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Formule 1: trente ans après sa mort sur le circuit d'Imola, la légende Ayrton Senna reste intacte

Trente ans après sa mort dans un accident en pleine course à Imola, la légende Ayrton Senna demeure intacte. Le mythique pilote brésilien de Formule 1 était adulé pour son pilotage, adoré pour sa personnalité généreuse.

C'était le 1er mai 1994. Sur le circuit italien d'Imola, Ayrton Senna, au volant de sa Williams, sort de piste et heurte violemment un mur en béton. Le triple champion du monde de Formule 1 (1988, 1990, 1991) meurt à l'âge de 34 ans. Trente ans après, la légende est impérissable, le Brésil et le monde du sport automobile continuent de lui rendre hommage.

Cette admiration mondiale qui perdure se traduit notamment par la popularité immense des vidéos de ses exploits. Les images témoignent de la qualité formidable de son pilotage, à une ère où la maniabilité des monoplaces était sans commune mesure avec les bijoux actuels de technologie, où les pilotes risquaient littéralement leur vie.

La "caméra embarquée" de sa qualification au GP de Monaco 1990 est devenue un document iconique, où on le voit, depuis l'arrière de son mythique casque jaune et vert, prendre tous les risques dans les rues de la Principauté et se débattre avec son volant pour apporter les meilleures corrections à sa direction. Autre archive mémorable: le premier tour du GP d'Europe 1993. Le fameux "Tour des Dieux", dans lequel il donne l'impression d'être immunisé à la pluie et parvient à passer de 4e à 1er en passant les redoutables Williams.

"Nous sommes faits d'émotions, nous sommes tous à la recherche d'émotions, il s'agit seulement de trouver le moyen d'en faire l'expérience. Il y a de nombreuses façons différentes de les vivre. Il y a peut-être une chose différente, seulement cela, une chose particulière que la Formule 1 peut vous apporter, c'est que vous savez que nous sommes toujours exposés au danger, au danger d'être blessé, au danger de mourir", déclarait-il en 1991.

En 10 ans de carrière et 161 courses, Ayrton Senna affiche l'un des meilleurs pourcentages de victoires (25,47%, 41 succès) parmi ceux qui ont couru au moins autant que lui. 80 podiums et 65 poles sont aussi à mettre à son bilan. À titre de comparaison, l'immense champion qu'est Niki Lauda a dû se "contenter" de 25 victoires en 171 courses. "Senna essayait toujours de trouver de la confiance et de contrôler sa voiture, sa maîtrise de la voiture et sa concentration étaient tout à fait extraordinaires", disait l'ingénieur Adrian Newey, magicien de l'aérodynamisme aux 25 titres depuis 1992.

"Un ami de tous les jours"

La légende est indissociable de la rivalité avec Alain Prost, qui fut à la fois son principal adversaire, son coéquipier et son ami. Ces deux monstres du pilotage ont fait de cette époque l'âge d'or de la catégorie reine du sport automobile. "Cette période est considérée comme l'une des meilleures années de Formule 1, et je pense vraiment que c'était le cas", abondait le quadruple champion du monde français.

Lorsqu'il parle de ces années, Alain Prost finit toujours par évoquer l'homme qu'était Ayrton Senna: "Quand j'ai pris ma retraite, j'ai découvert une autre personne. Une autre personnalité. (...) Nous étions très proches au cours des six derniers mois. Nous nous appelions très souvent. C'est un regret de ma vie, que nous n'ayons pas pu montrer exactement quelle était notre relation."

Comme lui, tous ceux qui ont côtoyé Ayrton Senna dans le paddock décrivent quelqu'un empli de bonté et dont la foi catholique le rendait particulièrement sensible aux oeuvres de charité pour les enfants et contre la pauvreté au Brésil. "C’était quelqu’un de très disponible", raconte le journaliste Jean-Louis Moncet, bible de la F1, dans une vidéo pour Autoplus. "Les rivaux qu’il avait contre lui avaient une vie dans le paddock et une autre vie. Niki Lauda s’intéressait aux avions; Nelson Piquet était l’archétype du playboy, avec hélicoptère, yacht, jet privé et jolie femme; Alain Prost avait sa vie secrète. Ayrton Senna, sa vie était au centre du paddock. Il connaissait tout le monde. C’est pour ça qu’il a construit ce mythe. C’était une sorte d’ami de tous les jours des gens de la Formule 1. C’est pour ça qu’il était important pour tout le monde." Eddie Jordan, fondateur de l'écurie éponyme, ne dit pas autre chose: "Il était complètement passionné et c'était aussi une personne très affectueuse."

"Je suis très privilégié", disait Senna. "J'ai toujours eu une très bonne vie. Mais tout ce que j'ai obtenu dans la vie, je l'ai obtenu par le dévouement et un énorme désir d'atteindre mes objectifs... un grand désir de victoire, c'est-à-dire de victoire dans la vie, pas en tant que pilote. (...) Vous devez faire preuve d'une grande force et d'une grande détermination et tout faire avec amour et une profonde croyance en Dieu. Un jour, vous atteindrez votre but et vous réussirez".

Sa mort a contribué à rendre la F1 plus sûre

La combinaison de son talent et de son humanité a fait de lui un héros. Ce qu'il a littéralement été lorsqu'il a sauvé Erik Comas d'un effrayant crash au Grand Prix de Belgique 1992. "J’ai mis dix ans à en parler, dix autres années pour aller me recueillir sur sa tombe à São Paulo. Mais cela fait trente ans que j’y pense tous les jours, trente ans que je pleure celui grâce à qui je suis encore en vie aujourd’hui", a commenté le pilote français auprès de RTL. "C'est quelqu'un à qui j'aspire à ressembler, comme je l'ai écrit quand j'étais jeune", a dit Lewis Hamilton, très respecté par la famille Senna.

Si la mémoire est intacte, c'est aussi parce que chaque week-end de F1 est directement lié à sa tragédie. Avant l'accident mortel de Jules Bianchi en 2014, les principales améliorations en matière de sécurité sont la conséquence du triple accident d'Imola. Cellule de survie, barrières de piste, murs de pneus, support de tête et du cou... Tout a été revu.

Au Brésil, trois millions de personnes ont assisté aux funérailles d'Ayrton Senna à São Paulo. L'écrivain Ernesto Rodrigues, auteur d'une biographie sur le pilote, en est convaincu: "Il a redonné de l'estime de soi aux Brésiliens. "Son héritage a été largement préservé. Il a donné son nom à des avenues importantes dans tout le pays. À chaque fois que son nom est cité, il donne beaucoup de fierté aux Brésiliens."

https://twitter.com/julien_absalon Julien Absalon Journaliste RMC Sport