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Manon Fiorot après sa victoire contre Tabatha Ricci dans son deuxième combat UFC en juin 2021

Manon Fiorot après sa victoire contre Tabatha Ricci dans son deuxième combat UFC en juin 2021 - DR/UFC

UFC: Manon Fiorot, la combattante de feu qui peut devenir le visage du MMA français

Opposée ce samedi soir (en direct en exclusivité à partir de 21h30 sur RMC Sport) à Jennifer Maia, Manon Fiorot ferait un grand pas vers un combat pour le titre des mouches de l’UFC en cas de victoire. Portrait long format de la Niçoise, qui a découvert le MMA sur le tard mais pourrait devenir la première Française sacrée à l’UFC tous sexes confondus.

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Elle casse des bouches dans la cage comme elle brise les fausses images sur son sport. Longtemps dénigré en France, où sa légalisation en compétition a dû attendre 2020, le MMA était vu par beaucoup comme un sport de dégénérés et/ou brutes. Avec Manon Fiorot, qui pourrait devenir la première Française tous sexes confondus sacrée championne de la grande UFC, vous pouvez oublier ces délires. "C’est bien que ce soit une petite blonde qui fasse la carrière qu’elle est en train de faire car ça casse un peu ce genre de clichés", sourit Aldric Cassata, son coach, manager et compagnon.

Quand vous échangez longuement avec Manon Fiorot, vous découvrez une jeune femme de trente-deux ans calme, posée, presque timide. Mais dans l’octogone, elle devient "The Beast", "la bête", son surnom. Double personnalité? "Un peu", s’en amuse la combattante niçoise. Mais pas exactement non plus. Juste une adaptation. "C’est juste moi en tant que compétitrice, poursuit-elle. Quand je rentre dans la cage, je fais tout pour gagner car j’aime ça et je ne me pose pas de questions. J’aime finir les combats et je suis là pour faire mon travail. Mais j’essaie aussi de rester très calme. Je ne me lance pas n’importe comment, je suis très posée. A l’entraînement, je m’emporte parfois trop car je ne supporte pas de perdre dans un échange donc j’essaie de me concentrer vraiment pour rester calme en combat."

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"Quand Manon fait ce qu’elle aime, que ce soit le MMA, ses loisirs ou même en famille, elle s’éclate et ça se voit", ajoute son coach. La formule fait mouche. Depuis ses débuts en MMA, l’ouragan Fiorot emporte tout sur son passage. Presque normal: elle a le combat dans le sang. Manon est la fille d’un lutteur, malheureusement décédé aujourd’hui. "Il était déjà hyper en avance en termes de préparation physique, précise Cassata. Il faisait du triathlon, du travail sur la VMA, c’était rare pour cette époque. Manon en a gardé des choses." Il va aussi lui donner le goût du sol, qui lui servira plus tard. "Je l’ai beaucoup regardé, beaucoup accompagné sur des compétitions, se souvient la combattante. J’aime bien lutter à l’entraînement, je me sens vraiment à l’aise avec ça, comme si j’en avais fait depuis toujours alors que pas du tout. Quand je réussis des takedowns, je pense à lui."

Le parcours sportif de Fiorot commence par un autre art martial. Elle débute par le karaté, à sept ans, dans le club proche de la maison familiale. Son destin va ensuite la mener vers le… snowboard, dans un sport-études, où elle s’offre un titre national chez les jeunes. Elle n’a aujourd’hui plus le droit d’en faire, ordres du coach car trop risqué pour sa carrière, mais elle en a conservé des choses à utiliser dans la cage. "Un sport avec un milieu proprioceptif, c’est-à-dire des notions de déséquilibre, te donne une forme de coordination et d’équilibre dans les appuis hyper importante dans les sports de combat", analyse Cassata. "En snowboard, on doit inventer des figures et avoir un certain style et j’essaie aussi que mes combats soient beaux à regarder, variés et avec des trucs stylés", complète la combattante.

"Elle est adepte des beaux gestes techniques, appuie son coach, et elle est capable de les réaliser. Techniquement, elle est vraiment capable de tout faire: coups de pied retournés, coups de pied marteau, coups de genou sauté, fauchages, attaques de lutte, etc." La parenthèse snowboard refermée, Fiorot revient au karaté, où elle va glaner un titre national et être sélectionnée pour les championnats du monde (manqués sur blessure). Elle passe aussi par la boxe thaï, où elle reste invaincu et prend deux titres de championne de France. En 2015, elle va découvrir une discipline qui va changer sa vie: le MMA. "Des amis en boxe thaï m’en ont parlé et j’ai commencé à regarder des vidéos. J’ai vu que ça mélangeait un peu tous les sports de combat et c’est ce qui m’a plu. J’avais toujours voulu faire ça mais je ne savais pas qu’il existait un sport qui regroupait toutes ces disciplines. J’ai tout de suite accroché."

Les débuts en amateur se font en juillet 2016 avec l’équipe de France lors des championnats du monde IMMAF. "Je me disais que si j’arrivais à faire quelque chose, je pourrais peut-être passer pro et faire une carrière là-dedans." Une défaite est au bout mais pas de quoi la décourager. Vu la suite, tant mieux. "Après cette compétition, elle est rentrée à Nice et elle a poussé la porte de mon club quelques mois après, raconte son coach au Boxing Squad. On doit alors être vers décembre 2016-janvier 2017. Au début, elle continuait à travailler avec moi et avec son club de pieds-poings. Mais je vois tout de suite le potentiel, dès le premier entraînement. Très vite, je lui prédis qu’elle fera une bonne prestation aux championnats d’Europe et qu’elle sera championne du monde quelques mois plus tard."

Bingo. Finale européenne en avril 2017, titre mondial en novembre. Avec déjà des idées de plus hauts sommets. "Avant la fin de notre premier trimestre de collaboration, alors qu’elle n’était pas encore pro, je lui disais déjà qu’elle irait à l’UFC, poursuit Cassata. D’un point de vue apprentissage et évolution, ça allait très, très vite." Le tout dans un schéma symbole d’une nouvelle génération de combattants qui va pouvoir prendre son temps sans griller les étapes. "Il n’y a pas eu de rush, même si elle a commencé sur le tard, explique son coach. Elle a coché toutes les étapes en passant chez les amateurs avant les pros. C’est exactement ce qu’il faut faire, on n’est plus à l’époque où les anciens allaient directement chez les pros car ils n’avaient pas d’autre choix."

Manon Fiorot (à gauche) contre Victoria Leonardo lors de son premier combat UFC en janvier 2021
Manon Fiorot (à gauche) contre Victoria Leonardo lors de son premier combat UFC en janvier 2021 © UFC/DR

Fiorot débute les combats rémunérés en juin 2018 par une défaite au Cage Warriors, principale organisation européenne, pour l’instant sa seule défaite en pro. "On s’est mangé une carotte, se souvient son coach. Dix jours avant, ils rajoutent trois kilos sur la catégorie. C’est une décision est partagée mais pour moi… Je suis rassuré sur mon objectivité quand je vois que tout le monde dit que Manon s’est mangé un flanc." Quelques mois plus tard, elle prend la direction de l’Afrique du Sud pour participer à l’émission de téléréalité The Fighter de l’organisation Extreme Fighting Championship. "Le MMA n’était pas encore légalisé en France donc mon manager a trouvé cette opportunité. On savait que c’était un bon chemin pour aller à l’UFC car les champions de l’EFC signent souvent là-bas." "Aujourd’hui, il n’y aurait pas du tout eu besoin de ça car tu as des organisations françaises comme Ares ou Hexagone MMA. Mais à cette époque-là, il n’y avait pas beaucoup de choix à et la gagnante de cette émission devenait challenger pour le titre."

Cassata poursuit dans un sourire: 'J’ai un peu fait le dictateur. C’était mon choix car Manon n’était pas du tout enthousiaste. Elle est réservée, pudique, et elle n’avait pas envie de ça." "Aldric leur avait un peu menti, se souvient Manon. Il fallait parler anglais et faire un certain poids mais il n’y a rien qui allait: je ne savais pas parler anglais et je n’étais pas du tout au poids au moment de partir. J’avais beaucoup d’appréhension en arrivant. J’ai passé deux mois et demi là-bas et c’était très compliqué. Je n’ai absolument pas appris à parler anglais. (Rires.) J’étais là pour faire mes combats et gagner donc je n’essayais pas forcément. Ça s’est bien fini mais ce n’est pas forcément un bon souvenir pendant l’émission." Fiorot remporte l’émission et finit par prendre la ceinture de l’EFC en décembre 2019. Elle ne la défendra jamais. Arrivée du Covid oblige, l’Afrique du Sud se referme et la combattante prend la direction de l’UAE Warriors, à Abu Dhabi.

"C'est Maycee qui n'est pas prête pour Manon"

"Sinon, elle aurait peut-être fait deux-trois défenses du titre de l’EFC avant de signer à l’UFC, précise son coach. Mais ça a accéléré les choses car Abu Dhabi est un peu devenu la capitale du MMA pendant quelques mois, avec notamment Fight Island de l’UFC. Ça a mis la lumière sur Manon. Alors que plein d’athlètes disaient ont eu du trouver des combats, le Covid a été un accélérateur de carrière pour elle. Mais on s’est battu pour ça. Quand tu acceptes une championne du monde de grappling, Corinne Laframboise, à la dernière minute pour ton premier combat dans cette organisation, tu te donnes les moyens d’accélérer ta carrière." Fiorot combat trois fois à l’UAE Warriors en 2020, trois victoires sur TKO dont la dernière pour prendre la ceinture en novembre.

Un mois plus tard, elle apprend la date de son premier combat à l’UFC, fin janvier 2021. La prédiction de Cassata devient réalité. Mais c’est un début, pas une fin. Manon a commencé le MMA sur le tard et n’a pas de temps à perdre. Ça se voit. Deux TKO viennent ponctuer ses deux premiers combats dans la grande organisation américaine. La concurrence a déjà bien noté l’arrivée du phénomène. "Un mois et demi ou deux mois après sa première victoire, Mick Maynard, l’un des dirigeants de l’UFC, me demande: 'Est-ce que tu penses qu’elle est prête pour Maycee Barber?’', alors treizième ou quatorzième du classement. Je lui avais répondu: ‘C’est Maycee qui n’est pas prête pour Manon’. Ça l’avait beaucoup fait rire mais quand le camp de Barber a refusé le combat, il a compris que je ne rigolais pas tant que ça." La troisième victoire, en octobre dernier, sera obtenue sur décision, résultat frustrant tant elle n’a pas pu s’exprimer à 100% de ses moyens avec un Covid qui l’avait clouée au lit à peine trois semaines auparavant.

"J’ai mis plus d’un mois à m’en remettre après le combat, précise-t-elle. J’ai dû prendre un mois où je n’ai vraiment rien fait, chose que je ne fais jamais. Ce combat n’était pas bon, ce n’était pas du tout moi. J’étais frustrée." "On l’a fait contrôler un mois et demi après le combat il y avait encore une différence très significative entre l’inspiration et l’expiration, appuie son coach. Ce n’était pas juste des résidus de fatigue. Son handicap au niveau respiratoire était de l’ordre de 20%. Si j’avais su avant que c’était à ce point-là, je ne sais pas si j’aurais validé le combat. Son adversaire, Mayra Bueno Silva, était une fille de haut niveau. L’avoir tapée comme Manon l’a tapée, avec quasiment 300 coups envoyés, malgré les difficultés qu’elle avait, c’est une performance énorme. Si on recontextualise, c’est la meilleure performance de Manon à l’UFC vu son état et sa préparation, où on a dû refaire du sparring bien plus tard que d’habitude."

Le succès lui fait intégrer le top 15, objectif annoncé de la première année à l’UFC. Qui en a déjà vu assez pour lui faire signer un nouveau contrat de quatre combats avant la fin du premier. Avec à l’intérieur des mentions autour d’un combat pour le titre et des conditions financières qui en disent long sur ce que l’organisation pense d’elle. "Ils ne se sont pas du tout moqués de Manon, confirme Cassata. On ne peut pas donner de chiffre, à la demande de l’UFC d’ailleurs, mais en gros, ils lui ont quasiment fait sauter un contrat. C’est comme si elle avait signé un troisième contrat au lieu d’un deuxième. Elle est clairement considérée comme une challenger pour le titre." Il faut d’abord franchir quelques étapes.

La première devait avoir lieu début mars contre Jessica Eye, neuvième du classement de la catégorie et ancienne challenger pour la ceinture, une adversaire proposée par le clan Fiorot à l’UFC. Mais une blessure de son adversaire lui ouvre une chance encore plus belle: Jennier Maia, quatrième du classement, qu’elle va croiser ce samedi soir dans la cage de Colombus (Ohio). De quoi rêver plus grand en cas de succès. Pression permanente sur l’adversaire, gros volume de coups, efficacité et puissance en striking, excellent cardio, bons déplacements et belle gestion des distances, large palette technique: Manon Fiorot, qui se trouve à une marche ou deux maximum de défier Valentina Shevchenko, a les qualités pour relever le challenge d’une championne des mouches considérée par beaucoup comme la meilleure combattante de la planète. Et elle continue de les peaufiner.

Manon Fiorot (de face) contre Mayra Bueno Silva lors de son troisième combat UFC en octobre 2021
Manon Fiorot (de face) contre Mayra Bueno Silva lors de son troisième combat UFC en octobre 2021 © DR/UFC

J’ai encore des choses à apprendre mais j’ai vraiment beaucoup progressé au sol depuis mes débuts, juge-t-elle. Je n’ai pas de souci si le combat va au sol, je sais que je peux gérer dans tous les domaines, que je peux gagner un combat en luttant ou en grappling. Avant mon dernier combat, j’avais fait venir en sparring Corinne Laframboise, ceinture noire de jiu-jitsu. On a tourné en grappling et je me suis aperçue que je la battais aussi. Si je peux battre ce genre de fille dans son domaine, c’est que j’ai beaucoup progressé." Même le striking continue d’évoluer pour celle qui vient du pieds-poings. "C’est surtout en boxe anglaise, car j’avais un peu de mal avec cette discipline au début. On fait venir des sparring-partners de la boxe et j’arrive aussi à les battre dans leur sport. J’ai réussi à corriger ce style karaté du début pour faire du pieds-poings MMA. Mes bonnes bases n’étaient pas forcément adaptées au MMA mais tout est en train de se mettre en place."

"'Je ne suis pas étonné de sa trajectoire mais elle me surprend encore sur sa marge de progression, complète Cassata. Je m’étais préparé à ce que ça stagne au bout d’un moment. Mais elle ne stagne jamais. A chaque fois qu’on aborde un thème, il y a une progression significative. En un seul entraînement, on corrige quelque chose et elle est capable de le mettre en application. La Manon championne du monde amateur ne tiendrait pas une minute contre la Manon championne actuelle. Debout, on a conservé ses qualités de karaté, le timing et la vitesse, mais en termes de déplacements, de travail défensif ou de boxe anglaise, les progrès ont été énormes. Elle est capable de mettre des gants avec des championnes du monde de boxe sans problème. En grappling, au tout début, elle partait de très loin. Mais elle avait déjà un sol instinctif. Après deux semaines de travail ensemble, je l’avais mise avec une compétitrice un peu plus lourde qu’elle, une ceinture bleue. Elle n’y était pas du tout techniquement mais il y avait déjà une gestuelle intuitive qui faisait qu’elle n’avait pas du tout été mise en difficulté, bien au contraire."

"Elle ne se prend pas pour une star"

Fiorot, spectaculaire dans la cage tant elle cherche toujours à finir ses combats avant la limite (six KO en huit victoires chez les pros), arbore désormais une ceinture marron de jiu-jitsu brésilien. Spécialiste du sol, son coach et compagnon ne l’a pas donnée lui-même: "J’avais le droit de le faire en tant que ceinture noire troisième degré mais je n’ai pas voulu car je souhaitais avoir un regard neutre sur sa progression. Elle est aujourd’hui capable de s’imposer face à des ceintures noires." La conséquence, aussi, de son côté bourreau de travail. "L’investissement et l’énergie qu’elle met à l’entraînement, c’est colossal, apprécie son coach. Je ne critique pas mais je vois des filles qui font des comptes OnlyFans à côté. Manon, elle a à peine la force de rentrer à la maison et de manger. Quand tu mets autant d’implication dans ce que tu fais, le travail finit toujours par être récompensé."

Si elle devient la première Française sacrée à l’UFC tous sexes confondus, elle mutera en porte-étendard du MMA tricolore. Pas du genre grande gueule ("Elle n’est pas vraiment réservée mais elle est très intelligente et elle connaît le poids des mots donc elle fait très attention à ce qu’elle dit", précise son coach), la Niçoise qui a lancé une chaîne YouTube pour faire découvrir les coulisses de ses entraînements à ses fans ne se transformera pas en adepte des grandes envolées verbales pour faire grandir sa notoriété. Mais avec ce qu’elle réalise, elle a tout pour rentrer dans les cœurs du public.

"Manon n’est pas une star et elle ne se prend pas pour une star. Mais je peux aussi vous dire que j’ai déjà refusé trois ou quatre rôles de cinéma pour elle. Mais c’est trop tôt. Il y a un temps pour tout. Celui qui veut trop faire ne fait rien de bien. Elle verra elle plus tard selon ce qu’elle a envie." Le plan de carrière est déjà arrêté, "jusqu’à trente-cinq, trente-six ans maximum" dixit Fiorot: "On a d’autres projets avec Aldric ensuite. Et tous mes camps d’entraînement sont durs, la perte de poids est compliquée mentalement comme physiquement, j’ai faim, je suis fatiguée… Je pense que je ne pourrai pas pousser plus longtemps." Elle a même déjà la retraite idéale en tête: "Je prends la ceinture, je fais une défense de titre et allez, c’est fini."

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport