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Volley: "Quand je lis sur les réseaux sociaux, que je suis un entraîneur de merde...", les vérités de Giani, après un été frustrant pour les Bleus

Après un Top 8 en VNL et une quatrième place à l’Euro cet été, l’entraîneur de l’équipe de France de volley, Andrea Giani, a dressé le bilan de l’été international des Bleus. Pour RMC Sport, le technicien italien a répondu aux critiques et expliqué sa vision pour défendre le titre olympique des Tricolores aux JO de Paris 2024.

Coach Giani, l’équipe de France a été éliminée en quart de finale de la VNL et a fini quatrième de l’Euro 2023. C’est la pire saison internationale des Bleus, non ?

Il faut faire attention à ce que l’on dit. De 2012 à 2023, les Bleus n’ont gagné que deux médailles (JO en 2020 et Euro 2015). Je mets de côté les trois succès en VNL. Alors quand je lis que c’est la pire saison internationale des Bleus, je rigole. Ce n’est pas la pire. Il faut être réaliste et regarder le passé. Cette équipe de France n’a gagné que deux médailles en 11 ans de tournois internationaux. C’est la raison pour laquelle je trouve qu’il ne faut pas galvauder une petite finale pour la médaille de bronze du dernier Euro. Deux médailles en 11 ans, ce n’est rien. Alors quand je lis sur les réseaux sociaux, ils et elles se reconnaîtront, que je suis un entraîneur de merde. Je dis non, c’est grave. Il faut regarder l’histoire d’une équipe nationale. Et l’histoire des Bleus dit qu’ils n’ont gagné que 2 médailles d’or en 11 ans, hors VNL. L’Italie ou la Pologne sont des équipes habituées à gagner. Je pense qu’on doit faire attention à ce que l’on dit et ne pas avoir la mémoire courte. Durant la VNL, cette équipe a prouvé qu’elle peut avoir un niveau de jeu plus élevé. Mais la VNL ce n’est pas l’Euro, ce n’est pas les championnats du monde et ce n’est pas les JO. Seuls ces derniers titres sont inscrits sur un maillot, sur un CV de champion.

Vous vous sentez toujours l’homme de la situation pour défendre le titre olympique à Paris l’an prochain ?

Oui. Durant la VNL, cette équipe a prouvé qu’elle peut avoir un niveau de jeu plus élevé. Mais la VNL n’est pas les JO. J’ai un grand objectif car ces Jeux olympiques me stimulent. J’ai confiance. J’y crois à 100% même si les joueurs seront les acteurs de l’histoire olympique à écrire à Paris.

Alors quel bilan faites-vous de la La VNL, d’abord ?

Pour la VNL, l’objectif était de sa qualifier pour le Final 8 et de jouer à fond le quart de finale. Ce but a donc été atteint bien que, durant notre préparation, on a rencontré de gros problèmes physiques et nous n’avons pas pu beaucoup travailler techniquement. On savait que ce ne serait pas facile mais on a mérité ce Final 8. Contre les Etats-Unis en quarts, nous avons réalisé une excellente partie, malgré la défaite. En plus, on a pu voir et tester des joueurs comme Théo Faure, Timothée Carle et Daryl Butor. Je suis content car on a trouvé quelques solutions pour sortir des difficultés à la VNL et ces joueurs, entre autres, ont apporté des réponses importantes pour le futur : j’ai beaucoup aimé Tim qui sera d’une grande aide, selon moi, à cette équipe de France.

L’Euro était votre grand objectif. La quatrième place est décevante ?

L’objectif était une demi-finale minimum. Et là aussi on a pu passer outre les difficultés, les problèmes physiques de Yacine (Louati), Trevor (Clévenot) et Earvin (Ngapeth). Bon on n’a pas pu exprimer toute notre qualité de jeu. L’objectif minimum a été atteint mais face à l’Italie la marche était trop haute, malgré tout, pour gagner. Je l’accepte. Mais la défaite pour la médaille de bronze (face à la Slovénie) me reste en travers la gorge. Ça, je ne l’accepte pas. C’est une déception. On aurait dû gagner. Cette petite finale était importante. On avait une chance de décrocher une médaille, il fallait tout faire pour l’avoir. Une équipe doit s’habituer à gagner une médaille pour remporter des matchs et des titres. Ce n’est pas indécent une médaille de bronze.

On a pointé beaucoup de fautes au service durant l’Euro ? Vous avez une explication ? Le service c’est de la technique mais c’est aussi lié à l’état émotionnel des joueurs. Vous leur avez demandé de prendre des risques au service ?

L’attaque en général manquait de qualité. C’était notre problème durant cet Euro et on a dû lutter contre ça. Le service fonctionnait bien avant les matchs décisifs. On n’a pas fait plus de fautes que nos adversaires au service, au contraire. Mais l’attaque a été le point noir. Regardez le match pour la 3e place, on n’a pas réussi d’attaques pendant les deux premiers sets malgré une très bonne réception. Et quand on n’attaque pas, on ne peut pas gagner. C’est d’autant plus déterminant que l’attaque est une des caractéristiques fortes de cette équipe de France. Pour les prises de risques au service, certains joueurs peuvent et doivent en prendre alors que d’autres n’en prennent pas. Mais je le redis, le service n’était pas un problème, c’était l’attaque le problème.

Et aujourd’hui, cette équipe de France est loin d’une médaille olympique aux JO de Paris 2024 ?

Tout reste ouvert. Quel est le vrai objectif ? Atteindre une finale. Mais il faut savoir ce qu’on fait physiquement et mentalement pour atteindre une finale, grande ou petite. Alors que dire aujourd’hui : nous avons perdu 11 matchs durant cette fenêtre internationale. C’est trop. L’an dernier nous n’en avions perdu que 4. C’est le chiffre d’une équipe de haut niveau. Avec 11 défaites, on ne peut pas être une top team. Et dans cette petite finale contre la Slovénie, les deux premiers sets ont été inregardables. (Il répète) Inregardables ! Heureusement ensuite, on a switché et on a bien joué jusqu’au début du tie-break. Aujourd’hui, il y a huit équipes qui peuvent prétendre à une médaille olympique.

Il y a un style Giani dans cette équipe de France ?

Il n’existe pas un style car un coach s’adapte aux joueurs à sa disposition. Mon seul style c’est de gagner. On est là pour améliorer les caractéristiques techniques et physiques d’un volleyeur. J’ai joué 57 finales dans ma carrière. C’était toujours pour les gagner. Maintenant c’est la même chose. Mon style il est là, ce sont mes titres, mes médailles européennes, mondiales et olympiques. C’est ça mon style. C’est ensemble, coach, staff et joueurs que l’on construit une identité, que l’on construit ce qui s’appelle une équipe.

Quel sera votre travail auprès des Bleus durant cette saison avant les JO ?

Si nous voulons être une équipe dont le but est la médaille olympique il faut travailler comme une équipe qui veut récolter une médaille olympique. Pour cela, il faut de la volonté et du sacrifice. Nous pouvons les trouver tous ensemble. Avec le staff, si on peut créer un environnement propice à la victoire, il faut dire aussi que tout part du joueur. De son implication. De sa volonté de s’améliorer. Il doit y penser tous les jours. Si un joueur se contente de ce qu’il a, c’est difficile de s’améliorer. Il doit faire un choix : veut-il s’améliorer, veut-il gagner ou non ? Car vouloir gagner implique beaucoup de sacrifices. Vouloir gagner demande du temps au joueur. Alors oui, cette saison sera différente pour les internationaux. Les championnats polonais ou italiens sont chargés avec jusqu’à trois matchs par semaine. Avec le staff, nous essaieront d’apporter tout notre soutien avant tout à la condition physique de nos joueurs. On ne pourra pas avoir des joueurs qui ont de gros problèmes au genou ou à l’épaule et qui ne peuvent plus s’entraîner dès janvier, comme on l’a connu lors de la saison qui vient de s’achever. On ne peut pas se le permettre. Un joueur est fait pour s’entraîner. Ensuite, je parlerai avec les coachs pour savoir comment tel ou tel s’entraîne.

Que répondez-vous à ceux qui disent que cette équipe de France est trop âgée pour défendre son titre olympique ?

Il faut trouver les joueurs qui peuvent entrer dans cette équipe. J’ai eu des réponses lors de la VNL et l’Euro. Et cette saison sera importante pour ce groupe car les joueurs devront aussi démontrer qu’ils voudront porter les couleurs tricolores aux JO. Ce n’est pas parce que certains ont gagné l’or olympique en 2021 qu’ils seront aux JO de Paris. L’équipe de France se conquiert chaque année. Rien n’est trop tard pour entrer dans cette équipe. Il faudra faire des choix forts et judicieux. Tout est ouvert.

Vous avez changé de kiné après la VNL. Depuis 30 ans, Jean-Paul Andréa était le kiné des Bleus, surnommé par certains le magicien. Pourquoi avoir changé ?

Comme cela vaut pour un joueur, un staff doit s’améliorer. Quand je jouais avec l’équipe d’Italie, on changeait de docteur, de kiné et autres quasiment tous les ans. Je trouve que c’est normal. Ça fait partie de notre job et ce n’est pas un drame. Dans un staff, chacun a un rôle précis et je suis le patron. Il y a des communications entre chacun et une hiérarchie. Si cette hiérarchie n’est pas claire, si on me dit une chose et que l’on dit une chose différente à un autre, cela ne va pas. Dans le monde du travail, quand tu fais une erreur, tu rentres à la maison. Point. Pour le staff médical, les joueurs doivent être dans la meilleure condition possible… (Il répète) dans la meilleure condition possible… car on doit entraîner pour s’améliorer. Et on ne s’améliore pas si la condition physique n’est pas bonne ou la récupération (d’un match ou d’une blessure) est trop longue. Là, on ne peut pas s’entraîner en salle. Nous sommes des professionnels. Et une importante composante du professionnalisme s’appelle la compétence. On n’est pas obligé d’être ami mais il faut du respect. Et sans respect, on ne peut pas travailler ensemble. Ce n’est pas de la méchanceté. J’ai pris mes responsabilités. J’ai été moi-même.

Est-il vrai que Jean-Paul Andréa trouvait certains entraînements trop durs et trop longs pour certains joueurs ?

Ça me fait rire. Je décide car je parle avec le staff et nous programmons tel ou tel entraînement avec tel ou tel joueur. J’ai joué au haut niveau et je fais très attention à mes joueurs. Vous pouvez demander à tous les volleyeurs que j’ai entraînés. J’ai vécu tant de choses et j’ai fait tant de sacrifices car j’ai connu les blessures dans ma carrière. Ma priorité est qu’un joueur doit aller bien pour s’entraîner. Je n’aime pas quand un volleyeur doit s’entraîner avec l’aide de médicaments. Je ne suis pas de ces coachs qui disent à un joueur de s’entraîner en prenant des anti-inflammatoires. Je fais ce job avec passion pour améliorer les joueurs et pour atteindre un objectif.

Que ferez-vous après les JO ?

Je reprendrai en main un club, assurément, car j’adore entraîner. J’ai fait le choix de travailler à temps plein pour l’objectif olympiques des Bleus car j’ai vraiment envie de suivre les joueurs. J’ai besoin d’aller en France, en Turquie, en Pologne et ailleurs pour voir les joueurs et parler avec les entraîneurs. Je voyage.

Propos recueillis par Morgan Besa