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Judo: "Mon corps dit stop, je ne l'écoute pas", confie Teddy Riner

Après un peu de musculation dans la salle collée au dojo de l’Insep, Teddy Riner s’est présenté devant la presse ce mardi. La cheville droite coincée dans une botte de marche, le triple champion olympique a justifié son retrait des Mondiaux (6 au 13 octobre à Tashkent). Ce n’est qu’une anicroche pour le Guadeloupéen, déjà projeté sur Paris 2024 où cette fois il ne sera pas question de blessure.

Teddy Riner, comment allez-vous ?

Ça va. Un peu déçu de ne pas pouvoir aller à ces Championnats du monde (6-13 octobre en Ouzbékistan). On avait fait ce qu'il fallait en termes de soins, de prévention pour guérir au mieux. Mais au vu de la blessure que ç'a été et l'opération que j'ai pu éviter, je suis quand même content qu'on me dise que ça s'est rattaché, que c'est encore en phase de cicatrisation, que deux ligaments sont bien mais que le troisième n'est pas encore bien. On reste positif. L'objectif pour moi, ce sont les JO à Paris. Donc on ne va pas se précipiter, on est dans une saison où il y a deux Championnats du monde (en octobre, puis mai 2023 au Qatar). Il ne faut pas se précipiter, ma “target” c'est vraiment les JO en 2024: ne pas louper ce rendez-vous, être bon.

Comment accueillez-vous cette blessure ? Il y a eu celle à un genou avant les JO à Tokyo et maintenant celle-là...

Ça, c'est autre chose. Ce qui se passe avec le staff reste dans le staff. Toujours comprendre le pourquoi du comment. J'aime comprendre ce qu'il m'arrive. Si elle est arrivée, ce n'est pas un hasard. Mais ne pas reproduire les erreurs des saisons précédentes parce que je ne voudrais pas que ça m'arrive, un mois, trois mois, six mois avant les Jeux. Je n'ai pas envie de louper ce rendez-vous et je ferai ce qu'il faut pour être le meilleur.

Vous aviez repris un bel élan en gagnant le Grand Chelem de Budapest, le 10 juillet, après un an sans compétition. Ça vous stoppe dans cet élan ?

Il vaut mieux que ça m'interrompe maintenant que sur cette grosse échéance que sont les JO. J'ai déjà réussi à aller chercher tout ce que je voulais, donc c'est du bonus d'être à Paris, à la maison et espérer rafler l'or, deux fois (individuel et par équipes), c'est un bel objectif. Si ça n'arrive pas, je ne serai pas déçu. L'essentiel, c'est de donner tout ce que j'ai, de faire ce qu'il faut. Je sais que c'est possible. Je ne suis pas inquiet, on est encore à deux ans, c'est beaucoup, c'est peu aussi.

Quand reprendrez-vous le judo ?

Les médecins m'ont annoncé (lundi) cinq semaines.

Sur ce championnat du monde, c’est Joseph Terhec qui vous remplace. Il aspire à devenir numéro 1. Qu’est ce que cela vous inspire ?

(rires). C’est très bien. Bon courage à toi. C’est très bien. Toute ma carrière on m’a dit que j’ai été protégé. On ne protège pas quelqu’un qui est champion du monde et qui récidive. On va voir si toutes ces personnes qui disent je peux le faire… Il y a une occasion, on va voir.

"Mon corps dit déjà stop. Moi, je ne l’écoute pas."

Devenez-vous plus fragile avec le temps ?

Je ne dirais pas plus fragile. Quand je discute avec ma psy qui note tout, il n’y a pas une compétition où je n’étais pas blessé. Le judo est un sport extrêmement traumatisant. Il y a des blessures et on doit faire avec. A mon âge, on doit faire un peu plus attention. Il ne faut pas prendre à la légère ces choses-là. Plus jeune, j’aurais peut-être outrepassé les ordres du médecin. Aujourd’hui je les écoute beaucoup plus.

Est-ce que ces blessures à répétition font de votre programme un casse-tête ?

Non. C’est un accident qui n’aurait jamais dû arriver. Jusqu’à présent j’ai fait ce qu’il fallait pour arriver en très grande forme sur les compétitions. Il n’y a aucune perturbation. Oui c’est un championnat du monde, mais j’en ai dix. Il y en a un autre en mai, c’est parfait. Comme je le répète, les JO c’est le point d’honneur. Il ne faut pas se tromper d’objectif.

Un mot sur l’équipe de France masculine engagée sur ces Mondiaux, une jeune équipe…

C’est une équipe de France en train de se construire. J’ai connu pas mal d'équipes de France. Il faut la laisser émerger. Il ne faut pas s’attendre à celles qu’on a connues. Il faut laisser le courant prendre.

Avez-vous peur que votre corps vous dise stop ?

Mon corps dit déjà stop. Moi, je ne l’écoute pas. J’optimise avec les médecins et mon staff pour aller jusqu’en 2024. Ça fait un moment qu’il dit stop bien sûr. Mon corps grince, s’exprime comme il peut mais je le mets en sourdine. Si en 2024 mon corps me dit stop, on n’écoutera pas. S’il faut que je monte sur le tapis en 2024 avec une jambe cassée, je le ferais. Mon fils me demande de pousser jusqu’en 2032. Je lui réponds ‘papa va aller jusqu’en 2024 et on en reparle’. C’est un plaisir de combattre devant ses enfants mais il y a le corps. A un moment aussi j’ai envie de tourner la page, d’être à la maison avec mes enfants et de ne pas louper des moments de vie avec eux parce que je suis aux quatre coins du monde. Il faut être un peu moins égoïste à un certain moment.

Ça veut dire que les JO de 2028 à Los Angeles sont à écarter. Vous en parliez pourtant au début de votre saison ?

2028 est toujours dans ma tête. Si je dois changer ma façon de voir les choses avec mes enfants, on verra, on trouvera. Aujourd’hui, avec mon staff, ma programmation, je suis en train de revivre. Ça fait longtemps que je n’ai pas eu ce niveau d’excellence à l’entraînement, je me sens revivre parce que tu as des partenaires qui ont envie de livrer bataille.

Propos recueillis par Morgan Maury