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Dortmund-PSG: de numéro 10 libre à "faux excentré", comment le jeu de Dembélé a évolué depuis son passage au Borussia

Après le Barça en quarts, Ousmane Dembélé retrouve un autre de ses anciens clubs, le Borussia Dortmund, ce mercredi avec le PSG en demi-finale aller de la Ligue des champions (21h, sur RMC Sport). Il y avait signé une année 2016-2017 fantastique mais son jeu, toujours déséquilibrant, a bien changé depuis.

2023-2024 est la saison de toutes les retrouvailles pour Ousmane Dembélé (26 ans). Après Rennes, son club formateur, en Ligue 1, puis le Barça en quarts de finale de la Ligue des champions, l’ailier du PSG défie le Borussia Dortmund où il a passé la saison 2016-2017, ce mercredi (21h) en demi-finale aller de la Ligue des champions. Le champion du monde 2018 a déjà croisé le Borussia à deux reprises depuis son départ en 2017: en 2019-2020 avec le Barça, puis en septembre dernier en poules avec Paris, mais c’était à chaque fois à domicile (il était blessé pour le déplacement dans la Ruhr en 2019, et suspendu en 2023). "Dembouz" signera donc son grand retour au Signal Iduna Park, ce mercredi.

Si les supporteurs ne lui ont pas pardonné son bras de fer pour quitter le club seulement un an après son arrivée en provenance de Rennes, ils conservent le souvenir d’une saison exceptionnelle du joueur. Toujours aussi déstabilisant, son jeu, a, depuis gagné en épaisseur et maturité, constate Mathieu Le Scornet, l’un de ses anciens éducateurs à Rennes. "Je l’ai eu la première séance où il est arrivé au club, il était à l’essai, il était U13 et il était venu s’entrainer avec les U14", resitue-t-il. Il l’a ensuite entrainé avec les U19 quand il était l’adjoint de Julien Stéphan et suit, depuis son départ du club en 2016, son parcours avec assiduité.

A Dortmund, une sorte de meneur en électron libre

A la sortie de dix mois étincelants avec Rennes (12 buts, 5 passes en 29 matchs), Ousmane Dembélé avait rejoint Dortmund contre la modique somme de 15 millions d’euros (le montant avait atteint 35 millions avec divers bonus). Et l’investissement s’était très vite porté fructueux. Sa saison dans la Ruhr fut une réussite éclatante, elle reste même la plus aboutie de sa carrière en termes de statistiques (10 buts, 21 passes décisives). En grande partie grâce à Thomas Tuchel, alors entraîneur du BVB, selon Mathieu Le Scornet.

"Ce qui était fou sur cette saison-là, c’est que Tuchel l’avait mis très bien."

"Il alternait les positions, Tuchel l’avait un moment fait jouer en 10, un peu libre. Il (Dembélé) m’avait dit que c’était un top coach parce qu’il avait compris qu’il fallait le laisser un peu libre."

Ousmane Dembélé avec Thomas Tuchel et Pierre-Emerick Aubameyang au Borussia Dortmund, le 1er octobre 2016
Ousmane Dembélé avec Thomas Tuchel et Pierre-Emerick Aubameyang au Borussia Dortmund, le 1er octobre 2016 © ICON Sport

Utilisé parfois dans l’axe, parfois à droite, il avait martyrisé les défenses allemandes en compagnie de Pierre-Emerick Aubameyang (40 buts en 46 matchs cette année-là) et remporté la Coupe d'Allemagne. "Il avait la faculté à souvent rentrer", reprend l’adjoint de Patrick Vieira à Strasbourg. "Ce qu’il faut savoir, c’est qu’Ousmane est un milieu de terrain. Quand il jouait à 8 chez les jeunes, il était dans les deux milieux axiaux, à l’organisation du jeu, beaucoup à la passe. Il est d’abord altruiste."

Selon Mathieu Le Scornet, sa réussite en Bundesliga s’explique aussi par "le taux de compacité des blocs" qui offre plus de latitude aux attaquants. Il cite ainsi les réussites récentes de Serhou Guirassy (Stuttgart), Randal Kolo Muani (Francfort) ou Marcus Thuram (Mönchengladbach). "L’Allemagne ‘facilite’ l’exposition des attaquants qui signent ensuite dans des grands clubs. Ousmane signe quand même à Barcelone après."

Plus structuré au Barça

Recruté 135 millions d’euros par le Barça pour pallier le départ de Neymar (son idole) au PSG, Ousmane Dembélé y avait découvert un cadre différent. "Il arrive dans une structure très puissante, de part l’institution Barcelone, mais aussi dans l’organisation, avec une structure de jeu très cadrée", explique Mathieu Le Scornet. "On avait déjà vu ce qui s’était passé quand Neymar ou Thierry Henry étaient arrivés. Il y a de l’allant mais maîtrisé. Ils sont dans un jeu de position très affirmé. Ils ont vraiment des actions types et ciblées pour pouvoir mettre l’accélération nécessaire. Ousmane a développé sa patience pour rester positionné. Quand le ballon est d’un côté, on pourrait rentrer dans l’axe pour le toucher. A Barcelone, il ne faut pas parce que quelqu’un d’autre le fait donc, il faut rester patient surtout dans les zones excentrées où il jouait. Ça ne l’a pas empêché dans des moments de match où ça s’emballait d’exploiter toutes ses qualités."

Ousmane Dembélé lors de Barça-Real Sociedad (1-2, Liga), le 20 mai 2023
Ousmane Dembélé lors de Barça-Real Sociedad (1-2, Liga), le 20 mai 2023 © ICON Sport

Malgré les blessures à répétition et les critiques sur son hygiène de vie, il avait conservé sa faculté à faire des fulgurances. "Il avait moins de liberté dans le positionnement mais dans sa zone, il avait une liberté totale parce qu’il veut faire vivre son secteur de jeu", détaille Mathieu Le Scornet. Selon lui, "Dembouz" a gagné en expérience au Barça "par rapport au fait d’attaquer au bon moment, les timing d’attaque".

Au PSG, un "faux excentré"

Avec le PSG depuis l’été dernier, Ousmane Dembélé a vu son utilisation changer au gré des envies de Luis Enrique qui l’aligne parfois à droite mais aussi dans l’axe, comme un faux numéro 9. Il serait plutôt un "faux excentré", corrige Mathieu Le Scornet. "Sur les ratios de match et les temps de jeu, il occupe beaucoup plus la position de départ du joueur excentré. Je pense que c’est un faux excentré, un faux 7, un faux 11. Là où il s’exprime le mieux, à l’image de ce que faisait très bien Di Maria, c’est dans cette position-là, quand il rentre dans l’axe."

Mathieu Le Scornet s’interroge tout de même sur les intentions de Luis Enrique dans cette utilisation axiale. "Il a dû voir quelque chose pour l’avoir positionné là", fait-il remarquer. Salué pour sa très belle saison (5 buts, 12 passes décisives), Dembélé a aussi cristallisé les débats sur son manque de réussite face au but. Pour son ancien formateur à Rennes, cela est dû à son positionnement mais aussi aux intentions personnelles du joueur "plus passeur que buteur". "Quand il arrive de l’extérieur vers l’intérieur face au but, il ne se retrouve pas dans une position préférentielle pour pouvoir finir l’action par une frappe dangereuse", développe-t-il. "Il a la faculté d’enchainer les dribbles mais à la sortie, ces dribbles, notamment le crochet, ne le placent pas en situation de pouvoir enchaîner une frappe dangereuse. C’est paradoxal. Il a une motricité qui ne l’amène pas en position optimale pour pouvoir finir."

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Recentrer plus pour marquer plus?

Mathieu Le Scornet, qui a conservé un "lien amical" sans être en relation régulière avec Ousmane Dembélé, aimerait avoir l’avis du principal intéressé sur son goût du but. "C’est ce que j’aimerais savoir en discutant avec lui", confie-t-il. "Il est altruiste, percutant, il a une grande faculté à déséquilibrer, mais dans des moments où le spectateur ou l’éducateur aimerait qu’il frappe parce qu’il arrive dans des zones où les expected goals sont élevés, s’il n’a pas l’intention de marquer, comment voulez-vous qu’il s’organise pour tirer? Cette faculté et cette aisance à éliminer l’adversaire le placent dans des situations plutôt de faire des derniers décalages que de tirer. S’il doit tirer et si on attend qu’il finisse ses actions alors, je pense qu’il faut qu’il soit axial mais plutôt en fin de match. Je pense qu’il faut qu’il soit positionné sur le côté au départ et qu’à la fin il se trouve face au but, c‘est très important pour l’emmener dans l’intention de finir l’action."

Nicolas Couet Journaliste RMC Sport