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Volley, équipe de France: "On savoure chaque marche gravie", confie Geiler avant le Mondial

Titré avec les Bleus en VNL, peu de temps après sa nomination dans le staff en tant qu'adjoint de l’Italien Andrea Giani, le Français Loïc Geiler n'est pas encore tout à fait redescendu de son nuage. Alors que les Bleus s’apprêtent à entamer le championnat du monde de volley (26 août - 11 septembre), Loïc Geiler a accepté de revenir pour RMC Sport sur ces mois de folie, et ce qui attend les Bleus en Slovénie.

Loïc Geiler, son nom vous est sans doute familier si vous êtes un passionné assidu de volley. L’ancien joueur et entraîneur de Fréjus est issu d’une famille de volleyeurs. Son père, Christophe, et son frère cadet, Baptiste (Cambrai / Ligue AM), ont comme lui porté le maillot de l’équipe de France. Mais l’aîné de la famille, alors qu’il ne s’y attendait pas, est devenu cette année l'un des adjoints du très charismatique sélectionneur italien Andrea Giani, aux côtés duquel il a en plus remporté la VNL cet été, avec les Bleus. Le Varois vit "un rêve éveillé", qu’il espère désormais prolonger lors du Championnat du monde de volley (26 août - 11 septembre) qui débute cette semaine. Entretien.

Loïc Geiler, tout est allé très vite pour vous depuis la nomination du sélectionneur, jusqu’à cette victoire en VNL...

C’est allé très vite. Je connaissais déjà pas mal les rouages. Il a fallu mettre pas mal de choses en place au début avec Modène qui était toujours en compétition. J’étais en responsabilité sur les deux premières semaines pour essayer de donner du sens aux joueurs qu’on avait appelé. Le but pour moi au début, c’était qu’Andrea puisse avoir une idée du panel de joueurs français qui allait être à sa disposition, en tout cas les meilleurs du moment. Pour qu’il puisse faire un état des lieux et qu’il puisse, par la suite, donner ses orientations à la détection, et dire sur quels postes on risque d’avoir des lacunes. Tout cela dans le but de préparer 2024 mais aussi 2028, pour avoir une vision globale et faire en sorte que les A, qui sont les fers de lance, aient des successeurs. Car ils ne sont pas éternels. Il faut se servir de cette dynamique actuelle pour préparer la suite et ne pas rester dans le creux de la vague. Je pense qu’il faut la booster, cette vague.

Puisque vous évoquez le sujet de l’héritage des Jeux de Paris, vous inscrivez-vous dans ce que le prédécesseur de Giani, à savoir le Brésilien Bernardinho, souhaitait mettre en place  ? 

Chaque entraîneur a sa propre identité. C’était important pour moi qu’Andrea puisse avoir une photographie globale de ce qui est à la disposition de la fédération française de volley, au-delà des têtes d’affiches qu’il connaît très très bien. Pour qu’il puisse donner du lien et du sens à notre équipe A mais aussi tout ce qu’il y a en dessous. Comme je suis un pur produit fédéral dans ma formation - je suis passé un peu par toutes les étapes -, ça a facilité un peu ce processus. Le fait que le staff d’Andrea soit déjà en place, communique très bien, ça facilite aussi un peu les choses. Tout s’est fait assez naturellement en fait. Parce qu’on a bien communiqué d’une part, et qu’on a eu une vraie volonté de donner du sens à ce qu’on allait faire d’autre part. Quant au résultat de la VNL, il arrive parce qu’il doit arriver, mais on se le prend dans la face aussi (rires). On n’était pas prêts (rires). Les joueurs sont satisfaits, en tout cas pour moi, personnellement, je suis sur un nuage. Et c’est un vrai plaisir de pouvoir travailler pour eux. Surtout qu’après avoir travaillé dans les encadrements d’autres nations, le faire pour son pays, ça n’a pas de prix, a fortiori pour des joueurs que je connais, que j’ai côtoyés. Mon rôle, c’est vraiment de faire le lien avec eux, de m'assurer que les messages d’Andrea aillent bien aux joueurs, qu’Andrea ait bien toutes les données médicales et administratives pour prendre les bonnes décisions.

Lorsque vous avez pris en charge le groupe France, il était constitué d’un mélange entre les A disponibles et les joueurs de l’équipe de France A’...

(il coupe) Il y a même eu des joueurs hors A’, toujours dans le but de faire voir à Andrea l’ensemble des joueurs qu’il avait à voir et qui étaient aussi disponibles (certains étaient blessés). C’est pour cela aussi qu’il y avait cette volonté de faire ce stage commun A/A’ sur pratiquement tout le mois de mai. C’était très intéressant aussi de le faire avec le staff des A’. Il y a eu beaucoup d’échanges sur les visions de chacun.

Certains jeunes joueurs se sont-ils fait promettre qu’un jour une chance leur serait donnée de pouvoir s’illustrer à l’étage supérieur ?

On ne fait pas de promesses de ce genre. Quoiqu’il arrive, on récolte ce qu’on mérite. Notre équipe de France est la preuve que le talent et les aptitudes physiques ne font pas tout. Par rapport à d’autres équipes on a peut-être plus de talent technique mais au niveau physique on est quand même derrière. Cela n’empêche pas que la détermination et la volonté font qu'on arrive à performer au plus haut niveau. Sur les jeunes, c’est toujours très délicat. Il y a des  joueurs qu’on suit et qu’on appellera au bon moment. Tout est toujours en mouvement. Tout peut aller très vite dans le sport de haut niveau, notamment avec les blessures. On essaie simplement de donner du sens, de faire en sorte que les joueurs, une fois qu’ils sont passés avec nous, aient un peu plus de bagages dans leur sac à dos, qu'ils grandissent et qu'ils donnent un peu plus de sens à ce qu’ils font. S’ils peuvent servir l’équipe de france je pense qu’ils en seront ravis, et nous aussi.

Racontez-nous votre première rencontre avec Andrea Giani, vous apparteniez alors au staff de Cédric Enard, sélectionneur de l’Estonie.

On s’est rencontré alors qu’on était dans le même hôtel à Tallinn (Estonie) lors de la phase de poules des derniers championnats d’Europe. C’est toujours quelqu'un que j’apprécie de voir coacher, sa stature, il a une vraie aura. Il dégage beaucoup de confiance et de sérénité pour ses joueurs, c’est quelque chose que j’ai toujours apprécié. On a été amené à discuter un peu comme ça, mais de façon complètement informelle. C’est au moment de la démission de Bernardinho et de sa nomination qu’il m’a envoyé un message en me disant qu’il fallait qu’il me parle rapidement. Je l’ai appelé, on a discuté une petite demi-heure et c’était assez simple et efficace, comme il a l’habitude d’être.

Êtes-vous un peu tombé de votre chaise ?

Oui clairement, surtout qu’à la base j’étais prévu pour intervenir sur l’équipe de france A’ cet été. Et en fait, je correspondais au profil qu’il recherchait, et jusque-là, je dois dire que ça se passe très bien.

Quel souvenir garderez-vous de votre introduction auprès de ce groupe de champions olympique ? Est-ce qu’à l’image d’un Christophe Galtier avec le PSG, vous avez été impressionné par le niveau technique de ces joueurs ?

Sur leur performance individuelle, je les élève au rang d’artistes. La plupart, je les ai connus au début de leur carrière en tant que joueur, ensuite je me suis éloigné du haut niveau. De les revoir maintenant et de constater ce qu’ils sont devenus comme joueurs et pas que, car ce sont des stars, c’est dingue. Et c’est cool pour eux parce qu’ils le méritent vraiment. Je mesure quotidiennement leur implication et la qualité du travail qu’ils fournissent. 

Le grand public ne le sait peut-être pas, mais vous appartenez à la génération qui a précédé la leur, avant l’arrivée de Laurent Tillie. Vous connaissez donc certains de ces joueurs, notamment Earvin Ngapeth. 

Earvin, c’est encore plus particulier. Parce que son père jouait avec mon père, donc on se connait depuis qu’on est gamin, et c’est le cas pour pas mal d’entre eux. Il y en a certains que j’ai eus en détection nationale, certains qui sont les fils de mes entraîneurs quand j’étais joueur pro. Il y a un lien spécial qui nous lie. C’est cool parce qu’on a une façon de communiquer plus personnelle, ça doit peut-être aussi les rassurer. Ils savent que je suis là, à leur service, pour essayer de tout faire pour qu’ils soient dans les meilleures conditions possibles, pour être au top.

Un succès en VNL était-il inscrit sur votre feuille d’objectifs comme un prérequis indispensable sur la route du mondial ?

L’un des objectifs principaux, c’est de leur apporter de la consistance. Ils ont démontré qu’ils avaient le potentiel pour gagner des compétitions. Il y a eu une certaine irrégularité par le passé. Après de bons résultats, ils ont eu tendance à chuter dans les compétitions suivantes. C’est un vrai objectif, que la VNL nous a permis de travailler. Mais ce n’est pas parce qu’on était dans une première optique de travail qu’on n’était pas dans des attentes de performance. On a vraiment cherché à optimiser l’équipe à partir du Final 8. Parce qu’on a dû mettre de la rotation durant la phase de poules où on a donné du temps de jeu à tout le monde. Ce qui est nécessaire dans une compétition de cet ordre, avec beaucoup beaucoup de matches, mais assez peu de séances d’entraînements finalement. Ces matches-là nous servaient aussi à mettre en place des systèmes. Cela a été une très bonne préparation mais on a jamais perdu de vue que l’objectif prioritaire, ça reste les championnats du monde

Qu’entendez-vous par le fait d’optimiser l’équipe ?

Optimiser, c’est vraiment tirer le meilleur sans préparer quelque chose derrière. Parfois, on devait mettre un gros cycle physique pour développer de la force. Or, on sait que trois jours, après ils ne seront pas au meilleur de leur forme. Mais on sait aussi qu’on ne peut pas être au meilleur de sa forme tout le temps. C’est pour ça qu’on planifie les choses. Là, sur les Championnats du monde, ce sera plus simple. Mais sur une VNL, c’est un peu plus compliqué.

Que vous a-t-elle appris sur ce groupe, cette victoire en VNL ? 

Pas grand chose, ça nous a surtout confirmé beaucoup de choses sur la qualité individuelle des joueurs, le collectif. Les joueurs ont pris du plaisir à évoluer ensemble. Et pas que les sept sur le terrain. Ceux qui se trouvent en dehors donnent aussi énormément à leurs copains et sont prêts à rentrer à tout moment. On a une homogénéité qui est assez incroyable. On a beau faire des rotations, le niveau ne baisse pas. C’est une vraie force. On a eu une vraie réflexion là-dessus, sur les potentiels matches amicaux à mettre en place pour la suite pas. Il nous est apparu qu’il n’y en a pas des tonnes qui seront vraiment très bénéfiques pour nous. Parce qu'on a une qualité d'entraînement entre nous, en faisant du six contre six, qui est déjà très intéressante. Mis à part qu’il y a un aspect routinier, que les joueurs se connaissent sur le bout des doigts et que c’est toujours bien de rencontrer d'autres équipes pour rentrer dans des rythmes plus classiques de compétition. Et aussi pour apporter cette dose un peu plus présente d’agressivité, contre un vrai adversaire.

C’était le principal intérêt de ce dernier match amical disputé face au Brésil ? 

Ce type de confrontation sert à entrer dans le rythme classique de la compétition, dans le rythme d’un match, contre un adversaire de grande qualité. On s’en est très bien sorti (la France l’a emporté 3/0 ; 25-17, 25-17, 25-22). Maintenant, il faut quand même bien rester sous pression pour entamer cette compétition, avec une poule pas forcément évidente. La Slovénie joue chez elle. L’Allemagne peut être compliquée à négocier sur un match. On l’a vu aux Championnats d'Europe l’année dernière. Ils avaient joué avec une équipe B et ça s’était fini au tie-break. On est vigilants et on est bien conscients que le plus dur est devant nous.

Andrea Giani connaît bien la Slovénie et l’Allemagne pour avoir remporté des médailles avec ces deux sélections, jusqu’à quel point cela est-il un avantage ? 

C’est un avantage parce qu’il connaît les hommes au-delà des joueurs, sur un plan émotionnel. Pour savoir quand appuyer sur le point qui fait mal à certains joueurs, c’est quelque chose de précieux.

Andrea Giani souhaitait apporter davantage de rigueur sur les situations de block-défense, avez-vous constaté des progrès dans ce domaine ? 

On a dû cadrer certaines situations. Après on a des joueurs qui se connaissent super bien, qui évoluent ensemble depuis pas mal de saisons. Par conséquent, il y a quand même une lecture collective des situations et des réponses communes apportées qui a du sens, qui est assez précise. Le travail pour nous a été d’évaluer toutes ces situations un peu récurrentes qui se présentent, et de voir quelle était notre efficacité là-dedans, s’il n’y avait pas certaines organisations qu’on ne pouvait pas modifier pour apporter un peu plus d’efficacité générale. D’essayer d’anticiper aussi comment les autres équipes vont nous analyser, là où elles risqueraient d’appuyer, pour anticiper ça, et avoir des réponses claires à présenter aux joueurs et ensuite les travailler. C’est une équipe qui prend du plaisir à jouer ensemble mais qui est quand même assez rigoureuse. Quand il y a un joueur qui n’est pas bon, ça envoie vite des punchlines on va dire (rires). Le tout dans un très bon état d’esprit, mais la performance reste prédominante, c’est tout ce qui nous importe.

Le retour de Kevin Tillie vous offre-t-il des garanties supplémentaires sur le fond de jeu de cette équipe, la réception ?

Ce sera une arme supplémentaire. Il se pète sur le premier match de VNL mais il était arrivé dans un super état d’esprit et une super condition physique. Depuis qu’il est revenu, ça fait monter le niveau à l’entraînement. C’est un joueur qui a partagé avec cette équipe et qui a une expérience indéniable. Il nous apprend vachement, surtout qu’il a ce regard extérieur quand il n’est pas sur le terrain. Il n’hésite pas à intervenir pour apporter aux joueurs qui sont sur le terrain.

Les joueurs sont-ils libres de commenter leur propre performance en match et de s’associer à la parole du coach ? 

Andrea a toujours un œil là-dessus pour être sûr que ça rentre bien dans ce qu’il veut mettre en place. On les considère un peu comme des artistes, ils ont très, très peu de limites au niveau technique. Sur le plan tactique, notre but à nous c’est de cadrer les trois ou quatre situations récurrentes qu’il faut bien réaliser face à un adversaire. Pour le reste, on laisse un cadre très libre parce qu’il peut tout se passer avec eux. On veut qu’ils puissent être libres de s’exprimer dans le contexte qui leur ira le mieux. Pour cela, il leur faut de la liberté.

Pourquoi cette équipe est-elle si spéciale ? 

Ce sont des joueurs qui jouent depuis très longtemps, sur différentes générations de jeunes cadets et juniors, c'est une équipe qui a une vraie identité. Elle n’a pas trop bougé depuis 2015, beaucoup de cadres sont encore là. C’est une équipe qui a une grosse identité et qui l'exprime. Quand on voit les autres équipes qui, pour se présenter, arrivent bien droite en file indienne, bien disciplinée, et que nous on va simuler un touch down avec une célébration derrière, ça contraste. Mais en même temps ça les définit. C’est une grosse force supplémentaire d’avoir une identité forte et de prendre plaisir à la défendre; Quand on traverse des moments difficiles, c’est important dans la tête, ça donne du soutien. On sait exactement ce pourquoi on fait des efforts, même si parfois ça fait mal. Cette identité, ça donne une force supplémentaire, très clairement.

Antoine Brizard semble disposer d’une longueur d’avance à la passe sur Benjamin Toniutti, la configuration sera-t-elle la même au Mondial ? 

Ça s’est mis en place comme ça sur le Final 8 de la VNL, ça va probablement repartir comme ça. Après, c’est vrai qu’on a la chance d'avoir une doublette d'une homogénéité incroyable et d’une complémentarité très très intéressante. Tactiquement, de jouer contre Antoine ou Totti (Benjamin Toniutti), ce ne sera pas du tout le même plan de jeu et d'organisation du block-défense. Là, c’est Antoine qui est devant, il apporte un peu plus au niveau du service et au niveau du block, clairement. Maintenant, voilà, la complémentarité entre les deux peut être très, très riche pour jouer contre certaines nations. Ce n’est pas parce que, pour l’instant, c’est Antoine qui commence, que ça ne peut pas être Benjamin dans un autre contexte. Les deux sont au service de l’équipe.

Comment s’habituer à rester sur le podium ? 

On ne s’y habitue surtout pas (sourire). On savoure chaque marche gravie, et on sait que le prochain podium sera encore plus dur à aller chercher. Plus on y est (sur le podium), plus on est un adversaire à abattre pour les autres. C’est quelque chose à savourer et à mériter, ce ne sera jamais un dû, on en a bien conscience. On ira faire tout ce qu’il faudra pour y remonter.

Championnats du monde 2022:

Groupe D, à Ljubljana (Slovénie)
26 août, 17h30 : France/Allemagne
28 août, 20h30 : France/Slovénie
30 août, 17h30 : France/Cameroun

Les 14 Français pour le Mondial 2022

Passeurs (2)
: Antoine Brizard (Piacenza/ITA), Benjamin Toniutti (Jastrzesbski/POL).

Attaquants (2)
: Jean Patry (Milan/ITA), Stephen Boyer (Jastrzesbski/POL).

Centraux (4)
: Nicolas Le Goff (Montpellier), Barthélémy Chinenyeze (Civitanova/ITA), Médéric Henry (Le Plessis-Robinson), Quentin Jouffroy (Narbonne).

Réceptionneurs (4)
: Earvin Ngapeth (Modène/ITA), Kevin Tillie (Varsovie, POL), Trevor Clevenot (Jastrzesbski/POL), Yacine Louati (Fenerbahçe/TUR).

Libéros (2) : Jenia Grebennikov (Saint-Pétersbourg/RUS), Benjamin Diez (Tours).

https://twitter.com/qmigliarini Quentin Migliarini Journaliste RMC Sport