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Son amitié avec Aurier, la folie de la CAN, les conseils de Drogba… la star du rap ivoirien Didi B se confie

Didi B a vécu au plus près le sacre des Éléphants lors de la CAN 2024. La star du rap ivoirien, proche de Serge Aurier, Franck Kessié et Max-Alain Gradel, était en lien avec le vestiaire durant la compétition. Après la sortie de son projet "Before Olympia", RMC Sport a rencontré l’artiste de 31 ans, couvé par Didier Drogba et connecté à la scène urbaine française.

Sa voiture a fendu la foule en sens inverse, à quelques instants du grand frisson. Alors qu’il se trouvait au stade Alassane-Ouattara, le 11 février dernier, Didi B a choisi de partir avant le début de la finale de la CAN 2024 entre la Côte d’Ivoire et le Nigeria (2-1). Le rappeur de 31 ans, qui venait de participer à la cérémonie de clôture en compagnie d’Alpha Blondy et d’autres têtes d’affiche locales, n’a pas voulu suivre le match en tribunes. Trop de pression, trop d’émotions et surtout trop de bouchons à la sortie. "Je me suis dit que ça allait être galère. J’avais tellement peur des embouteillages que j’ai filé direct", confie à RMC Sport celui qui vient de sortir son projet "Before Olympia" (disponible depuis le 12 février).

Quatre jours plus tôt, lors de la demi-finale face à la République démocratique du Congo (1-0), Didi B (près de 3 millions d’abonnés sur Instagram) s’était retrouvé coincé par une foule massive et euphorique. Devant le stade, certains fans ont reconnu la Jeep Sahara blanche dans laquelle il s’était affiché sur les réseaux. Et ils l’ont vite encerclée. "Les supporters ont bloqué ma voiture et voulaient célébrer avec moi. Ça tapait contre les vitres, sur le capot. Même si les gens étaient bien intentionnés, je ne me sentais pas en sécurité."

Une fête indescriptible dans les rues

Bassa Zérehoué Diyilem (son vrai nom) a alors pris ses dispositions pour suivre la finale dans un spot moins agité. Il a rejoint des amis dans le lounge d’un hôtel situé au centre d’Abidjan, dans le secteur du Plateau, l’un des quartiers d’affaires les plus réputés d’Afrique de l’Ouest, avec ses buildings surplombant la lagune Ébrié et ses nuées de chauve-souris qui sortent à la nuit tombée. Après un match irrespirable, la tête de Franck Kessié, la reprise en déséquilibre de Sébastien Haller et le sacre renversant des Éléphants, Didi B est sorti hurler sa joie dans la frénésie de la capitale: "On a vu tout ce monde dans les rues. C’était rempli de supporters. Il y avait la fête partout".

De quoi faire ressurgir les souvenirs de 2015, lorsque les partenaires de Yaya Touré avaient triomphé en Guinée équatoriale, après avoir battu en finale le Ghana au terme d’une longue séance de tirs au but (0-0, 9 tab à 8). Didi B n’avait que 22 ans à l’époque et sa carrière n’en était qu’à ses prémices. "J’étais parmi ceux qui couraient dans la rue", se souvient-t-il en riant. Cette fois, il est resté plus sobre, entouré de supporters moins démonstratifs que dans les coins populaires de la ville. "Par contre, on était encore plus fiers parce que beaucoup de gens n’ont pas cru en nous lors de cette CAN. Tu vois, quand tu n’es pas le meilleur élève de la classe et que tu réussis à avoir le bac, c’est un peu ce qu’on a vécu, donc on était vraiment heureux."

"Je rentre dans ma chambre, on m’annonce 4-0…"

Tout au long de la compétition, le punchliner, qui a rejoint la maison de disques Roc Nation (fondée par Jay-Z) après avoir été signé chez 92i Africa (une branche du label de Booba), a assuré de nombreux show cases en Côte d’Ivoire. De quoi mesurer la passion débordante autour de la sélection. Et l’impact de ses résultats sur le moral de la nation. Comme tous ses compatriotes, Didi B se rappelle parfaitement du traumatisme du 22 janvier, lorsque la Côte d’Ivoire, humiliée par la Guinée équatoriale (0-4), s’est retrouvée au bord du précipice.

"Je devais aller au stade ce jour-là, mais j’ai eu un séminaire à Assinie (une station balnéaire à une centaine de kilomètres au sud-est d’Abidjan). J’ai choisi de privilégier mon séminaire, mais je suivais le match à distance, raconte-t-il. En partant sur la route, j’entends qu’on perd 1-0. Un peu plus loin, 2-0. En arrivant à la réception de l’hôtel, mon père m’appelle et me dit: ‘Mon fils, 3-0’. Et quand je rentre dans ma chambre, on m’annonce 4-0… Je me suis dit: ‘C’est quoi ça? Il vaut mieux arrêter le match!’. Dans l’hôtel, l’ambiance était glaciale, c’était vraiment une sale journée."

Des liens "renforcés" avec le Maroc

Dans la soirée, après le nul entre le Ghana et le Mozambique (2-2), un serveur explique aux clients de l’hôtel que la Côte d’Ivoire peut encore arracher une place en 8es de finale, en terminant parmi les meilleurs troisièmes de la phase de poules. "On a recommencé à y croire, tout le monde s’est mis à faire des calculs en fonction des prochains matchs", sourit Didi B.

C’est finalement le Maroc, vainqueur de la Zambie (1-0), qui a validé la qualification des Éléphants deux jours plus tard. Et ce scénario a fait exploser la cote des Lions de l’Atlas aux quatre coins du pays-hôte. "Depuis que je suis né, je connaissais les bonnes relations entre les deux nations. Le roi du Maroc est souvent venu en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens n’ont pas besoin de visa pour aller au Maroc. L’entente était déjà bonne. Mais cette CAN a renforcé la sympathie entre les deux peuples", confirme le rappeur marié à Saraï d’Holorgne, une artiste-peintre de 29 ans.

Un son drill en feat avec Aurier

Après le sacre face aux Super Eagles de Victor Osimhen, Didi B a suivi de près la parade des Ivoiriens dans les rues d’Abidjan. "J’étais en FaceTime avec certains joueurs sur le bus, témoigne-t-il. J’ai appelé Kessié, mais on ne s’entendait pas bien à cause du bruit de la foule. J’ai eu aussi Gradel et Aurier." Les trois sont ses principaux potes au sein de la sélection. "Avec Aurier, on était branchés sur Insta et on s’est rencontrés lors d’une soirée de vacances en 2021. Il m’a soutenu sur tous mes projets. On a même fait un son ensemble. Franchement, le son est bon, un peu drill, mélo et tout. Aurier est pas mal au micro. Il a trouvé le thème. Il a placé deux mesures et deux phrases dans le refrain. Mais on n’a pas sorti le son, c’était un délire, on s’est juste amusés..."

"Franck Kessié, on avait des amis en commun. On s’est vu dans un restaurant l’an passé durant ma tournée et on a sympathisé", complète Bassa, qui s’est récemment rapproché de Seko Fofana à Paris (la ville de naissance du joueur d’Al Nassr). "Gradel, lui c’est mon vieux père. Il m’apporte son soutien depuis un bon moment."

Drogba l’a pris sous son aile

Un autre grand nom du football ivoirien lui donne de la force: Didier Drogba. Le meilleur buteur de l’histoire de l’équipe nationale (65 en 105 sélections) l’a contacté il y a plusieurs années, lorsqu’il faisait partie du groupe Kiff Not Beat (composé de quatre autres membres, Black k, Elow’n, Eljay et Joochar). "C’est lui qui nous a appelés, précise Didi B. Il nous a invité chez lui pour parler de nos parcours et de nos carrières. Il nous a conseillé d’être vraiment professionnels, en nous inspirant du succès de Magic System. Ensuite, on est restés en contact. On a fait plein de soirées ensemble. C’est devenu le grand frère quoi. Il me donne toujours des conseils. Récemment, il m’a encore dit de laisser mon travail parler et de ne pas rentrer dans les polémiques. C’est un exemple à ce niveau-là, il est carré, et c’est la meilleure chose à faire."

Près de dix ans après la dernière apparition de Didier Drogba sous le maillot orange (en juin 2014 en Grèce), la Côte d’Ivoire s’est trouvée un nouveau héros en attaque: Sébastien Haller. L’avant-centre de Dortmund, qui a vaincu un cancer des testicules, a inscrit le but du titre contre le Nigeria. "Tout le peuple voulait qu’il marque, savoure Didi B. On le voit comme le successeur de Drogba. On lui a fait confiance, c’est notre attaquant. Il a eu un mental de fer. Il n’a pas joué tout de suite. Son but a été celui de la confirmation. Mais nous, on ne l’a pas lâché. Haller, c’est la force mentale de l’éléphant."

"Gasset a fait une bonne sélection, Faé les bons choix"

Un autre homme a évidemment conquis le peuple durant cette CAN 2024. Il s’agit d’Emerse Faé. Le coach de 40 ans a été nommé sélectionneur en remplacement de Jean-Louis Gasset, évincé à l’issue de la phase de groupes. Avec son adjoint Guy Demel, l’ancien membre du staff a su redonner confiance aux joueurs. Jusqu’à les mener vers le Graal.

"Après la cérémonie de clôture, Faé est venu nous saluer. On l’a encouragé pour la finale, on lui a fait des hugs, on lui a dit: "On compte sur toi champion, c’est pour toi’", glisse Didi B, qui se réjouit de la prolongation (renouvelable) du technicien jusqu’en 2026. Il est également heureux de voir Gasset rebondir rapidement à l’OM. Sans rancune: "Tant mieux pour lui. Il a monté un bon groupe pour cette CAN, on ne peut pas lui enlever ça. Lorsqu’il a convoqué Haller, il y a eu des critiques parce qu’il était blessé. Certains réclamaient Zaha. Mais Gasset a fait une bonne sélection. Ensuite, Faé les a bien assemblés, en faisant les bons choix."

Ami d’enfance de Tam Sir, le producteur de "Coup du marteau"

Durant cette épopée à domicile, la voix du rappeur d’Abidjan a souvent résonné dans le vestiaire ivoirien. Yacine Idriss Diallo, le président de la fédération, lui a même dit que les joueurs écoutaient son morceau "Y a Dieu dedans" (en feat avec Paulo Chakal) avant d’entrer sur le terrain. Comme un rituel (Max-Alain Gradel le lui a confirmé). Dans les stades du pays, son titre "1 à 1" a aussi été souvent joué, au fil des succès des Éléphants. Mais le son qui a ambiancé la CIV cet hiver, c’est incontestablement "Coup du marteau". Un tube produit par Tam Sir, qui est aussi le beatmaker principal de Didi B.

Les deux artistes ont grandi ensemble dans le village de Ki-Yi, un centre culturel créé en 1985 par une Camerounaise, connu pour ses actions sociales. Leurs familles habitaient dans ce complexe hybride, situé dans le secteur de Cocody, au nord d’Abidjan. Une pépinière de talents où le père de Didi B s’est fait remarquer comme pianiste, pendant que sa mère dansait et chantait. Bercé par ce milieu artistique, Bassa s’est d’abord lancé dans une carrière d’acteur. Il est apparu plusieurs fois à l’écran, jusqu’à décrocher le rôle principal d’un film sur les enfants soldats ("Les Frères Kadogo"), réalisé par le Rwandais Joseph Muganga, qui a reçu plusieurs prix au Burkina Faso et au Canada.

Aya Nakamura est venue le saluer à l’Olympia

Il a ensuite attrapé le virus du hip-hop au lycée, fasciné par le style de l’Américain Lil Wayne et la cohésion du groupe parisien Sexion d’Assaut. Aujourd’hui, il est proche de nombreuses têtes d’affiches de la musique urbaine française, comme Dadju, SDM, Franglish, Leto, Abou Debeing ou Kerchak. D’autres connexions sont en cours avec Niska ou Youssoupha. Il connaît aussi un peu Vegedream, qui a vécu une partie de son enfance dans la ville de Gagnoa, au sud de la Côte d’Ivoire: "On a bossé ensemble à ses débuts, mais le son n’est pas sorti. On a plus vraiment de connexions, mais on se parle quand on se croise."

La semaine passée, Didi B a rempli l’Olympia de Paris lors d’un show survolté auquel a assisté Aya Nakamura. Une collaboration est d’ailleurs dans les tuyaux avec la chanteuse native de Bamako (Mali), qu’il a rencontrée lors d’un festival africain. Durant le concert, un message enregistré par Didier Drogba a été diffusé au public. Et Tam Sir était là, bien sûr, pour soutenir "son frère" dans la ville lumière.

"On va faire un exploit à la Coupe du monde"

Sans être un grand sportif, Didi B a tout de même joué au foot lorsqu’il était plus jeune, dans un style "à la Roberto Carlos". Il a fait un peu de judo aussi, avant de s’essayer au tennis avec son père ces dernières années. Supporter de l’ASEC Mimosas, le grand club d’Abidjan entraîné par le Français Julien Chevalier (par lequel sont passés Yaya et Kolo Touré, Gervinho, Jean-Michaël Seri ou les frères Kalou), il garde un œil attentif aux résultats du PSG et du Real Madrid.

Bassa, qui a pu échanger avec le président Emmanuel Macron lors d’un événement en octobre dernier à Paris, s’est aussi lié d’amitié avec Kingsley Coman lors de la dernière Fashion Week. Il discute régulièrement avec Djibril Cissé, Emmanuel Adebayor ou Yves Bissouma, le milieu de terrain malien de Tottenham. L’an prochain, l’artiste ivoirien se rendra peut-être au Maroc pour la CAN 2025, si son planning le lui permet. D’ici-là, il espère que les Éléphants débuteront bien les éliminatoires du Mondial 2026 (leur dernière participation remonte à 2014): "On est en confiance après cette CAN. Je pense qu’on va se qualifier et qu’on va même faire un exploit à la Coupe du monde!"

https://twitter.com/AlexJaquin Alexandre Jaquin Journaliste RMC Sport