baggio. Que des numéros 10… et comme entraîneur, il y a une large place pour ce type de joueur dans vos équipes.

Je pense que mes équipes ne peuvent pas jouer sans au moins un numéro 10. Si tu regardes mes équipes, il y a au moins deux ou trois numéros 10 ensemble. Il y a plusieurs types de numéro 10. Il y a celui qui construit le jeu d’un peu plus bas comme Maxime Lopez, Stefano Sensi et Manuel Locatelli, mais il y a aussi les 10 excentrés comme Domenico Berardi qui part du côté droit ou encore Djuricic qui est une autre forme de 10. Je ne pense pas au numéro 10 en terme de positionnement sur le terrain, mais plutôt sur le plan psychologique, sur ses intuitions. A Sassuolo, on a parfois aligné 5 joueurs qu’on peut qualifier de numéros 10, mais avec des caractéristiques différentes. Et au Shakhtar, c’est pareil. J’ai Solomon, Mudryk, Alan Patrick, Pedrinho, Tetê, Marlos. Ce sont tous des numéros 10 dans ma vision du jeu. Ils n’ont pas tous le même profil. Par exemple Alan Patrick est plus un constructeur, un géomètre sur le terrain, là où Pedrinho est plus Djuricic, Tetê est plus Berardi, Solomon est plus Boga. Ce sont tous des joueurs de grande qualité qui ajoutent de l’imprévisibilité à l’équipe.

"On peut enseigner le courage à partir du moment où on accepte l'erreur"

Dans les mots très importants de votre dictionnaire footballistique, on trouve le courage. Le courage des idées jusque dans leur application, le courage sur le terrain. Comment enseigne-t-on le courage aux joueurs?

On peut l’enseigner à partir du moment où on accepte l’erreur et la défaite. Si tu n’acceptes pas le pire, tu ne peux pas réclamer du courage. L’erreur ne doit pas conditionner un joueur et l’empêcher de retenter quelque chose sur le terrain. L’autre façon d’enseigner ce courage, c’est de dire que celui qui joue avec courage sera sur le terrain le dimanche, alors que celui qui n’a pas de courage, sera assis sur le banc avec moi. C’est assez simple finalement. C’est l’entraîneur qui doit transmettre cette notion. Un entraîneur doit aussi être cohérent. Si le mardi, le mercredi, le jeudi et le vendredi, on base nos entraînements sur le jeu, et qu’arrive le week-end, on joue différemment, ça ne va pas. C’est trop facile de jouer à l’entraînement, de prendre des risques et de réclamer du courage, et de changer d’approche le week-end avec un match à enjeu.

C’est plus facile de faire cet enseignement avec des joueurs qui correspondent à cette volonté de prendre des risques, qui n’ont pas peur de rater une chose compliquée.

Le management c’est aussi d’entrer dans les choix de recrutement avec les dirigeants, de dire qui doit partir et qui doit rester. Pour jouer au football comme je l’entends, mais c’est valable pour tous les entraîneurs, j’ai besoin de joueurs avec des caractéristiques bien spécifiques. Tout le monde n’est pas capable de faire des choses bien précises, et ce n’est pas valable que pour le football, mais dans la vie de tous les jours. Tout le monde ne sait pas tout faire.

Tout le monde n’est pas toujours capable, mais ça ne vous empêche pas d’avoir fait pas mal de turn-over à Sassuolo où on a eu le sentiment que tout le monde pouvait avoir sa chance, et qu’un joueur titulaire et bon pendant quatre matches pouvait ensuite être remplaçant pendant deux rencontres de suite.

Je veux deux joueurs par poste. J’entraîne tous les joueurs de la même façon. Je n’ai pas de titulaires et de remplaçants. Bien sûr que dans chaque équipe, il y a trois ou quatre joueurs plus importants, plus forts car nous ne sommes pas tous égaux, mais en les entraînant tous avec le même intérêt, en leur faisant sentir qu’ils sont tous importants pour moi, on réussit à garder un enthousiasme individuel et collectif important, et à maintenir un haut niveau d’entraînement. Un autre élément, c’est que ça ne me plait pas de faire jouer les joueurs seulement quand j’ai besoin d’eux. C’est plus juste pour moi de les faire jouer en dehors d’une obligation qu’une situation peut exiger comme une blessure ou une suspension.

Roberto De Zerbi lors de sa présentation comme nouveau coach du Shakhtar Donetsk
Roberto De Zerbi lors de sa présentation comme nouveau coach du Shakhtar Donetsk © AFP

Un joueur qui a cette considération voit son estime de soi renforcée dans le groupe…

Dans le rapport que j’ai avec eux, tous mes joueurs sont au même niveau. Mais sur le terrain, ils ne sont pas tous égaux. Ce n’est pas une question de démocratie car la hiérarchie se fait sur le terrain entre ceux qui ont plus d’expérience, qui sont plus forts, qui sont plus prêts à jouer…

En parlant de démocratie, il vous est arrivé plusieurs fois de parler à votre groupe d’actualités liées au monde du foot mais aussi très éloignées des terrains, des choses de tous les jours…

On est d’abord des êtres humains. Ensuite, seulement, vient le fait d’être des joueurs, des entraîneurs, des dirigeants, des journalistes, etc. Tu ne peux pas savoir ce qu’est le monde du football si tu n’as pas connaissance du monde qui t’entoure. Quand il y a des évènements importants, dans la vie professionnelle ou sur le plan social, il est normal pour moi que mes joueurs sachent ma vision de la chose, ce que j’en pense. C’est un échange.

Une autre expression qui est importante à vos yeux, c’est le fait d’être protagoniste. Si votre équipe a le ballon, c’est elle qui décide du sort du match. Vous avez dit une fois : "balancer le ballon du gardien à l’attaquant signifie faire un pari. Ce n’est pas construit, c’est juste l’espoir que l’attaquant touche le ballon et le garde. Et moi, je ne suis pas devenu entraîneur pour faire des paris." Jouer avec le ballon, décider du sort du match, avoir le contrôle, c’est une obsession?

Il y a un homme derrière un entraîneur. Donc j’essaye d’amener ma personnalité dans mon métier d’entraîneur. Si je passe toute ma vie à travailler dans le football, je veux le faire à ma façon. Je ne suis pas là pour faire passer le temps. Si je dédie autant de temps de ma vie pour le football, je veux prendre du plaisir, être protagoniste et apporter mes valeurs humaines. Je veux être content de ce que je fais. Et ça passe par le fait de déterminer moi-même ce qui va se passer. Ce n’est pas dit qu’on va gagner, mais au moins j’ai fait un choix. Je dis tout le temps qu’on choisit comment on va perdre, parce que personne ne sait comment on gagne. Il n’y a pas qu’un seul chemin pour gagner sinon on prendrait tous ce même chemin. Moi, je n’aime pas faire des paris, je n’aime pas aller au casino, je n’aime pas les paris sportifs. J’aime travailler et je crois en la valeur du travail dans ce métier. Balancer des longs ballons devant reviendrait à dire 'je ne sais pas si c’est l’adversaire ou moi qui récupérera le ballon, voyons-voir'. Alors que si je concentre mon travail avec ballon, quand je rate, cela veut dire qu’il faut que je travaille plus et si je réussis, ça veut dire que le travail paye.

"Verratti, un des trois joueurs italiens qui me plaisent le plus"

En Italie, on a encore deux grands courants de pensée et deux éléments que l’on oppose régulièrement. Le jeu et le résultat. Ou tu fais du jeu ou tu obtiens des résultats. Observe-t-on une trop grande obsession pour le résultat pur en Italie, malgré l’arrivée d’entraîneurs comme Gasperini, Italiano ou De Zerbi?

On travaille tous pour obtenir un résultat. Je ne travaille pas pour faire le beau sans intérêt pour le résultat.

On a pourtant entendu ce genre de réflexions sur vous en Italie...

Oui oui, bon, en Italie, il se dit et s’écrit beaucoup de choses, dans d’autres pays aussi. Je fais ce en quoi je crois. Le résultat, c’est la fin du chemin. C’est le point final. Et on veut tous avoir un résultat. Mais avant d’y arriver, il y a tout un chemin à faire. On ne peut pas mettre le résultat avant le chemin parce que le résultat arrive à la 90e minute d’un match. Avant cela, il faut jouer le match. Et moi, comme entraîneur, je peux influencer ce chemin. Ou plutôt, je peux créer les bases qui permettront d’arriver au résultat final. On commence toujours par le début. On ne peut pas partir du résultat et aller en arrière. Ça me semble tellement logique. Celui qui dit "il n’y a que le résultat qui compte" n’a pas inventé l’eau chaude.

On assiste aussi à des scènes bizarres. Quand une équipe, comme Sassuolo, réussit à marquer un but à travers une longue séquence collective qui part de derrière, tout le monde dit "mais quel spectacle extraordinaire." Mais quand un défenseur rate une relance et donne une occasion de but adverse, on entend "mais on ne peut pas jouer comme ça en prenant des risques aussi grands dans la relance." Un joueur qui matérialise ça, c’est Marco Verratti, on l’a encore vu à l’Euro entre le jugement de son match contre le Pays de Galles et celui contre l’Autriche. Vous, vous l'avez déjà dit, vous appréciez Marco Verratti.

C’est un des trois joueurs italiens qui me plaisent le plus. Il sait tout faire. Il peut jouer comme regista, comme playmaker, comme milieu relayeur et aussi comme trequartista. Il sait jouer au foot.

Pour évaluer le travail d’un entraîneur, on peut s’intéresser à plusieurs données : la qualité du jeu, les résultats obtenus, la personnalité d’une équipe et aussi la progression des joueurs. Le Djuricic d’aujourd’hui n’est pas le même que celui qui est arrivé en Italie. Même chose pour Müldür et Boga. Et je ne parle pas de Locatelli, Sensi ou Lirola. Beaucoup de joueurs ont fait le fameux salto di qualità (franchir un cap) avec vous…

On va partir d’un concept, Johann. Je te pose une question : qu’est-ce qui te permet d’arriver au résultat?

Il y a différentes choses, mais je…

(Il coupe) La plus simple ?

La qualité individuelle des joueurs?

Bravo. Donc si j’améliore la qualité individuelle des joueurs, ce n’est pas plus facile d’arriver au résultat ?

Evidemment.

Je sais bien à travers mon parcours qu’on obtient des résultats à travers la qualité du jeu. Mais pour obtenir cette qualité dans le jeu, il faut travailler sur les qualités des joueurs. Donc si je fais progresser les joueurs, je fais aussi progresser le jeu collectif de l’équipe. Et si j’améliore le jeu collectif de l’équipe, j’ai plus de chances d’arriver au résultat.

Roberto De Zerbi lorsqu'il était coach de Sassuolo, en mars 2019
Roberto De Zerbi lorsqu'il était coach de Sassuolo, en mars 2019 © AFP

La logique est implacable… et cette progression des joueurs de Sassuolo est affichée dans cette belle vitrine qu’est l’Euro 2020. Il y a 3 joueurs de cette équipe dans les 26 de Roberto Mancini, et n’oublions pas que Caputo et Ferrari ont fréquenté la Nazionale ces derniers mois.

Je suis aussi heureux que les parents de ces trois joueurs. Non pas que je me sens responsable ou que j’en tire des mérites, mais je suis heureux car je les apprécie et qu’il y a une part d’affect.

Ce n’est pas si évident que trois joueurs du 8e du dernier championnat italien fassent partie de la sélection finale d’une des plus grandes nations européennes…

On a essayé de les mettre dans les meilleures conditions pour qu’ils soient performants sur le terrain. Ils étaient déjà forts. On leur a donné de la confiance, du temps, la possibilité de prendre du plaisir et de progresser. On voit le résultat et on continuera à le voir quel que soit leur avenir et leur club d’appartenance dans le futur.

J’ai une réflexion depuis des mois maintenant, vous me dites si je me trompe. Pour les entraîneurs qui ont une forte identité de jeu, généralement offensive, spectaculaire ou esthétique, peu importe la sémantique, l’accès au grand club semble plus compliqué. Il y a la donnée du temps à disposition pour mettre en place ses idées de jeu. Plus le jeu est élaboré, plus du temps est nécessaire. Sauf que dans les grands clubs, il faut gagner et les pressions internes comme externes se conjuguent mal avec le moyen ou long terme. Il y a également la donnée de l’implication de l’entraîneur dans les choix de recrutement. Et il y a enfin le management des très grands joueurs. Pour faire simple, on ne gère pas Cristiano Ronaldo, Messi ou Neymar comme Caputo et Djuricic. Alors, une fois que je dis tout ça, je me pose une question. Un entraîneur comme vous serait heureux et vraiment lui-même dans un club comme la Juventus, le Real Madrid ou Manchester United?

Regarde, moi j’aime être libre. Je ne suis pas prêt pour le moment à renoncer à ma liberté pour ma carrière.

Mais vous seriez prêt un jour à ce sacrifice? Je n’en ai pas l’impression…

Attends, je vais t’expliquer. Comme j’aime ma liberté, je cherche des endroits où je peux travailler librement en étant moi-même. Je ne cherche pas un banc qui me fera gagner je ne sais quel trophée, je ne cherche pas un banc qui me fera gagner des millions d’euros ou qui a un nom prestigieux juste pour avoir le plaisir de dire que c’est un nom prestigieux. Je veux travailler avec mes idées et avec ma personnalité. Si aujourd’hui, je suis arrivé au Shakhtar qui est pour moi un top club, c’est parce que les conditions étaient réunies pour que je sois moi-même ici. Donc la question n’est pas de savoir si un jour je serai prêt à aller dans les clubs que tu as cité, mais de se demander si un jour ces clubs seront prêts à me donner cette autonomie qui me permet de travailler comme je veux. Je ne cherche pas nécessairement ce qui brille. Si je ne suis pas bien à un endroit, j’ai cette liberté en moi qui me fera partir du jour au lendemain.

"Marcelo Bielsa est un grand"

D’ailleurs, on peut tout à fait être heureux sans jamais entraîner le Real Madrid.

Exactement. Quand tu donnes tout au quotidien dans ton travail, tu ne peux pas être heureux si c’est juste pour l’argent d’un club prestigieux, juste pour avoir le blason d’un grand club sur la veste. Tu es heureux si tu travailles avec tes valeurs, avec tes idées, en étant toi-même, si tu sens de la gratitude autour de toi. Il faut comprendre ce qui est le plus important pour chacun d’entre nous.

Et sur le management des joueurs des très grands clubs?

J’ai géré Kevin-Prince Boateng à Sassuolo ou l’international brésilien Sandro ainsi que Bacary Sagna à Benevento et on s’est très bien entendus. Tu peux avoir des soucis aussi bien avec un champion qu’avec un jeune de la réserve.

Sauf que la résonance et les conséquences ne peuvent pas être les mêmes si vous avez un problème avec Ronaldo ou Neymar et avec Sandro…

Il faut voir donc voir quel est le poids de l’entraîneur dans le club et dans la réalité du club. Le poids de l’entraîneur à Sassuolo est forcément moins important qu’au Real Madrid?

Pas certain…

Ce n’est pas dit. Et les champions sont des hommes comme les autres. Si tu les respectes, il est plus facile d’avoir ce même respect en retour. Si tu es fourbe, eh…

Il y a un homme qui n’a jamais fait de compromis, c’est Marcelo Bielsa. Quand il était à Lille, vous aviez passé quelques jours avec lui…

Marcelo est un grand. Aussi bien comme homme que comme entraîneur. Sa façon d’être, sa façon de penser et le fait de n’avoir jamais laissé sa carrière être conditionnée par sa personnalité. Il n’a jamais fait passer sa carrière au-dessus de ses valeurs et de sa façon d’être.

Roberto De Zerbi lors d'un match contre la Lazio avec Sassuolo en juillet 2020
Roberto De Zerbi lors d'un match contre la Lazio avec Sassuolo en juillet 2020 © AFP

En parlant de compromis. Une fois vous en aviez fait en allant à Palerme qui avait un président "mange-entraîneurs", Maurizio Zamparini. Ça a été une leçon pour vous?

J’étais très jeune et c’était compréhensible de faire une erreur. C’est clair que ça m’a servi, que ça a été une leçon. Je ne referai pas aujourd’hui ce type d’erreur. Il peut y avoir des erreurs de jeunesse et une prise de conscience qui te permettent de ne pas recommencer plus tard.

Le choix d’aller en Ukraine, au Shakhtar, peut s’expliquer à travers cette leçon justement? Le Shakhtar vous offre un bon cadre de travail, de l’ambition, de la stabilité, des joueurs de qualité…

Les dirigeants ont une vision du football semblable à la mienne. Avant que je signe, j’avais compris qu’ils me suivraient sur le recrutement et il y avait déjà des joueurs qui me plaisaient beaucoup. Je ne demande pas du temps particulièrement, j’insiste plus sur les joueurs et les choses dont j’ai besoin pour travailler.

On revient à l’importance du profil des joueurs pour jouer votre football. Avec du bon matériel, on insiste moins sur le temps car on voit rapidement une évolution.

Exactement. On ne voit pas tout d’un coup, mais c’est étape par étape. Dans un mois, le Shakhtar ne pourra pas être un produit comme l’était Sassuolo après 3 années de travail. Un bébé ne marche pas après un mois.

On peut comparer votre choix de rejoindre le Shakhtar avec celui d’aller à Cluj, en Roumanie, quand vous étiez encore joueur? Là aussi, une nouvelle expérience à l’étranger, une nouvelle culture…

Tout à fait, c’est aussi une des raisons de mon arrivée au Shakhtar. Il y a forcément chez moi une part de curiosité, cette volonté de découvrir de nouvelles choses et d’élargir mes connaissances à travers un autre type de football.

Lors de votre présentation officielle en Ukraine, je me souviens qu’une journaliste vous avait posé une question sur la ville de Kiev, sur ce que vous attendiez de votre expérience en Ukraine, au-delà du football. Vous aviez répondu que vous étiez là pour travailler et que vous saviez d’avance que vous ne verriez pas grand chose de la ville. Ça ne vous arrive jamais de déconnecter du foot?

Quand je veux me faire plaisir, je pense au football. Quand je veux me détendre, je pense au football. Quand je veux me stresser, je pense au football. Quand je veux prendre du temps pour ma passion, je pense au football. Quand je veux ressentir de la gratitude, je travaille sur le terrain. Je ne sais pas si c’est une obsession, mais c’est ce qui me plait et m’amuse. Cela m’a permis d’avoir une vie chanceuse par rapport aux autres. Le football m’a donné beaucoup de satisfactions, il m’a donné de l’argent, m’a fait voyager, m’a fait connaitre des personnes de pays très différents, m’a fait apprendre des langues étrangères… Pourquoi devrais-je penser à autre chose qu’au football?

Johann Crochet