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Transat Jacques-Vabre: Benjamin Ferré, le skipper sur lequel a misé Jean Le Cam

Le skipper de 32 ans Benjamin Ferré est nouveau dans le monde des Imoca. Jean Le Cam a misé sur le garçon. Portrait de l’homme qui a fait le tour du monde en stop avant de vouloir le faire à la voile.

Il paraît que les bons projets naissent d’une ligne. Pour Benjamin Ferré, le slogan nous est souvenu revenu aux oreilles. Depuis la Route du Rhum 2022, on a tiqué sur "Benjamin envoie le pépin". Le pépin, c’est le grand spi, la voile de 400 mètres carrés. Envoyez le pépin, c’est sortir l’artillerie lourde pour filer sur les flots. Ce vendredi au Havre, on est allé à la rencontre de l’homme au surnom un peu répétitif.

Passé le marketing, il y a une trajectoire pas commune. Ferré a parcouru 40.000 kilomètres en stop, traversé l’Atlantique au sextant sans la moindre aide électronique et seulement débuté la voile de compétition en 2017. Six ans plus tard, il est aux commandes, avec son ami Pierre Le Roy, de l’ancien Macif de François Gabart, l’Imoca vainqueur du Vendée Globe 2012 en 78 jours. Un saut dans le très grand bain. Un truc un peu effrayant dans ce monde où les connaissances techniques sont sans fin.

"Jean m’a énormément appris en tant que marin"

Ferré file la métaphore: "c’est comme si je faisais du karting et après une bonne course, quelqu’un en F1 m’avait dit ‘viens en F1 tu verras c’est sympa’." Navigateur au flair fin, Jean Le Cam a senti le potentiel du garçon. Il s’est souvenu aussi que Ferré avait appelé sa communauté à participer au crowdfunding de son ancien bateau. Quand le Roi Jean vous appelle, difficile de résister.

On va savoir que l’on ne sait rien sur la voile, mais aussi que l’on va partager des bons moments et accessoirement quelques denrées bien choisies. "Jean m’a énormément appris en tant que marin, mais là où j’ai plus appris c’est quand j’ai passé trois mois chez lui. J’ai appris encore plus en tant qu’homme, je me nourris encore de cela. J’ai habité chez Anne et Jean (à la Forêt Fouesnant). Anne, sa femme, cuisine divinement bien. Tous les matins j’allais à ‘l’école’, le chantier, avec Jean. Et le soir, il y avait toujours deux petits verres à ballon et un petit carnet posés sur la table. On s’installait et on débriefait la journée. C’était trois mois hors du temps, j’avais accès à une espèce de boîte de Pandore. C’était génial", rembobine Ferré.

Des progrès à faire

Le skipper basé à Port-La-Forêt a une 3e place sur la mini-Transat a montré sur son CV de marin. Pas de Solitaire du Figaro, l’étape obligatoire entend-t-on souvent, le test avant de foncer vers la grande course au large. Sur cette Transat Jacques-Vabre, Ferré s’embarque avec un ancien adversaire en mini-Transat, Pierre Le Roy, aussi météorologue. Ce dernier, également boat captain, connait un peu plus de ficelles. "Il a encore à apprendre", décrypte Le Roy. "Ce n’est pas un champion de la technique, il en est très conscient. Il a à progresser sur le bricolage et les techniques."

Pour tout le reste, il y a Jean Le Cam. Le druide hirsute n’a pas sa hotline pour marin en quête de réponses. Ferré ne se gêne pas pour échanger avec son aîné. Il l’a sollicité ce jeudi, à trois jours du départ, pour causer météo et manœuvres. Dans un an, le jeune skipper devrait être au départ du Vendée Globe à bord de son Monnoyeur – Duo for a Job. Il a affiché quelques promesses, comme sa 15e place sur la Route du Rhum 2022. Le Cam a-t-il misé sur le bon loulou ? S’il atteint la Martinique de cette Jacques-Vabre, Ferré repartira dans l’autre sens pour une autre course. Système choisi pour éviter l’emploi de coûteux et polluants cargos.

Le Cam sera au départ de ce partie Ouest-Est. Ce sera un première pour le padawan de se frotter à son maître Yoda. Dans les colonnes du Figaro, on croit comprendre que le courant passe bien entre les deux. "Benjamin c’est du bonheur ! Il bouge son cul. En gros, il pédale vite, il comprend tout et il est super sympa." Ferré n’essaie de ne pas copier Le Cam. Ce dernier l’a averti lors de leurs premiers échanges. "Jean arrive à te transmettre tout en laissant place à ta singularité. Un des tous premiers conseils qu’il m’a donné c’est: ‘ne fais pas comme moi sois toi-même’." En voile, les navigateurs veulent laisser une belle trace, faire une belle ligne du point de départ à l’arrivée. Celle de Ferré vient de commencer.

Morgan Maury, au Havre