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XV de France: Nolann Le Garrec, symbole de l'émergence du rugby breton

C’est la pause au RC Vannes. Pendant trois semaines le championnat de ProD2 s’offre une ultime respiration avant d’entrer dans la dernière ligne droite qui verra peut-être le club breton, leader du classement, se hisser pour la première fois en Top 14. En attendant, dans les bureaux du club morbihannais tout le monde se réjouit de la performance de l'ancienne pépite locale Nolann Le Garrec, qui a rejoint le Racing 92 à 15 ans, étincelant pour sa première titularisation en bleu samedi dernier face au Pays de Galles. Une étape de plus dans le développement du rugby 'made in breizh' à l’échelle nationale.

Wilfrid Lahaye, ancien joueur et entraîneur de Vannes, est aujourd’hui manager du pôle espoir de la Fédération française de rugby basé dans la cité morbihannaise. Pendant trois années, il a suivi le développement du jeune Nolann Le Garrec.

"J’ai beaucoup d’images qui me reviennent. Un garçon pétillant qui voulait tout le temps être sur le terrain pour s'entraîner. Je sais qu'à 7 ans il était capable de pouvoir construire l'équipe de Fédérale 1 avec le nom des joueurs. Quand j'étais entraîneur en ProD2, il était encore très jeune, mais il aimait bien taper à la porte pour observer les suivis vidéo. Ensuite on allait sur le terrain et il me disait 'mais tu crois que je peux lancer le jeu avec les 3/4?' Et c'est lui qui lançait le jeu avec les joueurs de ProD2. Il avait 15 ans."

Des souvenirs de précocité qui ont marqué tout un club y compris l’actuel entraîneur de l’équipe pro, Jean-Noël Spitzer: "Quand nous étions en Fédérale 1, il avait 12 ans et participait à l’échauffement avec le groupe. Il traînait toujours autour du terrain, dans les vestiaires... il entendait parler de stratégie, il voyait les vidéos."

Une formation accélérée et des aptitudes particulièrement développées par la pratique du handball dans ses plus jeunes années qui lui ont donné une habileté motrice supérieure. Mais l’autre atout du garçon repose sur la famille.

Dans la famille Le Garrec, je demande le grand-père et le père

Même en passant par le handball, Nolann Le Garrec est tombé tout petit dans l’univers du rugby. Son grand-père Alain a été le premier responsable de la section sportive et a initié beaucoup de vannetais au rugby. Son père Goulven, entraîneur dans le staff de l’équipe de ProD2, a été le premier joueur breton à évoluer au niveau professionnel.

"C'est un garçon qui a toujours eu un ballon de rugby dans son jardin avec son papa, poursuit Wilfrid Lahaye. Il a toujours travaillé ses gammes, ce travail technique main-pied. À 13-14 ans il avait des habiletés techniques supérieures par rapport à son âge. Il avait déjà cette aisance de lecture des rapports de force qui faisait que c'était un joueur qui était dangereux."

Mais tout jeune le garçon doit aussi gérer ses envies de haut niveau. "Il a cette notion d'exigence, qui est parfois à la limite sur le plan affectif, mais qu'il a su canaliser depuis quelques années avec les matchs de Top 14. À l’époque des entretiens qu'on avait ensemble pendant son parcours de haut niveau, il pouvait se mettre à pleurer. Car il avait déjà cette exigence d'être international. La peur d'échouer produisait beaucoup d'émotions qui ressortaient à un moment donné. Il fallait simplement lui dire: prends le moment présent, chaque moment aura son émotion et prends le temps de te construire. Ça a toujours été un leader affectif. Il est le premier à aller voir les autres. Il est tout le temps en relation socialement avec les autres. Il était capable de connaître tous les joueurs, leurs problèmes, et il en a fait une énorme force."

L’étendard du rugby breton 

Fier de ses racines, Nolann Le Garrec garde un lien profond avec son club à qui il rend visite dès qu’il le peut. Pour Jean-Noël Spitzer, nul doute que l’arrivée d’un joueur breton au plus haut niveau est une nouvelle étape pour l’ovalie dans le grand ouest.

"Nous avions déjà eu Arthur Coville champion du monde, capitaine des U20 en équipe de France, et la semaine passée trois joueurs vannetais évoluaient dans cette même équipe. Le développement du rugby dans notre territoire passe par cette popularité médiatique mais il faut réussir à élever le niveau moyen du rugby dans l’ouest." Sur les six dernières années, dix joueurs venus de Bretagne ont été sélectionnés dans les différentes équipes de France jeunes. Une évolution marquante.

La réussite de Nolann Le Garrec vient donc récompenser les efforts des dirigeants. Une vraie satisfaction pour Martin Michel, directeur général du club: "Nolann est un petit peu un cas à part, c’est notre cocorico breton! Mais de voir aujourd'hui des jeunes bretons évoluer au plus haut niveau c'est une vraie fierté parce que ça découle d'un travail très long de conviction. Il faut du temps, il faut travailler beaucoup, mais ça nous fait comprendre qu'on peut aussi y arriver et que tout Breton peut accéder au plus haut niveau."

Il reste une étape à franchir: l’accès au Top 14. Vannes, premier du classement de ProD2, peine un peu après avoir surclassé tous ses adversaires en première partie de championnat. Avec un budget de 13 millions d’euros et un stade de la Rabine qui joue souvent à guichets fermés (11.500 places), le RC Vannes est prêt pour aller faire un tour à l’étage supérieur. Mais la concurrence est rude pour monter dans l’ascenseur.

"On va monter en Top 14, c’est sûr, sourit Wilfrid Lahaye, mais je ne peux pas vous dire quand!" Une expérience que mériterait le club et la Bretagne. "Si on devait monter tant mieux, renchérit Martin Michel, ça permettrait de continuer à développer le club. Mais ce n’est pas une fin en soi, l’objectif c’est de stabiliser un club breton au plus haut-niveau."

Et dans une quinzaine d’années pourquoi ne pas retrouver Nolann Le Garrec sous les couleurs bleu et blanche pour une fin de carrière en Top 14. Ce rugby-fiction siérait bien à Jean-Noël Spitzer: "Je préfèrerais ça à le voir joueur contre nous!" Mais pour le moment Nolann Le Garrec a 21 ans et bien du rugby devant lui.

Pierre-Yves Leroux