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UFC: McGregor, cette fois, c’est du sérieux?

Conor McGregor est de retour. Un an après sa dernière apparition dans l’octogone, "The Notorious" revient aux affaires ce week-end à Abu Dhabi face à Dustin Poirier pour l’événement UFC 257 (en direct et en exclusivité partir de 4h dans la nuit de samedi à dimanche sur RMC Sport 1). Après une année 2020 où il n’a pas pu assouvir ses envies de rester très actif dans la cage, l’Irlandais s’affiche plus sérieux que jamais et avec la volonté de multiplier les combats dans les mois à venir. Récit.

Son visage personnifie une année qu’on aimerait oublier mais à l’impact énorme. Conor McGregor souhaitait "une saison" à plusieurs combats en 2020. Il n’aura passé que quarante secondes dans l’octogone, en janvier, pour une démonstration de force face à "Cowboy" Cerrone, sa première apparition dans la cage depuis la défaite contre Khabib Nurmagomedov en octobre 2018. Un an plus tard, c’est le retour du retour: "The Notorious" est une nouvelle fois la tête d’affiche du premier pay-per-view UFC de l’année, l’UFC 257, où il sera opposé à l’Américain Dustin Poirier, qu’il avait battu au premier round il en septembre 2014. Entretemps, la pandémie a frappé et le monde a changé. Conor aussi. 

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Il a pris une nouvelle retraite qui n’en était pas une, une vieille habitude chez lui, et s’est impliqué dans la gestion de la crise sanitaire chez lui en Irlande. Il a réclamé un confinement, interpellé les hommes politiques locaux sur le sujet, sorti le chéquier pour offrir du matériel aux hôpitaux et allant jusqu’à conduire lui-même un van pour les livrer. Il a aussi sauvé de la mort économique une salle de sports de combat à laquelle il était liée. Il s’est impliqué, quoi, et a retrouvé le chemin du cœur de compatriotes qui avaient fini par un peu le lâcher vu son comportement.

"Quand ce virus a frappé, j’étais juste inquiet pour les miens, ma famille, mes amis, mes coaches, confie-t-il à BT Sport. Mais je savais que les gens écouteraient ce que j’avais à dire donc je voulais le faire, leur dire de rester chez eux, de rester positif et d’attendre de voir ce qui se passerait. J’ai fait tout ce que j’ai pu."

Le combat face à Poirier, qui va lui rapporter un joli pactole comme d’habitude, a été monté à l’origine pour permettre des dons à des œuvres de charité, à commencer par la fondation Good Fight de son adversaire. Bref, à trente-deux ans, c’est un McGregor cœur sur la main qui revient en pleine lumière. "Je veux faire ce qui est juste, poursuit-il. C’est notre devoir d’êtres humains de rendre aux autres et je suis en position de le faire. Plus je vieillis et plus mes enfants grandissent, plus je plonge là-dedans. C’est bon d’être dans cette position et je ferai en sorte de l’utiliser au maximum. Ce n’est que le début. Je veux aller vers ça dans ma vie comme dans ma carrière."

"J'ai grandi"

L’ancien McGregor, celui qui avait plus que dépassé les limites pour tenter de déstabiliser Khabib (et raté son coup), celui qui agressait une personne âgée dans un bar car elle refusait de goûter son whisky, semble loin. Les punchlines malicieuses sont toujours là mais l’homme qui "veut apprendre à (s)es enfants à travailler dur" paraît apaisé, calme, serein. Mature. C’était déjà palpable avant Cerrone, quand il avait arrêté la surconsommation d’alcool et repris le chemin du Crumlin Boxing, le club de ses débuts dans son quartier d’enfance. "J’étais à Las Vegas pour ce combat et on pouvait déjà voir qu’il y avait eu un changement, témoigne le combattant français Taylor Lapilus, consultant MMA pour RMC Sport. Sa manière de s’exprimer, de marcher, de se comporter avec les médias, sa façon d’être, le fait d’être à l’heure à tous les rendez-vous… Tu sentais qu’il voulait faire amende honorable, profil bas."

Conor McGregor lors de son combat contre Donald Cerrone en janvier 2020
Conor McGregor lors de son combat contre Donald Cerrone en janvier 2020 © AFP

C’est toujours aussi criant aujourd’hui, à l’image du respect montré ces derniers jours à un Poirier qu’il avait allumé de tous les côtés avant leur premier affrontement. "C’est la maturité, analyse-t-il. J’ai grandi. A l’époque, on était deux gamins. Il y a toujours le feu compétitif entre nous, ça reste un combat sauvage et je ne vais pas me retenir pour le détruire, mais il y aussi du respect." Sa tête est revenue à l’endroit. Et son feu est rallumé. "J’ai traversé des choses qui m’ont poussé à me réévaluer moi-même, à avoir des conversations avec moi-même, reconnaît-il au micro de la journaliste-intervieweuse de l'UFC Megan Olivi. Je brûle d’envie de faire de grandes performances, pour mes fans, mon équipe, les gens qui me soutiennent. Et pour créer de grands moments. C’est ça qui compte à la fin. Les ceintures, l’argent, ça va et ça vient, mais les grands moments restent gravés."

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Conor McGregor n’a plus été un combattant régulier à l’UFC depuis 2016. Mais alors, cette fois, c’est du sérieux? Sa préparation et l’approche du combat contre Poirier vont dans ce sens. Il a passé plusieurs semaines au Portugal, dans la Shinobi MMA Academy de son vieil ami (et ancien cycliste pro) Colin Byrne à Lagos, là où il avait réinventé son potentiel cardio après sa défaite face à Nate Diaz en mars 2016. Il a travaillé la technique et le physique, encore et encore, la première dans des séances matinales, ce qui l’aidera contre Poirier avec un combat prévu aux alentours de neuf heures du matin à Abu Dhabi (pour respecter les horaires US habituels), le second le soir. Il a amélioré sa nutrition pour se sentir mieux. La totale. "J’ai continué à construire mon corps, à mieux gérer tous les aspects, à devenir meilleur de façon globale", confirme-t-il.

Sur les images, son physique impressionne. Il a fait le boulot. Et un McGregor sérieux est un McGregor qui fait mal. "Quand j’étais dans sa salle en Irlande, parfois, il venait et travaillait pendant une heure son coup de pied retourné, se souvient Taylor Lapilus. Il ne faisait que ça, littéralement, et il rentrait chez lui. On n’imagine pas les heures et les heures de travail qu’il peut s’infliger quand il est à fond dedans." Avant Khabib, contre qui "il a utilisé son droit à l’erreur" dixit notre consultant, il s’était un peu perdu sur ce plan. "Il faisait ce qu’il voulait, poursuit le combattant français. C’était devenu son propre entraîneur… Quand tu lis les déclarations de son coach, John Kavanagh, tu te rends compte qu’il n’arrivait plus à gérer Conor. C’était un peu trop la fête. Il n’était plus comme un athlète doit être. Il était en roue libre et c’était un peu n’importe quoi. Là, il a l’air d’avoir vraiment bossé." 

"Alignez-les devant moi!"

Son staff a retrouvé tout son rôle et le travail a payé. L’Irlandais dit n’avoir "jamais été aussi en forme", un classique chez les combattants, et son coach le confirme. Il n’a pas galéré pour faire le poids chez les légers (70,3 kilos au maximum), où il n’était plus descendu depuis Khabib, et sent "plein d’énergie" et "plus de puissant que jamais". Il n’a "jamais été aussi confiant sur (s)on endurance" et annonce que "tout son arsenal est au top". On a le droit de ne pas le croire. On a aussi le droit de le croire. On a surtout envie de l’écouter quand il répète à chaque micro son intention de revenir pour de bon aux affaires, motivation en étendard pour réinventer une carrière qui l’a vu devenir plus célébrité que combattant ces quatre dernières années (deux combats et une seule victoire dans l’octogone sur cette période). "Je retournerai à l’entraînement deux jours après le combat, annonce-t-il, et je prendrai ce qui viendra, ce qui est disponible. Il y a plein de grands combats à faire. L’horizon est rempli de possibilités. Je suis prêt pour la compétition. Alignez-les devant moi!"

Conor McGregor
Conor McGregor © Icon

"Mystic Mac", qui annonce une victoire sur Poirier plus rapide que celle en cent secondes de 2014 tout en rappelant qu’il ne serait "pas contre une bonne guerre", a retrouvé le goût du sérieux. Trop tard? Peut-être. Mais peut-être pas. Comme à l’époque, Poirier sera un test important. Une victoire face au numéro deux du classement des légers de l’UFC légitimerait son espoir de récupérer la ceinture qu’il avait remportée en novembre 2016 avec une sublime démonstration face à Eddie Alvarez au Madison Square Garden. Une défaite bousculerait ses plans et calmerait peut-être ses ardeurs compétitives mais ne l’empêcherait pas de rester l’attraction numéro 1 du MMA, sa poule aux œufs d’or, l’homme qui attirera toujours sur son simple nom et qui n’a même plus besoin de surjouer le trash-talking pour vendre. 

La "pire version" de lui-même

La première option lui ouvrirait plus de chemins et le rapprocherait un peu plus de son envie affichée de remporter la nouvelle ceinture (on parle de design) de l’UFC, pas encore en place à l’époque où il était champion, où on retrouve les couleurs du drapeau irlandais "grâce à (lui)". Mais s’il reste motivé, peu importe ce qui se passera à Abu Dhabi, McGregor trouvera toujours de quoi faire face à lui. "Pas assez engagé à (s)’impliquer chez les légers l’an dernier", Conor s’était vu proposer d’être un "remplaçant" pour le combat pour le titre entre Khabib et Tony Ferguson – qui n’aura finalement jamais eu lieu – mais avait refusé: "Je ne suis pas dans le business de l’attente". Il n’en aura cette fois pas besoin tant "(s)es options sont très ouvertes". Il évoque Justin Gaethje, l’ancien champion intérimaire dernière "victime" en date de Khabib, ou encore Charles Oliveira, la nouvelle sensation de la catégorie (huit victoires de suite).

Il n’oublie pas les protagonistes du co-main event de l’UFC 257, Dan Hooker et le nouveau venu Michael Chandler, ancien champion du Bellator. Il cite une possible trilogie contre Diaz, avec un troisième combat chez les légers (les deux premiers étaient chez les welters), qui serait "le choc rêvé" si c’était pour la ceinture dixit John Kavanagh. Il y a l'envie de certains d'un choc chez les welters contre Jorge Masvidal, le "Baddest Motherfucker" de l’UFC, à coup sûr énorme carton en pay-per-view et superbe bataille de punchlines.

Il a aussi titillé l'idée un deuxième combat contre Max Holloway, battu à la décision (une des deux seules de sa carrière) en août 2013, après sa performance record (445 coups significatifs) du week-end dernier contre Calvin Kattar et son "Je suis le meilleur boxeur de l'UFC" qui n'a pas plu à l'Irlandais si fier de sa gauche. Il aimerait aussi et surtout une revanche contre Khabib, retraité qui pourrait bien revenir, contre qui il prétend avoir été battu alors qu’il était "la pire version de (lui)-même". "Sa performance n’avait pas été dégueulasse quand tu vois comment Khabib a roulé sur les autres derrière mais Conor n’avait pas fait du Conor, ce qu’il fait d’habitude, et ce serait à coup sûr un combat différent", analyse Taylor Lapilus.

"Quel est le problème?"

"Cette guerre n’est pas finie", confirme McGregor. A l’écouter, on sent qu’il tentera tout pour attirer Nurmagomedov – à qui il avait été le premier à prendre un round à l’UFC – dans la cage: "Khabib ne veut pas retourner dans la cage avec moi, ça se voit. Il n’est pas intéressé par un retour. Il a peur et il est parti. Mais tout le monde sait quel est le combat qui compte dans ce sport. On verra bien ce qui se passera. Son ami Daniel Cormier avait battu Stipe Miocic pour la ceinture des lourds et quand il lui a enfin accordé sa revanche, il s’est fait battre deux fois. Il faut du courage pour faire ça, comme a pu le faire Diaz, qui est un vrai combattant, contre. Si tu es si confiant, pourquoi ne pas le faire? Quel est le problème? J’ai envie de cette revanche mais je ne vais pas la poursuivre à tout prix." Dana White, patron exécutif de l’UFC, reconnaît qu’il lui revient de faire en sorte de réunir à nouveau les deux combattants responsables du pay-per-view le plus vendu de l’histoire de sa compagnie. "Khabib-Conor II, il n’y a pas d’affiche qui vend mieux pour le moment", confirme notre consultant.

Conor McGregor (en l'air) lors de son combat contre Donald Cerrone en janvier 2020
Conor McGregor (en l'air) lors de son combat contre Donald Cerrone en janvier 2020 © AFP

White refuse par contre de s’impliquer dans un autre projet possible de McGregor pour 2021: affronter l’actuel champion WBA Super des welters Manny Pacquiao dans un ring de boxe, comme il l’avait fait avec Floyd Mayweather en août 2017. Les négociations ont démarré l’an dernier. Elles restent plus que jamais d’actualité. "Les discussions se sont intensifiées dans les coulisses", explique l’Irlandais. Cela pourrait se faire "en fin d’année, ou avant". "C’est un homme de challenges et si on nous dit qu’il va prendre Pacquiao, je ne suis pas surpris car c’est intéressant pour lui", estime Taylor Lapilus. D’autant que ses parts dans Paradigm Sports Management, société qui gère ses intérêts mais aussi ceux de Pacquiao, lui rapporteraient sans doute quelques billets supplémentaires dans l’opération. 

"Tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement"

Le YouTubeur Jake Paul lui a aussi proposé cinquante millions de dollars pour un combat de boxe, discipline où il compte remporter une ceinture mondiale avant sa fin de carrière (et certains pontes du noble art alimentent son fantasme). Tout cela est bien beau mais comme White, on a plutôt envie de le voir s’impliquer dans la cage. Tant mieux, il semble d’accord. "J’aimerais que ma carrière UFC reprenne dans le bon rythme, poser ma marque sur la catégorie des légers et y faire un vrai bon run comme chez les plumes où j’avais tapé tout le monde. Je veux être à fond là-dessus, leur montrer qui je suis. Je veux combattre trois ou quatre fois cette année. Quand j’ai fait mon run chez les plumes, j’ai combattu sept fois en un an et demi (sept fois en un tout petit peu plus de deux ans pour être exact, de l'été 2014 à l'été 2016, ndlr). C’est ce que je vise. S’ils peuvent me donner ça, je serais très content. Pacquiao et les autres options en boxe? Elles sont là et je vais les garder au chaud." En un tout 

Au sommet de leur guéguerre verbale de 2020, quand McGregor avait annoncé sa "retraite" puis rendu publique une de leurs conversations privées, White avait peur qu’on ne revoit jamais "The Notorious" dans la cage. Quelques mois plus tard, la relation s’est normalisée et on se demande surtout combien de fois il va y monter cette année. "Parfois des choses doivent arriver pour que ça se passe mieux", reconnaît-il. Avant de conclure dans un sourire adressé au boss de l’UFC: "Tu ne te débarrasseras pas de moi si facilement". Bonne nouvelle tant le garçon est important pour son sport. Après une telle année 2020, il comprend même pourquoi White n’a pas mis la ceinture en jeu contre Poirier et compte aller la chercher au mérite. 

"Continuer à créer de la magie"

Mais il promet "une performance sans défaut" pour faire taire ceux qui ne croient pas à son retour et à son implication à long terme. "C’est la meilleure version de moi-même… jusqu’à la prochaine, lâche-t-il. Je vais poursuivre dans ce sens et continuer à créer de la magie dans l’octogone." Comme à sa plus belle époque, McGregor n’évite pas le risque en se frottant à Poirier, tout sauf le dernier venu, dans l’espoir de vite retrouver les sommets. Répondra-t-il à l’appel aussi bien qu’il savait alors le faire? Toutes ses paroles vont dans ce sens. Reste à voir les faits dans la cage. "Je pense que Conor va assommer Dustin, avance Taylor Lapilus. Et s’il y a une belle performance, il redevient légitime." Le monde du MMA continue de tourner autour du soleil McGregor. Sur Fight Island, on va vérifier s'il peut toujours resplendir. 

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport