RMC Sport

Cyclisme: pourquoi le doublé Tour des Flandres - Paris-Roubaix est si difficile, même pour Van der Poel

Vainqueur en patron du Tour des Flandres dimanche dernier, Mathieu van der Poel espère remporter Paris-Roubaix ce week-end et signer un doublé que plus personne n'a réalisé depuis plus d'une décennie. Mais justement, pourquoi gagner coup sur coup les deux monuments pavés est si difficile ?

C'est un doublé qui s'offre seulement à une poignée d'élus. Tom Boonen et Fabian Cancellara dans l'histoire récente, Peter Van Petegem, Roger De Vlaeminck ou Rik Van Looy dans un passé plus lointain. Mathieu van der Poel espère cette année rejoindre ce club très fermé, après avoir triomphé dimanche dernier sur le Tour des Flandres. Mais personne, depuis 2013, n'a remporté coup sur coup les deux Monuments. Parce que ce doublé est plus difficile qu'il n'y paraît.

Des pourcentages qui font toute la différence

Au Tour des Flandres comme à Paris-Roubaix, il y a des pavés et plus de 250 kilomètres à parcourir. Mais les différences sont au moins aussi nombreuses que les similitudes, à commencer par le dénivelé. Sur les routes belges, Mathieu van der Poel a fait la différence le week-end dernier dans le Koppenberg, une montée pavée de 600 mètres avec des pourcentages à 22%. Le Vieux Quaremont et le Paterberg, autres passages décisifs, proposent aussi des pentes abominables.

A Paris-Roubaix, en revanche, aucune trace de forts pourcentages. Les secteurs pavés où se font la différence sont plus longs, ils font pour la plupart plus de 1200 mètres, mais ils sont plats et ça change tout. Mathieu van der Poel, grâce à son gabarit tout-terrain, son aisance dans les courtes montées comme dans la plaine, fait partie de ceux qui peuvent enchaîner les deux courses avec les mêmes ambitions. Il a d'ailleurs inscrit son nom au palmarès du Ronde et de Roubaix, même s'il attend encore de les accrocher tous les deux la même année.

Mais ils ne sont pas nombreux dans son cas. Tadej Pogacar, en 2023, avait remporté le Tour des Flandres en faisant parler son explosivité dans les monts. Ses presque dix kilos de moins que Mathieu van der Poel ne sont pas un handicap quand la pente s'incline. En revanche, ils le seraient sans doute sur Paris-Roubaix, où le Slovène n'a encore jamais posé ses roues et où sa capacité à jouer avec les meilleurs est encore en doute.

Dans l'autre sens, une poignée de coureurs visent régulièrement la victoire sur Paris-Roubaix mais savent qu'ils n'ont aucune chance une semaine plus tôt, sur le Tour des Flandres. C'est le cas de Filippo Ganna, rouleur d'exception mais moins à l'aise dans les bosses, sixième à Roubaix l'an passé et vainqueur de l'épreuve chez les espoirs. Quelques sprinteurs sont aussi dans ce cas, comme John Degenkolb (7e en 2023, vainqueur en 2015) ou Arnaud Démare côté français (6e en 2017).

Le facteur chance plus important à Roubaix

Tous les vainqueurs de Paris-Roubaix le savent. Pour franchir la ligne en premier sur le vélodrome, il faut avoir eu un peu de chance. Être passé entre les gouttes. Les chutes et les crevaisons sont bien plus fréquentes sur les pavés du Nord que sur les monts belges, parce que l'absence de dénivelé augmente la vitesse et les risques. Les équipes ont l'habitude de placer des assistants dans chaque secteur pour palier une crevaison ou un problème mécanique, mais ça ne suffit pas toujours.

L'an dernier, Wout van Aert a ainsi crevé juste après avoir porté son attaque dans le Carrefour de l'Arbre. Quand il s'est arrêté pour changer de vélo, il a vu s'envoler Mathieu van der Poel définitivement. En 2016, Fabian Cancellara, candidat à un quatrième sacre sur l'Enfer du Nord, avait été victime d'une chute impresionnante dans le secteur de Mons-en-Pévèle, l'un des plus difficiles de l'épreuve.

Alors que sur le Tour des Flandres, on dit que c'est presque toujours le plus fort qui s'impose, ce n'est pas le cas sur Paris-Roubaix. Même quand un favori clair se dégage au départ de Compiègne, il reste beaucoup à faire. Cela laisse de la place pour les surprises. Van Summeren, Hayman ou Colbrelli, pour évoquer seulement l'histoire récente, n'étaient pas du tout annoncés comme candidats à la victoire.

Le problème de la pancarte

Quand on remporte le Tour des Flandres, on aborde forcément différemment Paris-Roubaix la semaine qui suit. Mathieu van der Poel aura ainsi du mal à se défaire de son énorme pancarte, dimanche, où une grosse partie de ses adversaires passera le plus clair de la course à chercher sa roue, pour tenter de s'y accrocher au moment où le Néerlandais placera son attaque.

En 2011, Fabian Cancellara avait connu ça. Après une démonstration de force non récompensée sur le Tour des Flandres, où il avait pris la troisième place, tout le monde avait souhaité lui laisser le poids de la course. Le Suisse avait eu toutes les peines du monde à se débarasser de Thor Hushovd, accroché à son porte-bagage pendant des heures, et quand il avait enfin réussi à s'isoler, il n'avait pas pu rattraper Van Summeren, parti plus tôt.

Pour Mathieu van der Poel, cette année, le problème sera d'autant plus grand que ses rivaux ont été décimés. Wout van Aert, victime d'une grosse chute lors d'A Travers la Flandre, a déclaré forfait pour l'ensemble du printemps. Mads Pedersen, qui avait battu le Néerlandais à Gand-Wevelgem, a chuté lui aussi et il est depuis diminué. De quoi tourner encore plus les regards vers un seul homme qui, dimanche vers le vélodrome roubaisien, aura tout le monde contre lui.

Robin Wattraint Journaliste RMC Sport