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Jugé pour "agressions sexuelles", Pierre Ménès dénonce un "coup monté"

Pierre Ménès, et ses avocats Mes Wassermann et Derambarsh, au tribunal judiciaire de Paris le 8 mars 2023.

Pierre Ménès, et ses avocats Mes Wassermann et Derambarsh, au tribunal judiciaire de Paris le 8 mars 2023. - J.C.

Huit mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende ont été requis à l'encontre de l'ex-chroniqueur sportif de Canal+ qui a été jugé ce mercredi pour trois agressions sexuelles en 2018 et 2021.

Des "gestes qui relèvent du droit pénal" comme l'affirme la procureure de la République de Paris ou des comportements basés sur de la "convivialité", sur de l'"humour", comme se défend Pierre Ménès? L'ancien chroniqueur star du Canal Football Club était jugé ce mercredi par le tribunal correctionnel de Paris pour des agressions sexuelles sur trois jeunes femmes datant de 2018 et 2021.

Trois jours après la mort de sa mère, un peu plus d'un mois après s'être fait amputer de deux orteils, Pierre Ménès, 60 ans dans trois mois, est arrivé au tribunal appuyé sur des béquilles. "Il aurait pu ne pas venir, mais il a préféré affronter ses juges car il a le désir de voir les choses remises à leur place", estime Me Wassermann, qui défend avec Me Derambarsh, Pierre Ménès. Des trois faits qui lui sont reprochés, l'ex-chroniqueur y voit soit un "coup monté", soit "un geste amical".

Ce geste amical, pour Pierre Ménès, c'est d'abord un "check" de la poitrine, un torse contre torse, à une vendeuse du rayon basket au magasin Nike des Champs-Elysées le 18 juin 2018. "C'était une femme de stature extrêmement athlétique, pour rigoler, j’ai fait un check comme font les basketteurs", explique l'ancien chroniqueur, assis sur une chaise face au tribunal tout au long de l'audience.

Le geste était-il partagé, interroge le président du tribunal? "Compte tenu de ma détente verticale légendaire, je n’ai pas pu aller bien haut", se défend Ménès. Comprend-il aujourd'hui "avec le recul" que le geste peut être perçu comme "déplacé"?

"Aujourd'hui, tout geste envers une femme est inapproprié", se désole l'ancien chroniqueur.

Nostalgie

À l’époque, cette femme, qui n'avait pas souhaité porter plainte, avait aussi décrit à ses collègues que le chroniqueur vedette de Canal+, autorisé par la marque de sport à venir s'équiper dans son magasin, lui avait attrapé les mains et avait entrelacé ses doigts avec les siens. Quelques instants plus tard, selon elle, Pierre Ménès avait aussi mis sa main sur sa hanche gauche avant de se frotter contre elle - "le sexe contre (ses) fesses" - pour se rendre aux caisses.

"Elle était en train de servir à client, objectivement il n’y avait pas de place pour que je passe. J’ai dû mettre la main pour dire que je passais. Elle n’a pas bougé, je l’ai frôlée", répond-il.

Loin de sa nostalgie de l'époque post-MeToo, - "ça a changé, permettez-moi de le regretter", lance-t-il - Pierre Ménès nie fermement les autres faits qui lui sont reprochés.

Il y a d'abord cette autre agression dénoncée le même jour par une autre vendeuse du magasin Nike, à qui il aurait passé la main dans le dos jusqu'en haut des fesses. "Je suis extrêmement choqué que les deux faits soient arrivés le même jour. À l’évidence, il y a concertation entre les deux", martèle-t-il assurant avoir "tout perdu" avec ce procès.

"Coup monté"

Pour le prévenu, il s'agit d'un "coup monté" pour le déstabiliser, lui qui avait "un style un peu personnel". "Celui qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas, ça plaît pas à tout le monde", commente-t-il.

Pourquoi défendre l'hypothèse d'un "coup monté" alors que les femmes n'ont pas porté plainte et n'ont pas souhaité se présenter ou se faire représenter à l'audience pour réclamer des dommages et intérêts, interroge l'assesseuse? "Elles ne veulent pas se confronter à moi, à leur mensonge, ça me fait penser au coup monté", maintient-il.

En mars 2021, il était mis à l'écart par la direction de Canal+.

"Mon départ était négocié, et au-delà de ça, j’avais rebondi à ce moment-là, il a fallu donner le coup de grâce", se défend-il.

À l’époque, le parquet de Paris avait classé les deux affaires du magasin Nike, l'une sans suite, l'autre avec un rappel à la loi. La révélation d'un nouveau fait qui se serait produit le 20 novembre 2021 avait relancé l'affaire.

Ce jour-là, à la mi-temps du match PSG-Nantes auquel le chroniqueur assistait dans la tribune VIP, une hôtesse dit qu'un homme lui a caressé la poitrine jusqu'au ventre, un "geste délicat, rapide et précis", avait-elle décrit aux enquêteurs. En cherchant qui l'avait touché, elle avait reconnu Pierre Ménès, seule personne présente.

"Visiblement vous n'êtes pas un habitué du Parc des Princes", rétorque Pierre Ménès au président du tribunal correctionnel. "Il est systématiquement plein, comment voulez-vous qu'avant la reprise je me retrouve seul devant une porte? Ça n’a pas de sens."

Des faits "avérés" pour la procureure

En l'absence du témoignage des trois femmes - l'une d'elle ayant expliqué aux policiers ne pas avoir "les épaules par rapport à ce genre de personne" - qui ont dénoncé les agissements reprochés à l'ex-chroniqueur, le tribunal aurait pu s'appuyer sur les vidéos des scènes dénoncées.

Pour le magasin Nike, les bandes "n'existent plus", a reconnu le ministère public. Celles du Parc des Princes n'apprennent rien. "Nous avons des témoins qu’on ne retrouve pas, des vidéos qui ne sont pas là, et des femmes qui ne sont pas là non plus", déplore Me Caroline Wassermann.

Pour la procureure de la République de Paris, les faits sont pourtant "tangibles et avérés". Elle reconnaît que ces faits ne constituent pas "le haut du spectre" des agressions sexuelles mais "il y a plusieurs contacts répétés, imposés, qui convergent tous vers la même hypothèse celle de l’agression sexuelle", maintient la représentante du ministère public qui dénonce "un abus de notoriété" d'un chroniqueur star face à de "simples vendeuses, à une hôtesse du Parc des Princes". "Il y a un fort degré d’intimidation que les faits se soient déroulés dans un contexte professionnel", conclut la magistrate.

Elle a requis huit mois de prison avec sursis et 10.000 euros d'amende à l'encontre de l'ex-chroniqueur. La décision du tribunal correctionnel de Paris sera rendue le 19 avril prochain.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV