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Double Contact: "On a toujours vécu par rapport à la boxe", entretien avec Médine et son père

RMC Sport a sa rubrique "culture-sport" baptisée "Double Contact". Tout au long de l’année, on vous propose des entretiens intimes et décalés, avec des artistes qui font l’actualité. Pour cet épisode collector, réalisé en collaboration avec le podcast "RMC Fighter Club", on a réuni Médine et son père "Doudou" Abdelwahab pour parler de leur amour de la boxe.

Les pattes d’ours, les protège-dents et les sacs de frappe font partie du décor familial. Chez les Zaouiche, la boxe est un héritage. Celui d’Abdelwahab, que tout le monde surnomme "Doudou", le père du rappeur Médine. D’origine algérienne, il s’est pris de passion pour le noble art durant sa jeunesse turbulente dans un quartier populaire du Havre. Au point de se lancer dans une carrière amateure et d’effectuer même six combats professionnels à la fin des années 1980. Avant de se tourner plus tard vers le coaching. De quoi devenir un héros ganté aux yeux de son fils, futur poids lourd de la scène rap français...

A l’occasion d’un épisode collector, réalisé en collaboration avec la rubrique Double Contact et le podcast RMC Fighter Club, RMC Sport a réuni Médine et son père en studio pour parler de leur amour des rings. "On a toujours vécu par rapport à la boxe, témoigne "Doudou". On en parlait beaucoup avec les copains. Il y avait mon équipement à la maison. Médine et son frère (Naïm) s’essayaient à faire des petits combats. Ils ont toujours baigné dans ce milieu. C’était normal qu’à un moment donné ils passent le pas et qu’ils s’y mettent eux aussi."

Médine
Médine © RMC Sport

"On veut des darons forts sur leurs appuis"

L’artiste de 40 ans, actuellement en tournée à travers la France (il sera le 29 septembre à l’Olympia de Paris), se rappelle avoir enfilé les gants très jeune: "Moi j’y viens enfant. Je commence par la boxe éducative. Je m’entraîne avec les copains, mais c’est vraiment récréatif. Rien de sérieux (…) Je n’ai jamais fait de combat amateur (…) J’ai eu envie de faire de la boxe, non pas à cause de vrais sportifs mais à cause de personnages de fictions. C’est des inspirations du monde fictif, comme Ivan Drago, Clubber Lang (issus de la saga cinématographique Rocky, ndlr). C’est vraiment le monde fictif qui m’a galvanisé de ce sport. Je suis du genre à m’entraîner avec la bande son, à rechercher la BO du film."

Le punchliner de Seine-Maritime s’inspire même de certains films cultes pour compléter son dressing: "Avec Jamal mon styliste, quand on parle de références ensemble, on se dit: ‘Rocky 4 fréro’. Tu as vu quand il arrive avec le bombardier en Russie, son petit bonnet et la barbe qu’il laisse pousser, voilà c’est ça qu’on veut. On veut ce stylisme-là. On veut des darons forts sur leurs appuis (sourire)."

Épisode 182 : Médine, la boxe dans le sang
Épisode 182 : Médine, la boxe dans le sang
41:30

Médine a "les croisés du boxeur"

Même s’il en parle avec humilité, Médine a quelques repères intéressants sur le ring. Le rappeur Hatik, que nous avions reçu en début d’année pour un épisode spécial avec le boxeur Bilel Jkitou, nous l’avait confirmé lors de son passage dans nos locaux. "Si j’ai un avantage, c’est que je sais gérer la foule, parce que je monte sur scène depuis mon enfance, estime Médine. Du coup, j’arrive à gérer les distances. Je sais quand quelqu’un me parle dans la foule très loin et je sais quand mon coach me parle. J’arrive à isoler ces degrés d’audition. Et sur un ring, j’ai cette faculté-là. J’arrive à faire abstraction des voix dissonantes."

Malgré ses aptitudes, Médine n’a jamais pensé à suivre les traces de son père, même s’il a fait quelques compétitions de grappling. La faute notamment à un nez trop fragile. "C’est les croisés du boxeur", s’amuse-t-il. "Dès qu’il prend une pichenette, il pisse le sang, appuie "Doudou". Mais s’il n’avait pas eu cette fragilité au niveau du nez, il aurait pu faire une bonne carrière. Je suis honnête, sans vouloir le flatter. Il a une très belle boxe, une boxe efficace, très académique, mais aussi très puissante et percutante. Il a une bonne droite. Je le vois plusieurs fois sur certains sparrings par exemple, il est présent. Il sait tenir son adversaire à distance."

Abdelwahab Zaouiche, le père du rappeur Médine et entraîneur de boxe
Abdelwahab Zaouiche, le père du rappeur Médine et entraîneur de boxe © RMC Sport

La Don’t Panik Team, le club de boxe familial

Après avoir ouvert une maison de quartier dans les années 1990 au Bois de Bléville, au nord du Havre, Abdelwahab Zaouiche a intégré la structure Don’t Panik Team, lancée par Médine et son frère en 2009. En tant qu’entraîneur. Le club sportif, dont le nom fait référence à un célèbre morceau de son fondateur ("Don’t Panik"), est affilié à la Fédération française de boxe depuis 2012 et compte aujourd’hui près de 140 licenciés, répartis dans deux salles. Des combattants d’élite y ont été formés, à l’image d’Amina Zidani (29 ans, -57kg), qui s’est qualifiée pour les Jeux olympiques de Paris 2024.

Une fierté pour Médine et son père, qui a dû composer avec un climat parfois hostile lorsqu’il boxait il y a une quarantaine d’années. "Doudou" se rappelle notamment d’un gala lors duquel il a été victime de racisme dans l’ouest de la France: "C’était à Saint-Lô (Manche), je me souviens comme si c’était hier. C’était à la finale des championnats régionaux élite. On me déclare vainqueur. Je descends du ring et j’ai entendu cette phrase ‘sale arabe’. Ça m’a forcément choqué sur le moment."

Le RMC Fighter Club avec Médine et son père, en collaboration avec Double Contact
Le RMC Fighter Club avec Médine et son père, en collaboration avec Double Contact © RMC Sport

"Le racisme s’adapte comme un sale cancer"

Médine n’était pas dans la salle ce jour-là mais il a été marqué par cet incident, qu’il relate dans son morceau "Saint-Modeste": "On a une vidéo de ça et cette phrase on l’entend clairement. On la mettait en retour rapide et on se disait: ‘On n’a pas entendu ce qu’on a entendu’. Mais si en fait, il y avait un racisme décomplexé, ordinaire, qui s’exprimait comme ça dans une tribune sans que ça suscite l’indignation. Je rappelle qu’on est dans les années 1980."

"C’est une autre époque, mais ce sont des mécanismes qu’on retrouve malheureusement aujourd’hui. On m’accueille des dans des concerts avec des "non au rappeur islamiste musulman" pour ne pas dire justement "sale arabe". Pour moi, c’est une autre façon de le dire. Ça témoigne de la tristesse d’une époque et de mécanismes du racisme qui prend une nouvelle forme et qui change, qui s’adapte comme un sale cancer qui traverse les époques".

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https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport