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"Avoir une plus grosse agence que Jorge Mendes", le rappeur Kalash Criminel se lance dans le métier d’agent de footballeurs

Après être devenu l'une des têtes d’affiche du rap français, Kalash Criminel a récemment lancé sa propre structure d’agents de joueurs. L’artiste de 29 ans, qui s’apprête à passer lui-même ses diplômes, se confie à RMC Sport et affiche ses énormes ambitions au bord des terrains.

Son épaisse cagoule, ses textes ciselés et ses formules percutantes font désormais partie du décor. En près d’une décennie, Kalash Criminel s’est imposé comme une voix incontournable du rap français. Mais l’artiste de 29 ans ne vit pas pour autant reclus dans son studio. Loin de là.

Ouvert à d’autres horizons, le punchliner albinos, qui est né en République démocratique du Congo (anciennement Zaïre) avant de grandir à Sevran (Seine-Saint-Denis), se passionne notamment pour le ballon rond. Un milieu dans lequel il a décidé de s’implanter concrètement, comme le lui a suggéré son pote Franck Ribéry, dont il est très proche.

Avec son large réseau, sa notoriété et ses moyens financiers, Amira Kiziamina (son vrai nom) a récemment lancé sa propre structure d’agents de footballeurs. La société, baptisée "Power Industry", regroupe une dizaine d’employés, avec des scouts, des avocats, un préparateur physique, un coach terrain et plusieurs agents. A la tête du projet, Kalash Criminel s’investit personnellement dans son développement. Après avoir récemment sorti son projet "Bon courage" (disponible depuis le 23 février), le rappeur du 93 va d’ailleurs passer ses propres diplômes. "Ce n’est pas un travail facile, explique à RMC Sport celui qui a fait des études de droit. C’est pour ça que j’ai envie de me concentrer. Les gens voient l’argent et la 'fame', mais c’est beaucoup plus que ça."

Il a contribué à la signature de son cousin au FC Zürich

En attendant la présentation officielle de son agence, le Sevranais, originaire du quartier de Rougemont, a déjà obtenu la signature de plusieurs joueurs: des jeunes à développer et des professionnels aguerris. "Avant de me lancer, j’ai rencontré pas mal d’agents bien placés, notamment en Italie. J’ai beaucoup discuté avec eux", précise l’ambassadeur de la "sauvagerie" (son célèbre gimmick). L’un de ses amis, bien introduit dans les coulisses du métier, lui a aussi permis d’affiner ses connaissances.

L’idée d’une agence sportive trottait dans sa tête depuis pas mal de temps, mais le déclic a eu lieu au début de l’été 2022, lorsque son cousin Jonathan Okita a quitté le club néerlandais du NEC Nijmegen. Kalash Criminel a alors contribué à sa signature au FC Zürich pour trois saisons.

"Je connais beaucoup de monde dans le football et via mes contacts, j’ai réussi à lui trouver un club", explique-t-il.

L’ailier gauche de 27 ans, qui compte deux sélections avec la RD Congo, s’est imposé en Suisse, où il figure désormais parmi les meilleurs buteurs du championnat. De quoi conforter Crimi dans son choix de devenir agent.

L’importance du dialogue avec les parents et l’entourage

En attendant d’obtenir ses diplômes, il reste assez discret à la table des négociations, même s’il participe aux échanges, exprime ses exigences et supervise les détails des contrats. En restant cagoulé?

"Bientôt vous le verrez, si on fait un inside. Ce sera la surprise du chef", répond-t-il en riant.

Pour repérer des joueurs intéressants, les scouts de Power Industry se déplacent dans les stades et assistent à de nombreux matchs. En ciblant un large périmètre. "On est beaucoup en Île-de-France, parce que c’est clairement le plus gros vivier. Mais on supervise aussi en Allemagne et un peu partout", précise le patron. Quand un footballeur leur tape dans l’œil, ses recruteurs prennent la température. Ils font ensuite remonter les infos à l’agence pour valider le profil.

"Quand c’est des jeunes joueurs, j’aime bien parler avec les parents, complète le rappeur au visage dissimulé. Les jeunes sont assez fascinés: ‘Kalash Crimi, je suis fan de sa musique, je suis chaud pour bosser avec lui…’ Mais je préfère parler avec les parents, comme ça au moins c’est carré. Ils savent ce qu’on fait, où on veut aller, ce qu’on veut faire avec leurs enfants. En tant qu’agent, tu détiens entre guillemets la vie de la personne. Tu ne peux pas faire tout et n'importe quoi, parce que c’est des rêves, des objectifs que tu dois l’aider à atteindre."

"Je ne veux pas vendre du rêve aux gens"

Beaucoup de footballeurs, de tous âges, le contactent aussi directement. Mais Kalash Crimi se montre très sélectif, en accordant une grande importance à la personnalité de l’athlète et à l'influence de son entourage. "Je ne veux pas prendre un joueur qui va nous faire mal à la tête, avec un milliard de personnes en intermédiaires, l’oncle, la tante… Parce qu’il y a beaucoup de ça aussi. Beaucoup de familles qui cassent la carrière d’un joueur, alors qu’ils ne connaissent rien au foot ou au milieu." Il y a également ceux qui veulent que leur ado devienne le futur Mbappé: "Le foot, à la base, c’est un jeu. Mais certains perdent ce goût à cause de la pression mise par les parents, qui pensent que leur enfant va devenir pro et changer aussi leur vie à eux. Je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de faire."

Grand fan de Liverpool (il rêverait de représenter Alexander-Arnold), Amira prend garde à ne pas faire de promesses intenables à ceux dont il gère les intérêts. "Je ne veux pas aller bosser avec un joueur qui me demande quelque chose qu’il ne vaut pas. Ça, c’est compliqué. Je n’aime pas vendre des rêves aux gens, alors qu’on sait que c’est impossible. Tu ne vas pas aller chercher un contrat à un million pour un joueur de National 2. Parce que les joueurs fabulent beaucoup. Ils veulent ci, ils veulent ça, mais ils ne se rendent pas forcément compte de leur valeur marchande. Le joueur fait un bon match et pour lui, c’est le meilleur de l’histoire. Mais il n’a fait qu’un bon match sur trente-huit, donc la valeur qu’il se donne n’est pas forcément la valeur qu’il a."

Les contours de la profession d'agent – 14/11
Les contours de la profession d'agent – 14/11
11:30

"Je savais que c’était un milieu de requins"

Une position claire qui lui permet d’être plus à l’aise au moment de négocier avec les clubs: "On essaie toujours de valoriser nos joueurs et d’avoir le meilleur contrat possible. Quand on arrive à la table, c’est des choses concrètes, avec des arguments, qui font que le club va accepter nos demandes." Depuis qu’il a débuté dans ce nouvel univers, Kalash Criminel n’a senti aucune réticence liée à son activité de rappeur. "Je n’ai encore jamais vécu ça, assure-t-il. Pour l’instant, ça s’est toujours bien passé avec les joueurs, les autres agents ou même des dirigeants. Je pense qu’ils voient le fait que je suis connu et que je peux mettre leur club en avant. C’est plus du donnant-donnant. C’est vraiment du business."

Un business au fonctionnement opaque, dont la réputation n’est pas toujours très lisse. "Je savais dans quoi je mettais les pieds parce que la musique et le foot, c’est un peu lié. Je savais que c’était un milieu de requins. Je l’ai vu avec mon cousin et d’autres joueurs, j’ai entendu des histoires aussi, confirme le natif de Kinshasa. J’ai été assez déçu des gens parce que dans ce milieu, ils n’ont pas trop de parole, que ce soient les joueurs ou les agents. Les gens sont plus dans l’opportunité. Ils peuvent te donner une parole mais si quelqu’un de plus coté ou avec un plus gros carnet d’adresse vient, ils partent…"

Coupe du monde, CAN, Ballon d’or…

Très ambitieux, Crimi espère s’installer durablement dans le paysage des agents sportifs. Pour devenir à terme une référence. "Je veux voir les joueurs qui sont dans l’agence être appelés en Coupe du monde, à la CAN, à l’Euro. Ballon d’or, tout ça. C’est ça que je vise. Je n’ai pas forcément de limite. J’aimerais bien avoir l’agence la plus grosse possible dans le football. Plus que les Jorge Mendes et tout. C’est ce niveau-là que je veux atteindre. Ce n’est pas une histoire d’argent. C’est une passion et je pense que c’est un truc que je veux faire toute ma vie. J’ai vraiment envie de faire ça à fond".

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport