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La Rochelle: "C’était dur devant la télé, je n’aime pas ça", Alldritt confie être prêt à repartir au combat

De retour à la compétition depuis le 30 décembre, après avoir observé une pause post-mondial pour se régénérer physiquement, Grégory Alldritt apparaît déjà affûté et fringuant. Le capitaine du Stade rochelais et numéro 8 du XV de France, très souriant lors d’un entretien accordé avant la quinzaine européenne, compte bien mettre à profit l’échec de la Coupe du monde et sa coupure pour revenir plus fort et plus déterminé que jamais.

Grégory, au regard de votre folle activité et de votre débauche d’énergie samedi dernier contre Pau, vous donniez l’impression de ne jamais avoir coupé avec la compétition. À quel niveau de forme vous situez-vous ?

(sourire) Moi, je l’ai sentie (la coupure) , je manquais un peu de rythme. Je sais qu’il faut que je continue à jouer pour progresser et retrouver mon meilleur niveau. C’est dur à jauger mais je sens qu’il y a encore du boulot.

Vous avez fait votre retour au club le jour de Noël. Comment s’est déroulée votre reprise sur le plan physique?

J’ai commencé même bien avant, avec Philippe Gardent (responsable de la préparation physique du Stade Rochelais, NDLR), qui me faisait passer les programmes physiques personnalisés. Je lui faisais un retour quasiment tous les jours, c’était une séance par jour. J’ai continué bien sûr le 25 et le 26 décembre pour être prêt le plus tôt possible. J’ai une morphologie qui ne me permet pas de couper un mois et demi et de reprendre comme si de rien n’était. Il faut quand même que je maintienne un niveau de sport.

Sinon?

Je prends vite du poids (sourire).

"Pas mal de petits pépins ont disparu. Je ne dirai pas que c’est un renouveau mais ça m’a fait beaucoup de bien"

Êtes-vous à votre poids de forme?

J’ai pris un peu début novembre quand j’ai vraiment coupé - les trois premières semaines -, quand j’ai fait mon infiltration au genou. Ensuite, j’ai repris pour maintenir et finalement perdre du poids. J’ai fait des choses que je n’avais pas l’habitude de faire. Des footings, du paddle, du golf. C’était plaisant de sortir un peu du terrain en herbe pour faire du sport.

Êtes-vous régénéré comme vous le souhaitiez ?

Oui, je suis plutôt satisfait. Pas mal de petits pépins ont disparu. Je ne dirai pas que c’est un renouveau mais ça m’a fait beaucoup de bien. Le genou, ça va. J’avais une épaule douloureuse qui va beaucoup mieux. Un ischio, aussi. Je touche du bois, j’espère que ça va durer le plus longtemps possible maintenant.

Votre décision de faire une pause a fait l’objet de nombreux commentaires en tous genres, parfois même de spéculations sur votre état de santé…

Ça marche comme ça, il y a beaucoup de choses qui se disent mais je n’ai pas fait trop attention. Je vous avoue que j’ai coupé avec les réseaux sociaux et les médias. C’était important de ne pas être trop présent parce que ça permet de couper.

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Votre démarche pourrait faire "jurisprudence" et donner des idées à d’autres joueurs, non?

C’est nouveau en France, oui. Après, ça se fait beaucoup, déjà, dans l’hémisphère sud. Tout le monde est différent, tout le monde n’en avait pas forcément le besoin ou la nécessité et tout le monde n’a pas les mêmes saisons, le même vécu. Moi, j’en avais besoin. D’autres joueurs avaient besoin de jouer. Il s’agit d’une décision à prendre personnellement, en échangeant avec son club. J’ai eu la chance d’avoir un club très compréhensif à ce sujet.

Avez-vous regardé des matchs pendant cette période de coupure ?

Je n’ai regardé que ceux de La Rochelle. J’ai regardé tous les matchs de La Rochelle. C’était dur devant la télé, je n’aime pas ça ! Des fois, je disais à ma copine que j’avais envie de revenir le lundi qui suivait. Elle me disait qu’il ne fallait pas. C’était beaucoup de frustration, beaucoup d’excitation mais je me forçais un peu à couper. 

Êtes-vous du genre à bondir du canapé?

(sourire) Non, je suis plutôt calme. Disons que j’intériorise. Beaucoup.

Plus frustré qu’inquiet, au sujet du début de saison rochelais?

Aucune inquiétude. Quand on regardait le classement, on était toujours à portée de tirs des deux premiers. Là, on revient à six points (de la 2e place), c’est très serré. Il faut continuer, il reste encore quasiment cinq six mois de saison, c’est énorme. Donc il n’y a pas lieu de paniquer.

"Faire l’impasse sur le VI Nations pour rester en club? Ça n’a pas été évoqué parce que, déjà, l’équipe de France, ce n’est pas à la carte, on ne choisit pas. Déjà, il faut avoir la chance d’être sélectionné (…) Il n’y a jamais rien d’acquis en équipe de France. Si le joueur le croit, c’est le début de la fin."

Vous savez mieux que quiconque, en tant que capitaine, que le Stade Rochelais démarre généralement ses saisons en mode diesel…

Si on regarde toutes les saisons précédentes, on tourne à une vitesse "inférieure" lors des débuts de saison. Et on commence à accélérer au mois de décembre. Bon, là, il y a ces deux premiers matchs de coupe d’Europe où l’équipe aurait aimé être plus performante. Mais on est à l’équilibre au classement britannique, maintenant. C’est plutôt une bonne chose. Il va falloir continuer pendant la période des VI Nations. J’espère que la fin de saison sera chargée.

Vos deux prochains matchs, face à Leicester et Sale, vont conditionner une partie de votre printemps 2024. La Rochelle n’est certes pas dans la meilleure des postures mais, avec ces deux bonus défensifs, n’est pas éliminée de la Champions Cup…

Ce sont deux matchs cruciaux pour la suite. On reçoit Leicester, on s’est dit que c’était un match de phases finales. On va tout mettre en œuvre dimanche et je suis sûr que le stade Deflandre sera en stade de phases finales. Nous, sur le terrain, on va mettre beaucoup d’intensité pour sortir avec la victoire. Si on gagne, on continue, si on perd on arrête.

Le record de Toulon - trois étoiles consécutives - vous fait-il de l’œil?

Ça fait de l’œil à tout le monde. C’est le rêve ultime! À nous de le montrer.

Contrairement aux éditions précédentes, en cas de qualification, vous devriez vous déplacer dès les huitièmes de finale. Le mois dernier, avant d’ouvrir le bal face au Leinster puis les Stormers, votre coéquipier Paul Boudehent nous disait: "à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire"…

Ce serait plus beau d’aller au bout car ce serait encore plus dur. On serait obligés de se déplacer pour les huitièmes de finale et on tomberait face à une grosse équipe européenne. Ça va encore créer un challenge, on aime bien relever les gros challenges. Maintenant, il faut le prouver.

Venons-en au XV de France. A-t-il été question de faire l’impasse sur tout ou partie du prochain Tournoi des VI Nations pour prolonger votre retour plus tardif en club?

Ça n’a pas été évoqué parce que, déjà, l’équipe de France, ce n’est pas à la carte, on ne choisit pas. Déjà, il faut avoir la chance d’être sélectionné. J’espère que j’aurai cette chance et que je pourrais porter ce maillot bleu, c’est le rêve ultime de tout joueur de rugby.

Vous vous interrogez quant à votre présence sur la prochaine liste de Fabien Galthié, vraiment?

Je me force à réfléchir comme ça. Il n’y a jamais rien d’acquis en équipe de France. Si le joueur le croit, c’est le début de la fin. Je me remets toujours en question, j’essaie toujours de progresser. Je suis toujours impatient d’avoir les listes, je reste le plus heureux quand elles sortent.

"L’élimination en quart? Ce n’est pas un sujet tabou. C’est un échec et des échecs, en club, on en a vécus. On a su rebondir et ça a même été une force pour nous. Si on n’avait pas eu ces échecs, qui sait si on aurait eu les titres suivants"

Dans quel état d’esprit abordez-vous ce nouveau cycle de quatre années, qui mènera les Bleus jusqu’à la Coupe du monde 2027 en Australie?

Avec beaucoup d’excitation. On a notre premier Tournoi (des VI Nations) avec trois réceptions, on sait que les conditions sont favorables pour essayer de le remporter. Il y a quatre ans, on était novices, on débutait au niveau international, on était fiers d’avoir accroché la deuxième place au premier Tournoi. Là, on va l’aborder d’une façon différente. On va tout faire pour essayer de le remporter. La Coupe du monde? Il faut bien sûr se projeter et toujours avoir un objectif à long terme. Mais il ne faut pas s’éterniser dessus. Il faut faire les choses étape après étape. En ce moment, j’ai beaucoup de choses à penser entre le Top 14, la Coupe d’Europe et le Tournoi (sourire). La Coupe du monde 2027 est quand même assez loin.

Avez-vous tourné la page de celle qui vient de s’achever?

J’ai tourné la page. Je ne sais pas comment ça va se passer mais peut-être que pendant le Tournoi, le staff va en reparler pour voir où on a fait des erreurs et progresser. La page n’est pas oubliée mais elle est tournée, c’est ce qu’il faut pour progresser.

Le sujet de l’élimination en quart de finale était-il 'tabou" pendant votre coupure ?

Pas du tout. On en a parlé entre nous, les joueurs, déjà. C’était important, ça faisait du bien à tout le monde. On en a parlé avec Fabien, qu’on a eu longuement au téléphone. Et avec les proches aussi, ce n’est pas un sujet tabou, ça fait partie de la vie. C’est un échec et des échecs, en club, on en a vécus. On a su rebondir et ça a même été une force pour nous. Donc, maintenant, c’est l’objectif. Si on n’avait pas eu ces échecs, qui sait si on aurait eu les titres (deux Champions Cup, NDLR) suivants.

Pensez-vous au brassard de capitaine des Bleus, en l’absence d’Antoine Dupont?

Je ne me prends pas la tête avec ça. Je suis concentré sur le fait retrouver mon meilleur niveau. Bien sûr, c’est magnifique d’être capitaine de l’équipe de France mais c’est optionnel. On a un sacré groupe de leaders. Qui que ce soit parmi ce groupe, ça tiendrait la route.

Que peut-on vous souhaiter pour cette année 2024 en cette période de vœux?

J’espère qu’il y aura des titres cette année, que ce soit au niveau international ou avec le club. Si je peux signer trois sur trois (VI Nations, Top 14, Champions Cup), je signe trois sur trois (sourire). Et bien sûr la bonne santé. Et beaucoup de joie et d’émotions, surtout!

Romain Asselin