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Para athlétisme: avant les Mondiaux, Timothée Adolphe lance un jeu vidéo unique en son genre et accessible aux non-voyants

Para-athlète multi-titré (100m, 200m, 400m, champion d'Europe, champion du monde), Timothée Adolphe s’est lancé un nouveau défi: créer un jeu vidéo afin de réunir voyants et non-voyants. Pensé en 2020 pendant le confinement, "Timmy Team Racing" est téléchargeable sur mobile. Une fierté de plus pour l’athlète, en attendant de viser l’or sur les championnats du monde, à Paris début juillet.

La préparation pour les Mondiaux de Paris bat son plein, et Timothée Adolphe ne compte pas manquer son entrée en lice. "Le 10 juin, très tôt. A 9h15, on nous met un 400m dans les pattes", se marre celui que l’on surnomme le "Guépard Blanc". Un guépard blanc justement, c’est l’un des personnages de son jeu vidéo "Timmy Team Racing", qui partage sa scène avec un lion, un puma et une antilope pour une course de karting acharnée... et surtout, unique en son genre.

"Quand j'ai perdu la vue, je me suis rendu compte que l'accessibilité aux jeux vidéo était inexistante, explique le vice-champion paralympique à Tokyo. Les seuls jeux qui existaient étaient des jeux audios qu'on ne pouvait pas forcément partager avec son entourage. Les déficients visuels ne jouaient qu’entre eux." Non-voyant depuis l’adolescence et adepte du jeu depuis son lancement, Walid abonde dans ce sens. "Lorsque j’étais malvoyant, j’étais un grand joueur de PS2 mais une fois la vue perdue je n’avais pas de jeu satisfaisant pour moi. Quand je voulais partager des jeux avec mon frère voyant, il trouvait ça ennuyant." 

Un jeu de sport sur mobile accessible à tous, une première  

Cette fois, les voyants peuvent tout autant se divertir. "Le graphisme style cartoon est très réussi, ça me fait penser à Mario Kart", s’enthousiasme Grégory, 34 ans, qui lui aussi peinait à s’amuser sur des jeux en compagnie des non-voyants de son entourage. Au lancement de Timmy Team Racing, choisissez votre personnage, votre karting, votre parcours et la course en ligne se lance.

Les personnes en situation de handicap sont aidées par des consignes de copilote. Le son et le rythme les aident à deviner la longueur d’un virage. "Ce jeu casse la barrière entre voyants, mal-voyants et non-voyants, savoure Walid. Sur les premières courses, c’est difficile, j’étais 4e et dernier tout le temps. Mais je suis compétiteur, alors je me suis acharné pendant trois heures d’affilée pour essayer de décrocher la deuxième place."

Avantage pour les voyants et poisse légendaire 

Car la première place est encore trop souvent réservée aux voyants. "On a une petite longueur d’avance car on peut anticiper certains virages", reconnait Grégory. Pour la réduire au maximum, Timothée Adolphe et les cinq personnes avec qui il travaille ne cessent d'être en réflexion. "On veut réduire ce fossé-là. On est sur une première version, on continue de chercher des solutions pour gommer ce petit différentiel qu'il pourrait y avoir, afin de rendre nos joueurs déficients visuels le plus à l’aise possible. On veut remettre le partage et le divertissement au sein du projet." Des bugs persistent toutefois mais cela fait partie de la poisse légendaire que traine l’athlète.

Disqualifié pour un dossard oublié, pour un couloir dépassé ou pour avoir franchi la ligne d’arrivée après son guide, Timothée Adolphe a connu quelques bévues dans sa carrière, et ce, malgré son imposant palmarès. "S’il y a un trou dans une pelouse, il pourrait mettre son pied dedans, avoue Cédric Félip, un de ses guides d’entraînement. Tim et la poisse, c’est une histoire d’amour. Il a tout eu donc on peut qu’imaginer qu’il ne se passe plus rien maintenant." Raté. A l’heure de faire découvrir sa création à son guide dans son domicile de Joinville-le-Pont, l’application ne s’ouvre pas. Problème de serveur. Quelques heures plus tard, le jeu redeviendra disponible. "Quoi qu’il se passe, Tim ne lâche rien, reconnaît son guide. Ses expériences de poisse l’ont forgé encore plus". Et l’ont amené à oser de nombreux défis en dehors de sa carrière de sportif, en passant du rap au stand-up.

Cette fois, c’est de ce jeu que le Guépard blanc veut être fier. Il commence déjà à l’être. "Dans mon équipe, on a un papa de 45 ans non-voyant qui peut jouer pour la première fois à un jeu vidéo avec son fils voyant", raconte-t-il avec émotion. De quoi peut être inspirer les grands créateurs du secteur. "C’est impressionnant de se dire qu’ils ont pu adapter un jeu comme celui-ci, avance Grégory. Et fou de se dire que des grosses entreprises n’y ont jamais pensé à part pour le jeu Last of Us. Il faut que les gros studios se penchent dessus. Pour moi, Timmy Team Racing peut être précurseur."

Clément Brossard