RMC Sport

Ski alpin: Derniers réglages pour Pinturault avant les JO

Alexis Pinturault le 09 janvier 2022

Alexis Pinturault le 09 janvier 2022 - ICON SPORT

A moins de deux semaines du début des Jeux olympiques de Pékin où il s’alignera sur 4 disciplines individuelles (slalom, géant, super G et combiné), Alexis Pinturault a reçu ce mercredi dans son QG hivernal de Reiteralm en Styrie la poignée de journalistes français qui le suivent fidèlement depuis des années. Le temps de nous faire goûter aux lieux pour un entraînement de slalom géant des plus classiques. 

Ce matin-là, même Joia, la chienne du couple Pinturault a parcouru les 10 minutes de voiture entre Altenmarkt, résidence d’hiver de Romane et Alexis en Autriche, et Reiteralm son site d’entraînement. Trop heureuse par -6 degrés et dans le sublime décor d’une aube aux doigts de rose de pouvoir venir trifouiller dans la neige glacée de la station et bien sûr d’admirer son maître à l’œuvre.  

Au programme pour le champion, cinq manches de géant entre 8 et 9 heures du matin. Et pour ses coaches un boulot entamé en amont dès 6h30 dans la nuit glaciale de la Styrie, le temps de planter les piquets et de réaliser un tracé digne de ce nom. "On se lève très tôt reconnaît Fabien Munier, l’entraîneur en chef du "team Pintu". "Mais Alexis aussi on le fait venir tôt. En fait avant que les clients de la station ne soient déjà là. Pour des raisons de sécurité, on est vraiment obligés de venir s’entraîner tôt le matin." 

Il n’empêche, cet écrin hivernal de moyenne montagne a tout de la parfaite arrière-boutique pour un compétiteur du calibre d’Alexis Pinturault. "C’est une piste relativement raide poursuit Fabien Munier, avec quelques mouvements de terrain. La seule chose qui nous manque c’est peut-être une vraie piste de Super-G, car ici avec ce côté raide et la proximité de la forêt, on prend tout de suite pas mal de risques." 

Un endroit central 

Mais c’est aussi pour le côté pratique de la chose qu’Alexis Pinturault et sa compagne Romane ont décidé, voilà plusieurs années désormais, de partager leur vie et entre la France (printemps/été) et l’Autriche (hiver). Découper leur vie en deux, pour justement permettre au vainqueur de la dernière coupe du monde de ski alpin de venir s’entraîner dès que possible à Reiteralm. "On est juste à côté de Schladming, et c’est assez central par rapport à toutes les compétitions que l’on peut avoir en Europe (où la grande majorité du circuit de ski alpin se déroule)." De quoi limiter au maximum les déplacements dans un hiver toujours ultra-chargés pour Alexis Pinturault, skieur polyvalent par excellence, le seul dans l’histoire à avoir gagné dans 6 disciplines différentes en Coupe du Monde (34 victoires au total). 

L’endroit, qui fut aussi un haut lieu du circuit principal dans le passé, a gardé une tradition du très haut-niveau et tout le savoir-faire qui va avec. Le Mozart du ski autrichien Marcel Hirscher venait lui-même s’y entraîner régulièrement à l’époque pas si lointaine de sa domination quasi décennale sur le ski mondial. "Ici, c’est aussi bien que sur pas mal de pistes de la coupe du monde, et même mieux que certaines", ironise Fabien Munier, pointant sans la citer, le piteux état de la piste de slalom de Zagreb début janvier en Croatie. "C’est un endroit où quand on part quelques jours, ou quelques semaines, on sait que l’on revient et que la piste est toujours prête, ajoute Alexis Pinturault. Pas besoin pour les entraîneurs de venir faire une préparation supplémentaire la veille. Ici on a la garantie que ce soit toujours prêt quand on arrive." 

Et l’impression aussi d’être reçu comme à la maison. Fière de voir évoluer sur ses pentes un tel champion, la station met en effet à disposition pendant la durée des entraînements de Pinturault, un personnel aux petits soins. Deux employés de Reiteralm équipés de "skidoos", des motoskis auxquels le skieur et ses entraîneurs s’accrochent façon "téléski" remontent la pente autant de fois que nécessaire pour permettre à "Pintu" de s'entraîner. "Pour préparer les Jeux olympiques, c’est l’endroit idéal", reconnaît ainsi Pinturault. 

Voyage en terre inconnue 

D’autant qu’avec les conditions climatiques locales, il y a régulièrement à Reiteralm une neige du même type que celle supposée occuper le parterre des pistes de Yanqing en Chine en février, une neige dite "agressive" ou "abrasive". Venu comme d’habitude avec son technicien personnel, "Pintu" a pu tester sous nos yeux cette semaine différents réglages et différents skis sur cette neige qui est par ailleurs loin d’être celle où il a connu ses meilleurs résultats en Coupe du monde, lui préférant des neiges plus glacées, nécessitant un vrai physique de costaud, un physique à la Pinturault.  

Mais le champion ne fait guère de plans sur la comète. "Est-ce que nos conditions ici à Reiteralm seront proches de celles que l’on aura aux Jeux ? Ça c’est une autre question, s’interroge-t-il. Là on va arriver dans un endroit que personne ne connaît et qui pourrait a priori se rapprocher de ce qu’on a pu avoir à PyeongChang (JO 2018) avec des neiges agressives et compactes." Celles convenant donc moins en théorie au champion, même s’il avait ramené justement de Corée du Sud en 2018, deux belles médailles olympiques dans ses valises. 

"L’objectif c’est les jeux" 

Des médailles olympiques, il en a même obtenu trois en tout depuis le début de sa carrière, mais jamais l’or suprême. C’est la seule case blanche dans son palmarès de géant du ski. "Un rêve et un objectif important dans ma carrière" avoue pourtant le savoyard. Mais pas de pression pour autant, il connaît trop le caractère aléatoire d’une course de ski pour se projeter à ce point-là. Dans son entourage en tout cas, on en a la certitude, sa saison en demi-teinte pour l’instant (3 podiums, 0 victoire en coupe du monde) ne présage rien de mauvais pour février. "J’ai le sentiment que cette année, l’objectif pour lui c’est les Jeux résume Fabien Munier. Et il y prendra des risques comme il n’en a pas encore pris cette année en compétition. Des risques comme il en prend parfois à l’entraînement ici, ou comme il l’a fait par le passé. Inconsciemment il y a un petit réservoir justement qu’il garde par rapport à ça." 

Il aurait aimé être porte-drapeau 

En attendant, direction le Tyrol ce week-end à deux heures de route de Reiteralm pour le célèbre Ganslernslalom de Kitzbühel, puis retour en Styrie avec mardi prochain le slalom nocturne de la Planai à Schladming. Il sera temps ensuite pour Pinturault de prendre quatre jours de repos avec sa compagne dans le sud de la France histoire de faire le vide avant de s’envoler pour la Chine fin janvier, quelques jours avant la cérémonie d’ouverture. Un spectacle lors duquel il ne sera pas pour des raisons notamment logistiques le porte-drapeau de la délégation française. Même s’il avouait mercredi en en discutant à bâtons rompus autour d’un café en bas de Reiteralm, que ce rôle lui aurait bien plu. 

Par Arnaud Souque (à Reiteralm, Autriche)