RMC Sport

Tennis: "Ce circuit parallèle premium est une aberration sportive", juge Jean-François Caujolle, directeur du tournoi de Marseille

Jean-François Caujolle, directeur de l’Open 13 de Marseille, voit d’un œil noir le projet d’un deuxième circuit, semblable au LIV dans le golf. Il dénonce l’influence de Craig Tiley, le directeur de l’Open d’Australie, qui embarque avec lui les trois autres Chelems.

RMC Sport - Quelle est votre lecture de ce circuit élite Premium tour? Qui est mis en danger?

Jean-François Caujolle - Pour moi, ce sont les joueurs eux-mêmes parce qu’il n’y a plus d’ascension. Du premier au 100e, ils vont jouer 14 tournois dans l’année. Et le reste du temps, ils font quoi? Un mec qui est 60e, il va perdre à chaque fois au premier ou au deuxième tour. Comment un jeune va-t-il pouvoir rentrer dans ces tableaux? Même un top 5! S’il perd au premier tour, il a besoin de rejouer des matchs. Sportivement, c’est aberrant. Économiquement, je ne connais pas leur modèle. Je ne sais pas qui met l’argent. Il y a eu, dans les années 80, des velléités de circuit bis. Mais la force du tennis, c’est la diversité, la proximité. Les joueurs, ce n’est pas comme la F1, ils ont besoin de jouer régulièrement.

On lit qu’il y aura un circuit secondaire…

Ah oui? Mais qui va organiser des tournois pour les gars entre la 100e et la 200e place? Rotterdam? Vienne? Il faut être sérieux. Il n’y aura plus de promoteurs, plus d’organisateurs. Tu es 70e mondial, tu entres en dépression. Maintenant tu auras gagné de l’argent…

On sous-estime le bonheur de soulever un trophée...

Bien sûr, les joueurs, ils veulent gagner des matchs, se construire un palmarès.

Quelle est la position de la fédération française?

Je ne la connais pas exactement. Il y a eu la nomination d’un nouveau directeur général. Mais je ne pense pas que Cédric Pioline puisse soutenir ce projet.

Oui, car Bercy, le Masters 1000 de fin d’année, semble voué à disparaître…

Oui puisque ce sont des épreuves outdoor (en extérieur, ndlr) mixtes. Pour moi, le projet a très peu de chances d’aboutir.

Venons-en à la réponse de l’ATP, qui semble s’appuyer sur un soutien considérable de l’Arabie saoudite. Ca fait jaser…

Oui, on en vient aux droits humains... Doit-on accepter que de l’argent vienne de ce pays? Mais on accepte bien d’avoir des banques d’Arabie saoudite qui s’installent en France, aux États-Unis, en Allemagne. La WTA a misé sur la Chine. Arrêtons d’être hypocrites, de faire des procès d’intention.

Le circuit évoluerait de quelle manière, si l’ATP s’allie avec l’Arabie saoudite?

Ca restera en l’état. Avec, simplement, un Masters 1000 de plus. Mais c’est prévu de longue date. Il y aura un appel à candidatures. Doha se positionnera, j’imagine. Ne diabolisons pas l’argent qui vient du Qatar ou de Jeddah. Cela renforcerait l’ATP et la WTA.

Le nœud du problème, selon vous, c’est Craig Tiley, le directeur de l'Open d'Australie?

Effectivement. N’oublions pas qu'il est à l’origine de la Laver Cup, qui s’est installé dans le calendrier en septembre. Il veut écrire son histoire personnelle. Il a une mission. Ce n’est pas être vieux jeu de dire que l’ATP veut défendre l’histoire et la tradition. L’ATP le fait mieux que l’ITF, qui a vendu son âme à Kosmos pour la coupe Davis. Contrairement au golf, qui a monté son propre circuit parallèle, l’ATP écoute l’Arabie saoudite. Pour replacer le contexte du golf, c’était une guerre entre Greg Norman (le champion australien, ndlr) et l’USPGA. Si tu transposes ça au tennis, Craig Tiley veut être le calife à la place du calife. Il a toujours été disruptif.

Eric Salliot