RMC Sport

Route du Rhum: Philippe Poupon à la barre du mythique bateau de Florence Arthaud

C’est une image forte de la Route du Rhum: Florence Arthaud en marcel sur le flotteur de son multicoque Pierre 1er remporte le 18 novembre 1990 une épreuve qui se refusera à toutes les autres femmes. 32 ans plus tard, son ami Philippe Poupon va prendre dimanche le départ sur ce même bateau rebaptisé "Flo". Le marin, vainqueur de l’épreuve en 1986, rend ainsi hommage à son amie disparue dans un accident d’hélicoptère il y a sept ans. A 68 ans, Poupon remet le couvert mais pas pour la gagne.

Philippe, quelle mouche vous a piqué pour reprendre le départ d’une course 20 ans après vos dernières apparitions en compétition ?

Mon épouse Géraldine Danon a écrit un scénario sur la vie de Florence Arthaud et on s’est dit que ça serait bien de retrouver ce bateau. Je ne savais même pas s’il existait encore. Et on a réussi à le ramener en juillet en France. Ensuite on s’est dit 'mais il y a la Route du Rhum pourquoi ne pas participer et rendre hommage à Florence' avec l’ex-Pierre 1er qui s’appelle désormais Flo.

Mais vous êtes resté compétiteur ?

J’ai arrêté le multicoque il y a trente ans avec un bateau qui n’était pas né sous une bonne étoile. Il m’a fait souffrir pendant deux ans et j’ai raccroché mon ciré pour terminer sur le circuit Figaro. Il y a vingt ans, je me suis consacré à des projets d’expéditions autour du monde à bord de 'Fleur australe' avec mon épouse et mes enfants. Mais je suis resté compétiteur dans l’âme et pour l’anecdote en septembre on a fait une petite régate à Port-la-forêt et je suis arrivé devant François Gabart, Charlie Dalin et Armel Le Cléac’h. Mais du temps où je pratiquais cette discipline c’était pour gagner. Je serai là avec un beau bateau mais peut-être pas pour gagner car la concurrence est forte. S’il y a un grand ultime devant moi je ne serai pas jaloux. Je vais faire au mieux! Je n’ai pas envie de me mettre à l’envers. Je n’ai jamais eu envie, ça ne m’est jamais arrivé de chavirer, on va rester sage. C’est une compétition mais je ne vais pas prendre de risque ni pour moi ni pour le bateau.

Quel souvenir gardez-vous de Florence Arthaud ?

Florence, c’est d’abord un grand marin. Elle a commencé très jeune. Sa famille éditait beaucoup de livres sur les marins donc elle croisait à la maison les Tabarly, Moitessier… et s’est mise au dériveur. A 17 ans elle a eu un grave accident de voiture et les médecins lui ont dit qu’elle ne pourrait plus faire de sport. Elle a demandé: et la voile ? Le médecin lui a répondu: mais la voile ce n’est pas un sport ! Donc elle est allée au départ de la transat anglaise de 76 à Plymouth puis à l’arrivée à Newport pour voir Tabarly gagner et trouver un embarquement sur l’un des bateaux afin de revenir en France. En 78 elle participe à la première Route du Rhum à 21 ans. Je l’avais croisée à Newport puis à Saint-Malo. On a eu des parcours parallèles.

Quelles étaient ses qualités ?

Elle a eu des déboires jusqu’à sa victoire mythique en 90. C’était un vrai marin en solitaire et elle n’avait peur de rien. Vous la mettiez sur des skis elle descendait tout droit, à la barre d’un bateau elle restait des heures à prendre des paquets de mer. Elle aimait les choses fortes en mer et à terre, elle aimait la vie. Elle avait le sens marin. Elle sentait le vent, le bateau qui bouge dans la mer. Elle avait cette expérience. Quand elle a gagné la Route du rhum elle avait la maturité, un sponsor et un bateau parfaitement mis au point. Son moral ne baissait jamais, c’était une combattante.

Que ressentez-vous le jour de son décès ?

C’était une amie proche de la famille. On était un petit clan dans tous les marins avec Eugène Riguidel et d’autres. On dinait, on faisait la fête ensemble. Florence était la marraine de Loup, le fils de Géraldine, mon épouse. Quand vous perdez quelqu’un ça fait forcément de la peine. Elle aurait pu disparaître avant car elle a été plusieurs fois miraculée lors de ses aventures maritimes. C’est Florence, elle aurait pu disparaitre en mer, dans un accident de voiture, et c’est un hélicoptère qui l’a emportée.

Cette Route du Rhum c’est un mariage entre vos victoires respectives de 86 et 90 unies par ce bateau. Un "marihommage" en quelque sorte ?

Dès que Géraldine a écrit le scénario on s’est sentis légitimes. Je ne trompe pas sa mémoire, le scénario est parfait. Ce bateau n’était plus en France depuis trente ans donc on ramène un bateau mythique. Les gens ici sont très contents de le revoir.

Pierre-Yves Leroux