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Face au défi climatique, le ski alpin en quête de nouvelles solutions et de nouveaux horizons

En première ligne face au réchauffement climatique, le ski alpin professionnel va devoir se réinventer s'il veut perdurer. Présent dimanche à Chamonix pour un slalom de Coupe du Monde couru dans des conditions tristement printanières, Michel Vion, le secrétaire général de la Fédération Internationale de Ski (FIS) s'est confié à RMC Sport sur les scénarios à privilégier dans le futur pour ne pas assister à une déliquescence de ce sport.

Moins de courses sur une période plus ramassée, multiplication des épreuves en nocturne, instauration d'étapes en Chine: beaucoup de pistes sont aujourd'hui sur la table pour contrer les effets du réchauffements climatiques, alors que les discussions vont déjà bon train pour déterminer le calendrier de l'hiver 2024-2025. Nouveauté d'ores et déjà actée après la polémique de Wengen et les graves blessures notamment d'Alexander Aamodt Kilde et Alexis Pinturault: il n'y aura plus trois épreuves de vitesse en trois jours (Descente/Super-G), chose vue deux fois cet hiver suite à des annulations et reprogrammations de courses pour raisons météo.

MICHEL VION, la FIS planche actuellement sur le calendrier de l'année prochaine. Qu'est-ce qui se dessine compte tenu des polémiques de l'hiver liées aux annulations et aux nombreux reports?

Le ski est un sport d'extérieur, dépendant des conditions météo et cette année c’est vrai, il y a eu pas mal d'annulations. Il y en avait déjà eu l'année passée pour manque de neige. En début de saison, on a eu des annulations pour excès de neige et maintenant c'est l'inverse. On est tributaires des aléas climatiques et malgré tout, la saison reste globalement compacte et le classement à la fin sera quand même très solide. Ces annulations font parler bien sûr, mais nous, on essaie de rester serein là-dessus et de proposer des solutions dans l'intérêt des athlètes et avec comme priorité, leur sécurité.

Mais concrètement, qu'est ce que cela va donner?

Il y a beaucoup de réunions durant le printemps, et c'est à ce moment là que les calendriers sont faits. Tout le monde donne alors son avis, peut-être un peu trop de monde d'ailleurs. On a des paramètres que l'on connaît désormais. Il va falloir commencer un peu plus tard la saison en novembre, essayer de limiter les sites d'arrivées des courses à des altitudes inférieures à 1000 mètres parce que ça va devenir de plus en plus limite. Mais quelque chose ne changera pas: l'enchaînement des classiques en décembre et janvier. Beaver Creek, Val d'Isère, Val Gardena, Alta Badia, Madonna, Bormio, Adelboden, Wengen, Kitzbühel, Schladming, ça ne bougera pas.

Pour ce qui est de Sölden, Zermatt et Cervinha, ces courses seront-elles maintenues l'an prochain? 

On est justement dans la réflexion des calendriers. On a ce mois de novembre qu'on veut essayer de rendre plus efficace avec un début peut-être plus tardif. L'idée, c'est de se demander ce qui est le plus raisonnable. Ne prend-on pas trop de risques à faire des courses à 4.000 mètres d'altitude en novembre? La réponse est oui. C'est donc à nous de voir comment rendre le calendrier plus cohérent qu'il ne l'a été cette année.

Du fait des annulations des descentes de Zermatt et de Beaver Creek notamment, les spécialistes de la vitesse se sont retrouvés à disputer trois courses d'affilée mi-janvier à Wengen avec d'énormes blessures à la clé pour Kilde et Pinturault. Les critiques virulentes vous ont-elles fait revoir votre copie?

Oui, trois courses de vitesse d'affilée, c'était trop pour les athlètes en termes de fatigue, ce qu'on peut comprendre. On doit écouter les athlètes quand ils le disent. On avait mis des courses de remplacement dans des sites qui ne nous paraissaient pas les plus difficiles. Mais ces accidents sont arrivés et même s'ils n'ont rien à voir les uns avec les autres, ça a beaucoup fait parler. Désormais, on ne mettra que deux courses de vitesse par week-end au maximum pour éviter une surcharge et les blessures. Après, beaucoup de ceux qui ne veulent que deux courses par week-end aujourd'hui faisaient partie de ceux qui nous demandaient d'en replacer au maximum quand elles étaient annulées. Mais à nous de rester sereins.

Chamonix peut encore dormir tranquille

Vous évoquiez la difficulté de plus en plus importante pour les pistes se terminant à moins de 1.000 mètres d'altitude d'accueillir des courses à l'avenir. Chamonix est dans cette altitude fatidique, quel avenir donc pour le Kandahar?

Je n'ai pas le pouvoir de dire que cela va s'arrêter demain. C'est une piste de renom, un site fantastique, mais il est vrai une piste qui arrive à 900 mètres, ce qui peut poser problème comme on l'a vu ce weekend, avec l'annulation des deux descentes prévues, faute de neige. L'altitude sera forcément un paramètre qui va être pris en compte, et si dans les années à venir le froid se trouve de plus en plus haut, on sera obligé de s'adapter, comme par exemple à Garmisch ou même à Kitzbühel où la descente finit à 800 mètres. Mais il n'y aura pas de décision radicale. Il y aura forcément une transition, une réflexion. Chamonix peut encore dormir tranquille.

Comment pourrait évoluer l'étape de Chamonix? 

L'idée, c'est d'arriver à faire plus de courses en nocturne dans les épreuves techniques pour bénéficier de la fraîcheur du soir. Alors, pas forcément tout de suite à Chamonix mais dans les sites déjà dotés de pistes éclairées comme Madonna Di Campiglio, Schladming ou Flachau. Il faut essayer d'utiliser le mois de janvier où on est la seule discipline majeure à faire des compétitions au niveau mondial. Doubler les épreuves techniques sur chaque site nocturne comme on le fait déjà à Schladming depuis deux ans, c'est une idée.

Et un slalom en nocturne à Chamonix, ce serait une bonne idée? 

Oui ça pourrait être une bonne idée, mais il faut s'adapter. Il faut faire des travaux car ici la piste n'est pas éclairée. Ce ne sera pas pour tout de suite. Mais en résumé on va être amenés à modifier les formats et les programmes. Ne perdons pas de vue malgré tout qu'on reste un sport d'extérieur. Une tempête de neige pourra toujours arriver au mois de janvier.

Modifier les programmes, ça passe aussi par de nouveaux horizons comme la Chine, marché très porteur pour le ski alpin?

Comme on parle de coupe du Monde, il faut que ce soit à travers le monde entier. Forcément, il y a des pays qui pourraient accueillir des étapes. La Chine, certainement, mais pas uniquement. Le Kazakhstan, la Turquie, le Chili, l'Argentine, la Nouvelle-Zélande sont aussi des pistes. Il est vrai cependant que la Chine, avec son marché, son développement, avec tout ce qui a été mis en place pour les Jeux Olympiques 2022, ça nous intéresse forcément, et ça fait partie des destinations où on veut aller.

C'est pour bientôt?

Pour le ski alpin, ils ne sont pas encore prêts. Ils sont prêts pour le ski freestyle mais pas encore pour le ski alpin. Il faut qu'ils se forment, il faut qu'ils arrivent à constituer des équipes pour organiser des courses, il faut qu'ils aient des stations adaptées, notamment en termes d'éclairage. Car si on va là bas, les courses seront en nocturne pour pouvoir avoir des créneaux de diffusions adaptés au décalage horaire avec l'Europe.

Arnaud Souque