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Les vérités de Tsonga

Jo-Wilfried Tsonga

Jo-Wilfried Tsonga - -

Vainqueur de son 8e de finale face à Jurgen Melzer ce jeudi à Monte-Carlo, Jo-Wilfried Tsonga livre ses réflexions sur les objectifs de sa carrière, la Coupe Davis, le dopage ou encore les paris. Très instructif.

Sa collaboration avec Roger Rasheed

« Il avait l’état d’esprit que j’avais envie d’avoir à mes côtés à cette période. J’étais un peu dans le creux de la vague, je ne savais plus trop où aller, comment faire. J’avais besoin de quelqu’un qui me rebooste un petit peu, qui me redonne le goût de l’effort. Roger, c’est ce qu’il y avait de mieux. Il est australien, il est dans cet d’esprit où on travaille coûte que coûte, où on donne le meilleur de soi-même. L’objectif, c’est évidemment d’aller chercher un Grand Chelem. Ça prend un peu de temps. Il y a des étapes. J’espère que ça arrivera, le plus vite possible ! Je donne tout ce que j’ai. Donc à la fin de ma carrière, quoi qu’il arrive, j’aurai donné le maximum. » 

Son approche de Roland-Garros

« Roland-Garros, pour moi, c’est l’objectif numéro 1. Ça l’a toujours été. Au départ, ce n’était pas forcément la surface sur laquelle j’étais le plus à l’aise. Au fur et à mesure des années, je joue vraiment de mieux en mieux sur terre. Je suis super content de la façon dont j’évolue. J’espère qu’un jour, je vais passer ces quarts de finale à Roland-Garros (son meilleur résultat, en 2012 face à Novak Djokovic), puis les demi-finales et que je vais aller en finale. C’est une grosse marche. C’est difficile. Il y a beaucoup de concurrence, des joueurs qui sont très, très forts. Je vais donner le meilleur de moi-même. C’est excitant. J’ai toujours cet objectif dans la tête d’aller chercher quelque chose d’énorme. »

Son avis sur le futur de Roland-Garros

« C’est un sujet assez complexe. J’avoue que j’ai du mal à comprendre la mentalité qui est d’empêcher que ce stade se fasse. C’est pour ramener quelque chose de grand, d’international, qui fait la renommée de la France à travers le monde. C’est dommage que ça ne puisse pas faire ou en tout cas qu’il y ait beaucoup de problèmes. Je ne comprends pas. J’espère que ce stade se fera, d’une façon ou d’une autre, à la porte d’Auteuil ou pas. Je ne suis pas forcément attaché à ce que Roland-Garros reste à la porte d’Auteuil. Je suis attaché à ce qu’il reste en France. Aujourd’hui, il y a vraiment danger. Ce serait quand même bien pour la France qu’il reste. »

Ses rapports avec le public français

« C’est important de jouer en France. Je me sens toujours bien. C’est super de pouvoir être supporté. C’est toujours top. Je donne énormément pour la Coupe Davis. Je la mets en priorité dans mon calendrier. Jusque-là, on n’a jamais réussi à aller au bout donc il y a beaucoup de frustration. J’espère que dans le futur, on va y arriver. »

Son partenariat « made in France » avec Babolat

« Si j’ai signé avec Babolat, c’est parce qu’ils sont compétents. Et aussi parce que c’est une boîte familiale et que je me retrouve beaucoup là-dedans. On communique très, très bien. Tout est facile avec eux. Ils font du très bon matériel. Et surtout, ils ont une raquette qui me plaît beaucoup, avec laquelle je joue beaucoup mieux sur terre battue. C’était important en vue de Roland-Garros. C’est logique de travailler avec eux. On échange, on fait des tests pour essayer d’améliorer les choses, pour être plus pointu. En fonction des surfaces, il y a de temps en temps des changements à faire. Et c’est une marque française, donc c’est encore mieux. Ça vient ajouter une plus-value à notre collaboration. »

Son lien avec la Coupe Davis

« C’est une équipe. Dans une équipe, il y en a qui en font une priorité et d’autres un peu moins. Je crois qu’aujourd’hui, Yannick (Noah) a raison. Je pense que tout le groupe ne met pas forcément tout en place pour être au top. On essaye de travailler là-dessus. Ça fait quatre ans je suis le numéro 1 de cette équipe. J’ai envie de gagner, en étant leader ou pas. Pour la gagner, il faut avoir un numéro 2 qui va créer l’exploit. Quelque part, de moi, on s’en fout un peu. L’important, c’est le mec qui va pouvoir aller jouer à 2-2 et gagner la rencontre à lui tout seul, finalement. Il faut que notre numéro 2 soit très, très fort. S’il existe ? Oui, il existe, mais il faut qu’il se révèle. »

L’élimination en Argentine

« Moi, je n’ai pas beaucoup perdu en Coupe Davis. Il faut peut-être voir certaines choses. On a un capitaine, beaucoup de gens qui sont là pour ça. Pour ma part, je donne le meilleur de moi-même. Il faut que tout le monde se prenne en main et qu’on progresse. La défaite en Argentine est difficile à digérer parce qu’on est des compétiteurs. Et en même temps, vous avez vu les matchs comme moi. Ça fait partie du sport que d’avoir un gars qui est meilleur qu’un autre sur un terrain. La réalité, c’est qu’on n’a pas été à la hauteur, encore. »

Son sentiment sur la génération française actuelle

« En 30 ans, il y a des générations et des générations qui sont passées. Et personne n’a réussi (à gagner un Grand Chelem, ndlr). Pour nous, ce ne sera pas une honte si on ne gagne pas un Grand Chelem. Je donne le meilleur de moi-même. Et quand on donne le meilleur de soi-même, on se regarde dans la glace et on se dit qu’on n’a pas de regrets. On a tous des capacités différentes. Pour ma part, je n’aurai aucun regret. »

Sa position sur l’introduction du passeport biologique

« Si on pouvait faire plus, ce serait mieux. Mais je ne sais pas ce qu’on peut faire de plus ! Le passeport biologique vient contrecarrer le fait d’avoir des contrôles permanents. Finalement, ce qu’il y a de lourd pour les joueurs, c’est d’avoir des contrôles tout le temps. Le passeport biologique, c’est un truc vraiment fiable. C’est une bonne chose. Ça va nous permettre de jouer sereinement, sans se demander s’il y en a qui trichent ou pas. (Le public français peut-il avoir confiance en lui ?) Oui, à 100%. »

Ses doutes sur le dopage

« Forcément, avec ce qu’on entend, ce qu’on voit à la télé, on peut avoir des doutes, des soupçons, à un moment donné. Nous aussi, on se pose des questions, comme les gens qui regardent à la télé. Il suffit d’être énervé, il suffit que tu n’aies pas été bon pour que tu te dises : ‘‘lui, si ça se trouve, il prend des trucs’’. Alors qu’il ne prend rien du tout. On est un peu dans le flou. Quand je discute avec les gars, avec les Français, on n’a jamais été approché par ça. Donc on a du mal à envisager qu’il y en ait partout. Et en même temps, quand on voit ces espèces de grosses machines comme Armstrong, qui a dupé tout le monde pendant des années, ça nous fait froid dans le dos. On se dit : ‘‘pourquoi c’est gangréné dans le cyclisme, où il y a un peu d’argent mais pas plus que dans le tennis, et pourquoi ça ne serait pas gangréné également dans le tennis ?’’. On se pose tous des questions. »

Sa solution pour les paris

« Moi, pour tout foutre en l’air, je ne mettrais même pas de paris ! Comme ça au moins, c’est clair. Ça serait radical. Aujourd’hui, si on enlève les paris, il n’y a plus de tricherie. Pourquoi on ne les enlève pas ? (Il soupire) Moi, ça me dépasse... Ça n’a rien à faire là. Ça vient enlever toutes les valeurs du sport et pour moi, ça n’a aucun sens. On peut en parler pendant des heures. Mais la seule solution pour éradiquer ces fléaux, c’est de les couper à la source. »

Son plus beau rêve

« J’adorerais gagner la Coupe Davis. Ce serait extraordinaire pour moi. J’adorerais aussi gagner un Grand Chelem. Mais pour moi, le plus important, c’est que je puisse me dire à la fin de ma carrière que j’ai tout donné. » 

Son idée de la retraite

« Quand j’avais 25 ans, ça commençait à tirer un peu et je commençais à ne pas être bien. Là, j’en ai 28 et finalement, je me sens bien ! C’est un peu toujours le même discours. On a du mal à arrêter. Tant que ça tiendra, je serai là. »

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Propos recueillis par JFP et ES