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Evan Fournier: "Il y a des violences policières en France, c’est juste une vérité"

EXCLU RMC SPORT. Evan Fournier, l’arrière de l’équipe de France et du Orlando Magic, se livre sur la reprise de la saison de NBA, sa passion pour Koh-Lanta et la question plus profonde des violences policières et du racisme des deux côtés de l’Atlantique.

Evan Fournier, êtes-vous heureux de retrouver bientôt les parquets pour la reprise de la NBA le 31 juillet ?

Bien sûr, oui. Je suis content, excité à l’idée de rejouer. Après, on ne peut pas faire abstraction de tous les à-côtés. Être dans une bulle pendant six semaines, jouer dans des salles vides, ça va être un contexte vraiment particulier. On est content de rejouer mais on se pose beaucoup de questions, aussi. Comment ça va se passer ? Est-ce que quelqu’un va choper le Covid ? C’est un sentiment un peu bizarre, quand même.

Les joueurs ont-ils peur ?

Non, on n’a pas peur. On se parle beaucoup. Il y a des réunions quotidiennes entre la NBA et le management. On a des infos. Mais aura-t-on le droit de voir nos familles ? Où va-t-on manger, dormir ? Le côté logistique, on ne sait rien pour l’instant. Ce sera forcément ch…

Comment se déroule l’entraînement actuellement ?

C’est juste moi et un coach, deux joueurs dans la salle seulement en même temps. Toutes les restrictions sont encore présentes. Le rebondeur doit mettre des gants, un masque. Moi, je suis obligé de passer par le protocole avec des questions, de me laver les mains, mettre du gel, etc. Toutes les deux semaines, il y a un test au Covid-19 qui est fait. Et quotidiennement, il y a une prise de température.

Comment ça va se passer pour vos proches ?

Ils ne seront pas là. On parle seulement de faire venir les familles après le premier tour des playoffs. Il y aura 1.600 personnes dans la bulle. Les équipes qui seront éliminées partiront donc on pourra les remplacer par les familles. Mais pendant les six premières semaines, personne. Ça saoule. On a un fils d’un an. Être seul pendant six semaines, ce n’est pas facile. On n’a pas le choix, on va s’organiser. 

Dans cette période, on vous a beaucoup vu sur les réseaux sociaux…

Twitter, c’est un média intéressant. C’est une source d’information. Ça donne beaucoup d’infos. J’aime être informé de ce qu’il se passe en France. Je suis parti, donc c’est un moyen de savoir. Je n’ai pas ma langue dans ma poche, donc je m’exprime.

Racontez-vous votre dernier vendredi, devant Koh-Lanta…

C’était une journée de frustration (rires). Mais c’était prévisible, parce que malheureusement ce n’est pas une épreuve pour les grands (Claude a échoué aux poteaux, ndlr). Mais c’était vraiment une saison super.

Pourquoi êtes-vous aussi fan de l’émission ?

J’ai toujours kiffé Koh-Lanta. Je l’exprime plus maintenant. C’est devenu presque une marque de fabrique. Les gens attendent que je commente durant les épisodes. Mais j’ai toujours regardé Koh-Lanta, depuis les premières saisons.

Que pensez-vous de la gagnante, Naoil ?

Noail, je l’aime beaucoup. Je trouve qu’elle a fait un très beau parcours. Elle a véhiculé de vraies valeurs. Elle a souvent pris la parole pour dire des choses vraies, en terme de compétitivité. J’aurais bien sûr préféré que ce soit Claude, mais c’est un beau vainqueur.

Comment expliquez-vous la vague de soutien pour Claude ?

Il a montré de vraies valeurs. Il était fort dans les épreuves, bon dans la tactique. Il était un peu seul en plus, il ne pouvait pas s’allier avec beaucoup d’autres. Il avait juste Jessica comme pote. C’est du chacun pour soi parce que tu dois survivre. Quand ils étaient sur les rouges, ils étaient un peu en danger. A la réunification, il y avait plus de jaunes que de rouges et il était en danger. Il a dû se démerder. Tu espères que celui qui est en infériorité gagne. C’était l’un des meilleurs mais il était constamment en danger. Il s’en sortait à chaque fois. En plus de cela, il donnait des leçons aux autres sur leur morale bidon… Malheureusement, Koh-Lanta, c’est aussi ça : des gens qui ne sont pas forts qui s’allient et sortent des trucs bidon. Il a fait la morale à Inès, c’était juste magnifique.

Il n’y a pas d’autres émissions de télé-réalité qui vous accrochent ?

Non. Il n’y a aucune autre télé-réalité comme ça. Pour moi, ça reflète beaucoup de choses, Koh-Lanta. Le challenge, mais aussi comment tu interagis avec les autres, comment tu fais des alliances. Et tu ne peux te fier à personne. C’est intéressant. Ça reflète beaucoup de choses dans ma manière de faire. C’est pour ça que ça me plait autant. Et il y a aussi le fait que Denis (Brogniart) joue très bien son rôle. Il fout la merde sans vraiment la foutre. En plus, ça se passe dans de très beaux décors. C’est une super émission.

Vous allez y participer ?

Je ne sais pas si ça va être possible (rires). Denis l’a dit, Koh-Lanta, c’est fait par des anonymes pour des anonymes. Je trouve que c’est un très beau slogan. Si un jour, Koh-Lanta me contacte, je le ferai. C’est sûr.

Avez-vous hâte d’être aux Jeux olympiques, reportés en 2021 ?

Ce n’est pas sûr qu’on y soit (les joueurs NBA, ndlr). C’est ça, le problème. Ça aurait été mieux qu’on s’arrête là (en NBA). Ça va nous plomber les années à venir. Le match 7 des finales, ce sera le 12 octobre. La saison prochaine commencerait en décembre. Mais le camp d’entraînement sera sûrement repoussé. Comment on fait ? Une saison complète, si on veut faire le maximum d’argent, ça nous fait jouer jusqu’en juillet. Donc il n’y a pas de JO. Et à quel moment tu reprends une saison normale ? Ça va nous mettre dans une position inconfortable pour les années à venir.

Comment avez-vous vécu la mort de George Floyd ?

Comme tout le monde. La vidéo, c’est choquant, révoltant. Et malheureusement, c’est une vérité, que beaucoup de gens ont du mal à comprendre. Aux Etats-Unis, c’est encore plus flagrant qu’ailleurs. Ici, il y a vraiment beaucoup de cas de violences policières, notamment sur les Noirs américains, qui se font tuer. Il y a plein d’histoires comme ça. C’est un vrai problème dans ce pays. Les manifestations, c’était fort. J’ai eu l’impression que c’était la première fois où autant de monde s’est rassemblé. Il y a même des institutions comme la NFL qui changent complètement de discours, qui se mettent à dire que Colin Kaepernick avait raison. Ça montre à quel point le mouvement est fort. C’est la preuve que les gens ont peur. Je pense que c’est bien qu’en France aussi, il y ait eu un grand rassemblement pour Adama Traoré. Je suis vraiment avec eux, j’aurais aimé être là.

Ça aurait été important pour vous de participer aussi ?

Oui, clairement. En plus, c’est ma ville, Paris. Je suis désolé de dire qu’il y a des violences policières, c’est juste une vérité. Ces violences sont plus souvent dirigées sur des Noirs et des Arabes. C’est juste la vérité. Si tu ne vois pas les choses comme ça, c’est peut-être que tu n’as pas eu d’expérience, que tu ne connais pas des gens qui ont vécu ça. Même si je ne viens pas d’un quartier difficile, j’ai grandi avec des gens d’horizons différents. Je n’ai pas été victime, mais j’ai été témoin de ça. C’est juste la réalité. Je pense qu’il faut le dire. Il faut arrêter de se cacher derrière des excuses. Bien sûr, il ne faut pas généraliser. Mais il faut que les choses changent. Il faut qu’il y ait justice. Dire que le racisme n’existe pas en France, c’est juste faux. Bien sûr qu’il y a du racisme. Il y a du racisme partout. Ça existe, c’est juste un fait.

Pensez-vous que les choses vont changer ?

Des mouvements comme ça, comme MeToo, sur le moment il va y avoir bien entendu des choses qui vont changer, plus de procès, des cas réouverts, mais ça ne dure jamais très longtemps. Ça dure peut-être un ou deux ans. Mais après, ça s’estompe un peu. J’espère que les choses vont changer.

LP avec Cyril Méjane