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Volley (F): -30% sur les salaires, le coup de pression du président du RC Cannes

Le 31 janvier, la direction du RC Cannes a envoyé une lettre à ses joueuses et leurs représentants les menaçant de leur imputer leurs salaires si les objectifs ne sont pas remplis. Enquête dans un club au bord de la crise de nerfs. 

"En 19 matches, on en a perdu 8. Le classement en championnat ne correspond pas à nos attentes et nos investissements. Si ça continue, nous devrons revoir les salaires de chacune à partir du 30 mars. Nous les baisserons de 30% si Cannes ne se qualifie pas en playoffs et -15% en cas d’élimination en quart de finale". 

Cette lettre du président du RC Cannes, Agostino Pesce, dont RMC Sport s’est procuré une copie, a fait l’effet d’une bombe dans le groupe et dans le landerneau du volley français. Le syndicat des joueurs, Pro Smash, est rapidement monté au créneau pour s’indigner de ces menaces "plus que légères et qui semblent revenir à un temps passé". Un chantage, sinon une intimidation, illégal(e) et répréhensible quand elle est décidée unilatéralement. Cela, le président Pesce semble en avoir conscience et écarte d’emblée des problèmes financiers. Il est même prêt à doubler les primes en cas d'objectif atteint : "Le résultat du club était de 285.000 euros à la fin du dernier exercice. Mais je sais bien qu’on ne peut pas réduire les salaires comme ça, nous a avoué le président peut-être aussi pour minimiser sa lettre insensée. Le club n’est pas seul responsable des mauvais résultats sportifs. C’est une recherche de dynamique normale, interne à tous les clubs. On veut faire réagir nos joueuses."

Lettre du président du RC Cannes
Lettre du président du RC Cannes © Capture

Pesce: "Je suis en colère"

Pour son centenaire, le RC Cannes veut un titre, Coupe de France ou championnat. Quatrième avec 2 à 3 matchs de plus que ses poursuivants, le patron du RC Cannes voit son équipe 8 ou 9e lorsque le calendrier sera à jour et craint de ne pas remplir ses objectifs de titre. Il laisse même la porte ouverte si des joueuses le souhaitent. "Aucun agent ne m’a dit qu’une joueuse voulait quitter le club. Nous ne sommes pas satisfaits du rendement de l’équipe vu nos attentes et nos investissements. Je suis en colère. On n’est pas en vacances. On est à Cannes pour jouer au volley-ball, pas pour s’amuser ou sortir." Le président vise certaines joueuses, américaines, dont il semble mécontent du rendement.  

Si la méthode ne passe pas auprès du syndicat des joueurs, elle reste aussi en travers la gorge des agents et des joueuses cannoises. Steve Barbieri, agent italien de la libéro Juliette Gelin, est très remonté contre cette méthode irrespectueuse. Pépite du volley français féminin, la Montpelliéraine de 20 ans est irréprochable depuis le début de saison. Il reconnaît que certaines joueuses ne sont pas au niveau exigé par leurs émoluments. "Mais c’est une très mauvaise lettre. Je n’imagine même pas que mes joueuses, à Cannes ou ailleurs, ne seront pas payées à cause mauvais résultats, s’indigne M. Barbieri lors d’un entretien à RMC Sport. C’est illégal. Vous demandez des explications au coach mais vous ne vous amusez pas avec les salaires. Si vous avez des problèmes avec vos joueuses, vous les réglez dans le vestiaire entre quatre yeux. Vous vous accordez avec elles pour qu’elles partent en leur payant la totalité de leur contrat." 

Selon nos informations, le président Pesce est venu en octobre remonter les bretelles à ses joueuses. Depuis, rien. Sinon cette intimidation. Une missive qui ne passe pas auprès du groupe. La majorité des joueuses contactées est très en colère contre cette menaçante méthode, quoi qu’en dise le président azuréen. Les joueuses cannoises, qui souhaitent garder l’anonymat, se sont ressoudées autour de cette menace.

"Toutes les joueuses ont très mal pris ce chantage. Ce n’a pas été pris comme un ‘boost’ ni comme un bon coup de pression, ont tonné plusieurs cannoises à RMC Sport. Qui plus est, notre coach ne se positionne pas trop car il a le même agent que des joueuses, dont certaines sont prises pour cible par une direction déçue. Dans ces conditions, face à ces menaces, c’est difficile de se donner et de travailler sereinement. On l’a pris comme une menace pas comme un coup de pression positif mais on est restée soudée." Certaines regrettent la période durant laquelle le club était dirigé par Anny Courtade "qui a fait du RC Cannes un club exceptionnel (40 titres en 23 ans), qui a transformé le volley français et qui n’aurait pas agi de la sorte. Ses filles étaient intouchables !" Si les Cannoises ont facilement battu samedi Venelles (3-0), la lettre ne semble être que la partie émergée d’un iceberg qui ronge le club insidieusement.

Après la parution de notre article, la Ligue nationale de volley s'est d'ailleurs emparée du dossier. Le président Bouget et son bureau ont indiqué qu'ils ne pouvaient "rester silencieux lorsqu’un de ses clubs se met en marge des règles les plus élémentaires en termes de droit social". La LNV a saisi le Conseil Supérieur de la DNACG pour faire toute la lumière et a convoqué Agostino Pesce, le président du RC Cannes, pour "qu’il puisse s’expliquer tant sur la forme que sur le fond du courrier adressé à ses joueuses."

Morgan Besa