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Wilder, Fury, Ruiz, Usyk, Pulev... Quelle suite pour Anthony Joshua?

Six mois après sa défaite à New York, Anthony Joshua a pris sa revanche sur Andy Ruiz Jr ce samedi en Arabie saoudite en récupérant les ceintures WBA Super, IBF et WBO des poids lourds. Et maintenant? Si tout le monde rêve encore d’un combat d’unification contre Deontay Wilder ou Tyson Fury, ce sont des challengers officiels et obligatoires qui vont occuper le Britannique ces prochains mois. Sans espoir de trilogie contre Ruiz, à court terme en tout cas.

Il est venu, il a vu, et il a exorcisé ses démons. Six mois après sa défaite au Madison Square Garden, Anthony Joshua a pris sa revanche sur Andy Ruiz Jr ce samedi soir en Arabie saoudite en récupérant les ceintures WBA Super, IBF et WBO des poids lourds après une victoire aux points plus que logique. "Je voulais juste faire une masterclass de boxe et montrer le noble art de ce beau sport, être touché sans être touché", a expliqué le Britannique après sa victoire. Les amoureux des rings approuveront quand le grand public préférera évoquer une certaine forme d’ennui. "AJ", lui, regarde déjà à l’horizon. Vers la suite. Redevenu champion unifié des lourds, le champion olympique 2012 a rouvert son champ des possibles. Alors, quel prochain rendez-vous pour lui?

Andy Ruiz Jr pour une trilogie?

C’était la première phrase lâchée par Andy Ruiz Jr au micro après sa défaite, répétée encore et encore en tentant même de ranger le public saoudien derrière cette idée. Le "Rocky" américano-mexicain, arrivé en surpoids et pas assez préparé (c’est lui qui le dit) pour ce "rematch", réclame à Anthony Joshua une belle. Et ce dernier, grand seigneur, s’est tout de suite déclaré partant. Alors que chacun des deux boxeurs a signé une victoire sur l’autre, il n’est en effet pas illogique d’imaginer une trilogie. Mais que les fans du désormais ex-champion WBA Super, IBF et WBO, qui s’est excusé auprès de son coach et de son staff pour la façon dont il a abordé le combat en Arabie saoudite (et qui a été critiqué par son père pour cela) soient prévenus: elle n’a aucune chance d’arriver tout de suite.

Anthony Joshua (à droite) dominateur lors du "rematch" contre Andy Ruiz Jr
Anthony Joshua (à droite) dominateur lors du "rematch" contre Andy Ruiz Jr © Icon Sport

Au contraire de Joshua après le premier combat, Ruiz ne disposait pas d’une clause de "rematch" dans le contrat. Et sa performance, plus que décevante, n'incite pas à une énorme envie de "revenez-y". La multiplication des challengers obligatoires sur la route du Britannique (voir ci-dessous) ne laisse en outre pas imaginer les fédérations concernées, IBF et WBO, accorder une dérogation pour autre chose qu’un combat d’unification totale face au champion WBC. Bref, si Andy Ruiz Jr compte remonter sur un ring avec "AJ" pour effacer la mauvaise image laissée par sa préparation bâclée pour la deuxième danse entre les deux (même son adversaire l’a critiqué en lançant que "certains sont faits pour ça, d’autres non"), il devra prendre son mal en patience. Joshua, qui a lâché un "je suis sûr qu’on se reverra" à l’oreille de son adversaire après l’avoir battu ce samedi puis un "il reste sur la liste car il est un bon partenaire de danse pour moi" en conférence de presse, a plusieurs obstacles à franchir avant de se tourner une nouvelle fois vers lui.

Un "challenger obligatoire" pour garder les ceintures?

Sauf incroyable concours de circonstances, c’est bien cette voie que va emprunter Anthony Joshua dans son futur proche. Le "rematch" contre Andy Ruiz Jr à peine bouclé, le président de la WBO Francisco Valcarcel mettait les pieds dans le plat en indiquant qu’il enclenchait son "mandatory", à savoir le challenger officiel et obligatoire pour cette fédération à affronter dans un laps de temps donné. "AJ" a donc 180 jours, soit avant le 4 juin prochain, pour combattre l’Ukrainien Oleksandr Usyk, considéré comme l’un des meilleurs boxeurs de la planète toutes catégories confondues et qui bénéficie de ce statut de "mandatory" pour l’organisme portoricain après être monté des lourds-légers en tant que champion unifié et incontesté (et donc WBO). Et la WBO n’est pas seule dans cette idée, l’IBF ayant également un "mandatory" à faire valoir en la personne du Bulgare Kubrat Pulev, qui devait déjà affronter Joshua dans cette peau de challenger officiel et obligatoire en octobre 2017 avant d’être remplacé à la dernière minute par Carlos Takam en raison d’une blessure.

Reste à savoir qui des deux sera prioritaire alors que l’IBF semblait ces derniers mois avoir la main dans le système tournant entre les fédérations (le "mandatory" de la WBA aurait dû être désigné en Arabie saoudite avec le combat entre le Russe Alexander Povetkin et l’Américain Michael Hunter conclu sur un nul mais sera de toute façon le dernier prioritaire puisque Povetkin avait ce statut au moment d’affronter Joshua en septembre 2018 pour une défaite par TKO dans le dernier combat du Britannique avant la double confrontation face à Ruiz). "Let’s rock-and-roll! Aucun problème", a lancé le nouveau champion en conférence de presse à l’idée d’un alléchant combat face à Usyk. Selon Eddie Hearn, son promoteur et patron de Matchroom Boxing, qui s’est réjoui de voir le "rematch" contre Ruiz battre le record de ventes de pay-per-view sur Sky Sports Box Office en Grande-Bretagne, Joshua va revenir dans le ring (et en Grande-Bretagne) contre un de ses deux challengers obligatoires en avril ou mai 2020. 

Et l’intéressé, qui a expliqué à la BBC qu’il avait un problème de santé lors la première contre Ruiz, a conscience qu’il va devoir emprunter cette route: "Je serai content de m’occuper de mes challengers obligatoires car le champion WBC va affronter Tyson Fury. Dans l’intervalle, je vais m’occuper de mes défenses obligatoires, ce que je dois faire pour éviter d’avoir à abandonner une ceinture. Les ceintures sont difficiles à obtenir et je ne veux pas les abandonner. Celui qui les veut devra me les prendre et le mériter. Peu importe qui est sur la liste, je serai prêt à combattre autour de mars."

Ne pas assumer un challenger officiel et obligatoire l’obligerait en effet à rendre vacante la ceinture de la fédération concernée, tout sauf sa volonté dans l’optique d’une future unification totale à quatre ceintures. Seule certitude, alors que Joshua n’a pas combattu en Grande-Bretagne en 2019, c’est bien chez lui qu’il retrouvera pour la première fois le ring en 2020. Hearn a même déjà évoqué le stade flambant neuf de Tottenham, où celui qui a écumé les grandes enceintes – Wembley et le Millennium Stadium de Cardiff – n’a encore jamais convaincu, un "joli stade" dixit "AJ": "Tant que ça peut rassembler assez de monde et que les fans peuvent exprimer leur passion, je combattrai". 

Deontay Wilder ou Tyson Fury pour l’unification totale? 

C’était le serpent de mer pendant deux ans avant la chute de Joshua face à Ruiz. Et maintenant que le Britannique a récupéré son trône, la question revient sur la table: à quand le choc d’unification totale des quatre ceintures principales – ce qui n’est jamais arrivé chez les lourds – entre le champion WBA Super, IBF et WBO et le détenteur de la ceinture WBC, Deontay Wilder? A priori, pas pour tout de suite. Car l’Américain a déjà un rendez-vous au programme. Et pas n’importe lequel: l’ancien champion WBA Super, IBF et WBO Tyson Fury, vu par beaucoup comme le champion "linéaire" de la catégorie, pour un "rematch" (il y avait eu nul lors de la première en décembre 2018) encore plus attendu que celui entre Joshua et Ruiz et pour l’instant prévu pour le 22 février prochain. Ce qui permettra à "AJ" de s’occuper d’un de ses challengers officiels et obligatoires. 

Et après? Joshua a confirmé aux micros vouloir "à coup sûr" ce grand combat d’unification contre le vainqueur. Mais celui qui devait répondre à une multitude de questions sur Wilder et Fury avant le premier combat contre Ruiz a appris à ne plus porter son regard trop loin. "Je n’ai pas envie de dire qu’on doit être patient: je suis prêt! J’ai retrouvé mes ceintures et je suis prêt à combattre, explique-t-il à Sky Sports. Mais je ne regarde plus très loin dans le futur car ça enlève vos yeux de l’obstacle juste devant vous. Je prends les choses pas à pas et le jour où j’arriverai à l’unification, je serai prêt et ce sera le bon moment pour ça. Je ne vise pas le point G en étant au point A. Je vais prendre chaque étape l’une après l’autre, les battre un à un, et quand les gros gars seront prêts, je les attendrai pour devenir le champion unifié et incontesté. Je veux vraiment que ça arrive."

Anthony Joshua
Anthony Joshua © Icon Sport

Conscient que leurs noms sont une nouvelle fois liés, Dontay Wilder a vite réagi à la victoire de Joshua en Arabie saoudite. Et le "Bronze Bomber" s’est comme toujours montré très critique à l’endroit de son rival. "Joshua a fait ce qu’il avait à faire pour gagner, a estimé l’Américain pour The Athletic. Il a couru autour du ring, il était sur son vélo toute la journée. Wladimir Klitschko l’a aidé dans son camp et il lui a ressemblé: c’était la méthode jab-attraper-s’accrocher. C’est tout ce qu’il a fait. Il était tellement hésitant. Sa mentalité était de survivre, comme Klitschko. Mais ce que tu veux, c’est dominer les gars! Après une défaite, je ne viendrais pas pour danser avec mon adversaire. Je serais là pour montrer au monde que je suis le meilleur. Comment quelqu’un peut-il dire que je ne suis pas le meilleur après ça? Je vous donne ce que vous voulez à chaque fois, surtout pour un combat chez les lourds: les fans viennent voir un KO, quelque chose de dramatique. C’est ce que les gens veulent voir et c’est ma mentalité."

L’homme qui ne connaissait pas les limites de sa propre puissance serait un défi XXL pour Joshua. "AJ", qui a montré sa capacité à toucher sans être touché et à faire preuve de patience, pourra-t-il éviter la patate de forain de Wilder pendant douze rounds? La question intrigue. Mais l’ami Deontay laisse entendre qu’on n’aura jamais de réponse, façon de mettre la pression sur le clan adverse pour les négociations à venir: "Je ne pense pas qu’on verra ce combat d’unification. Je ne veux pas que les gens aient trop d’espoirs car ça n’arrivera jamais. Son promoteur n’arrête pas de parler de tout ce qu’ils ont accompli, les salles qu’ils ont remplies, etc, mais la vérité, c’est que tout le monde se fout de ces chiffres. Les gens veulent voir ton poids lourd face à notre poids lourd. Il n’y a que ça. On est fatigué d’entendre parler du reste... Vous avez vu ce que je peux faire sur le ring. Je ne rigole pas. Je suis trop dangereux pour eux. Si Ruiz a pu le battre, ils savent ce que je pourrais faire… C’est pour ça qu’ils restent loin de moi." Une réponse à la sortie de Hearn pour IFLTV: "On a passé trop de temps et d’énergie à parler de Wilder qui, si on prend du recul, n’a boxé qu’aux Etats-Unis et vendu maximum 7000 putain de tickets. Tout le monde se fout de Wilder. Désolé, mais c’est la vérité."

On en vient à se dire que voir Fury battre Wilder en février – tout sauf impossible – pourrait arranger tout le monde. Il semble en effet plus facile pour Matchroom et Hearn de s’entendre avec Frank Warren et Bob Arum, les deux promoteurs de Fury, qu’avec le clan Wilder et l’écurie PBC du célèbre conseiller Al Haymon. Et après la démonstration de noble art de Joshua lors du "rematch" contre Ruiz, une façon de combattre que ne renierait pas le « Gypsy King » bien au contraire, on aurait très envie de les voir l’un contre l’autre dans un Wembley incandescent. Si le marché américain serait moins concerné, le choc serait tout aussi savoureux. Pour quel résultat ? 

"C’était un peu un Tyson Fury du pauvre, a réagi Ben Davison, entraîneur de Fury, pour IFLTV après la victoire de Joshua sur Ruiz. Je ne dis pas ça méchamment, il ne peut juste pas faire ça au niveau de Tyson mais c’était la bonne tactique à employer et il l’a bien fait." Joshua, qui a "retrouvé la passion d’apprendre" sur le ring et promet de "vite revenir au boulot" car il sait qu’il devra "absolument gagner (s)on prochain combat" et "connaî(t)" désormais "les pièges du succès", croit en tout cas en ses chances face à Fury comme face à Wilder: "J’adorerais que l’un des deux soit mon prochain combat car je ne suis pas un champion qui fuit mais quelqu’un prêt à combattre les meilleurs sur la planète. Vous pouvez voir que je vais les battre. J’ai des qualités assez variées pour les battre tous les deux." La nouvelle saison du feuilleton de l’unification des lourds a débuté. 

Alexandre HERBINET (@LexaB)