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Masters 1000 de Paris-Bercy: talentueux et fougueux... qui est Holger Rune, qui a fait tomber Djokovic?

Ce dimanche, Novak Djokovic, six fois vainqueur du Masters 1000 de Paris-Bercy, est tombé face à la sensation du tournoi, Holger Rune. Qui se cache derrière le Danois de 19 ans, 109e joueur mondial il y a un, qui frappe à la porte du top 10?

Ce n’est peut-être qu’une coïncidence, mais seulement six jours séparent les naissances du numéro un mondial Carlos Alcaraz et d’Holger Rune, numéro 18 avant sa finale ce dimanche à Bercy contre Novak Djokovic, qui débutait alors en 2003 sa carrière professionnelle.

Vainqueur sur abandon de son duel avec l'Espagnol en quart de finale (6-3, 6-6 ab.), le Danois s'est offert le premier Masters 1000 de sa carrière en faisant chuter le Serbe, six fois vainqueur à Paris. Et ce ne devrait être qu’une première étape.

Une éclosion fulgurante

Holger Rune aborde la saison 2022 dans la peau du 103e joueur mondial et avec quelques apparitions sur le circuit principal dans le baluchon, comme un premier tour de Grand Chelem perdu à l'US Open contre… Novak Djokovic. "Il a beaucoup progressé depuis, ça ne fait aucun doute, rappelle l’ex-numéro un mondial avant la finale. Il est fit, il est jeune, il n'a pas grand-chose à perdre, il rentre dans la balle... Je l'ai vu aujourd'hui (samedi) et hier (dimanche) et c'était très impressionnant."

Au terme d’une saison pleine où il est monté en puissance pour terminer en boulet de canon, le Danois disputait seulement son 88e match sur le circuit alors que son adversaire visait un 91e titre. C’est déjà en France que Rune se montre aux yeux du grand public au printemps, en atteignant les quarts de finale de Roland-Garros après s’être notamment offert Stefanos Tsitsipas en 8es de finale. Trois ans plus tôt, il décrochait le titre chez les juniors sur la terre battue parisienne.

Le voici donc vainqueur de Masters 1000 pour sa première finale, encore à Paris, alors qu’il n’avait jamais franchi le deuxième tour de cette catégorie de tournoi. Il y un an, il disputait à cette époque seulement le Challenger de Bergame, qu’il remportait. Depuis, le chamin a été parcouru à vitesse grand V, comme le souligne son entraîneur Patrick Mouratoglou.

"Holger avait montré ces dernières semaines qu'il était capable de très bien jouer, mais il fallait aussi montrer qu'il était aussi capable de faire partie du groupe des meilleurs joueurs du monde, note son coach dans les colonnes de L’Équipe. Avec des victoires sur Wawrinka et trois tops 10 (désormais quatre, ndlr), il a montré qu'il la méritait, sa place".

Un caractère bien trempé

À Bercy, Holger Rune a également eu l’occasion d'afficher encore son caractère tempétueux. Dans la foulée de sa victoire face à Stan Wawrinka au premier tour, il s’est accroché avec le Suisse au moment d’échanger une poignée de main. "Mon conseil pour toi: arrête de te comporter comme un bébé, ok?", lui a reproché son adversaire au filet, ne déclenchant aucune réaction du jeune joueur, en route vers la finale sans broncher.

"Il dégage énormément d’émotions, pointe dans L'Équipe son agent français Philippe Weiss. Il faut qu’il les contrôle parce qu’il y a de la jeunesse, de la fougue, de l’envie, de l’expérience à acquérir, mais il se passe quelque chose quand il est sur le terrain. Il a 19 ans, contrôler tout ça n‘est pas évident. Mais cette impatience, c’est son envie d’aller plus loin. Il faut juste transformer cette fougue de façon positive tout le temps. Mais ça ne sera jamais un grand calme. Et on ne veut surtout pas cela. Il ne faut pas le dénaturer’.

À Roland-Garros, il s’était déjà invectivé avec un adversaire, en l’occurrence son bourreau et voisin nordique Casper Ruud. Des mots avaient fleuri entre les deux joueurs et leurs clans qui n’ont pas hésité à se charrier. Pour se défendre, le principal intéressé avait pris l’exemple d’une légende de son sport. "Regardez Roger Federer, jeune, il était peut-être 40 fois pire que moi, et il est l’un des joueurs les plus aimés du circuit, donc je pense que j’ai tout le temps d’améliorer mon image".

"Je vois juste ça comme des différences, et je pense que c'est super, ajoutait-il pour Ekstra Bladet. Si tout le monde était pareil et pensait pareil, ce serait horrible de vivre dans ce monde. C'est formidable que vous pensiez ce que vous voulez et que vous aimiez le personnage que vous aimez". Ce n’est pas un hasard si le jeune prodige avait évoqué le néo-retraité suisse, une véritable source d’inspiration pour lui. Au moment de l’annonce de la retraite de Federer, Rune lui avait rendu un joli hommage. "Je ne passe pas plus d’une semaine sans regarder ton tennis sur YouTube, écrivait-il. Ton jeu de jambes, ton jeu au filet, ton service, ton élégance, ton coup droit, ton retour. Je trouve l’inspiration dans tout cela. Ton tennis sera toujours aimé".

Djokovic: "Il me rappelle moi jeune"

Mais le Danois n’a sans doute pas été seulement influencé par Federer, comme le pointe son adversaire du jour. "Je l’ai suivi ces trois ou quatre dernières années, décrypte Djokovic. Il ne fait aucun doute qu’il est le futur de ce sport avec Alcaraz et d’autres. Il me rappelle moi jeune, revers solide, grosse défense, qui ne lâche pas un point et laisse son cœur et ses jambes sur le court. C’est beau à voir et c’est bien pour notre sport en général".

"Je le connais bien, car on s'est beaucoup entraînés ensemble sur différentes surfaces, ajoute-t-il. Je l'apprécie vraiment beaucoup. Un mec sympa, une famille géniale, une équipe super autour de lui, une éthique de travail fantastique. Il mérite ses succès".

"Ce qui m’impression le plus chez lui, c’est sa capacité d’adaptation, juge son agent. Il y a une remise en question permanente, il est très exigeant avec lui-même. Il était 450e il y a vingt-quatre mois… Il se donne les moyens d’y arriver, avec un encadrement, une éthique de progression, et ça paie’.

‘Il y a eu un vrai projet professionnel dès le plus jeune âge, expliquait-il aussi pour RMC Sport en mai dernier. Il y a un accompagnement familial qui est à fond derrière qui le suit complètement dans ses ambitions. Je suis complètement impressionné par ce jeune". Membre de l’académie Mouratoglou depuis 2016, son entourage et son ambition le mène donc aujourd’hui à viser un titre en Masters 1000. Même si le joueur voit beaucoup plus haut.

Une ambition affirmée: la place de numéro un mondial

"Je ne serais pas satisfait tant que je ne serai pas numéro 1 mondial". Dans la foulée de son titre à Munich en mai dernier, le premier de sa carrière après avoir notamment écarté Alexander Zverev (sa première victoire sur un top 10), Holger Rune posait les bases de ses objectifs de carrière. En cas de victoire à Bercy, il entrerait dans le top 10 pour la première fois de sa jeune carrière. Un premier pas vers le trône.

"Il peut aller tout en haut s’il continue comme ça, il en a tellement envie, confie Weiss. C’est sa vie, pas depuis deux semaines ou cinq, mais depuis toujours. Il y a des sacrifices familiaux, dans sa vie d’adolescent, et ce n’est pas facile, évidemment. Il est dans une transition entre la jeunesse et plus l’expérience, mais c’est fabuleux d’avoir cette énergie. (…) Quand on voit qu’il écrit sur la caméra ‘encore un de plus’ ça confirme sa détermination, son envie d’y arriver. Il ne se fixe aucune limite."

"Il a une envie monstrueuse, ça se voit, pointe de son côté Mouratoglou. Il a un sacré caractère. Depuis qu'il est tout petit, il sait qu'il va être champion de tennis, il ne pense qu'à ça. Il est complètement habité par ce sport. Quand il n'est pas en train de jouer, il regarde des vidéos de tennis toute la journée. Il a une croyance forte dans sa capacité à réussir. C'est un passionné qui croit en lui". Une confiance gonflée à bloc à l’heure d’affronter le septuple vainqueur du tournoi, au regard de la semaine incroyable qu’il vient de vivre.

La sensation du tournoi

Tout avait commencé dans l’électricité du court numéro 1, avec une victoire tendue sur Stan Wawrinka au premier tour où il écarte trois balles de match. "À deux ou trois centimètres prêt, je disparaissais d’entrée, reconnait-il. Mais c’est souvent comme ça. Vous passez tout près de la défaite et ensuite vous allez loin. Espérons que j’aille au bout maintenant."

"Il est beaucoup plus structuré, plus calme, plus en contrôle de ses émotions, juge son coach. Il luttait contre ça depuis un moment. C'est important parce que quand c'est l'émotion qui prend le pouvoir, ce n'est pas facile de faire les bons choix. La panique le prenait assez rapidement. Il prend aussi les choses en main beaucoup plus. Il passait beaucoup de l'agressivité à la passivité dans les matches. Globalement, c'est désormais beaucoup plus stable (…) il a vraiment passé un cap".

Holger Rune, qui reste sur 19 victoires au cours de ses 21 derniers matchs, disputait ce dimanche après-midi sa troisième finale de suite. Après avoir pris sa revanche sur Félix Auger-Aliassime avec la manière en demi-finale (6-4, 6-2), un joueur qui lui a privé du titre il y deux semaines à Bâle, la dernière marche - avec un cinquième membre de top 10 en cinq jours (après Hurkacz, Rublev, Alcaraz et Auger-Aliassime) - est franchie. Il y en aura d'autres.

Jules Aublanc Journaliste RMC Sport