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Canoë: "Mon corps m'a fait comprendre que j'avais arrêté trop brutalement", Gargaud-Chanut fait son grand retour

jeux Olympiques Paris 2024
Non-sélectionné en équipe de France l'an dernier, ce qui l'avait poussé à arrêter sa carrière, Denis Gargaud-Chanut fait son grand retour au sein de la sélection nationale ce week-end pour les championnats d'Europe. A 36 ans, le champion olympique de canoë slalom monoplace à Rio aborde cette saison internationale bien différemment que les années passées.

Le champion olympique 2016 de canoë slalom monoplace est de retour en équipe de France pour le début de la saison internationale, avec les Championnats d’Europe ce week-end à Tacen (Slovénie). Denis Gargaud-Chanut n’avait pas été retenu en sélection l’an dernier, l’empêchant de défendre ses chances de participer aux JO de Paris 2024. Il revient donc en Bleu, mais pour mieux préparer une retraite en douceur...

Comment avez-vous traversé la saison dernière où vous n’étiez pas sélectionné en équipe de France, mettant fin à vos rêves de JO?

Denis Gargaud-Chanut: J'avais décidé d'arrêter ma carrière, et j'ai même arrêté pendant trois mois. C'étaient des moments compliqués, physiquement surtout. Mon corps m'a fait comprendre que j'avais arrêté trop brutalement. Mentalement même chose, je n’étais pas dans un état très positif. J'ai décidé qu'il fallait que je continue, pour pouvoir m’arrêter ensuite en douceur. J'ai donc sollicité les instances du sport, la Fédération française de canoë-kayak, l’Agence nationale du sport, l’INSEP pour pouvoir continuer ma carrière et préparer ma sortie dans de meilleures conditions.

C'est un sujet très important, parce qu’en France on nous aide énormément à préparer financièrement notre reconversion, mais il y a un aspect physiologique que peu de gens comprennent mais qui est très important à prendre en compte. Quand on a fait vingt ans de pratique sportive à haut niveau, deux à trois fois par jour, s’arrêter brutalement crée des problématiques. On peut parler d'addiction. Le corps ne le vit pas bien, la tête non plus. On a besoin d'une période de transition. Je l’avais prévu parce que des amis avaient pris leur retraite de manière brutale, mais je ne pensais pas que c'était à ce point.

Comment abordez-vous ce retour en équipe de France pour le début de la saison internationale? Vous aviez contesté votre non-sélection l’an dernier devant le tribunal administratif qui avait rejeté votre requête...

Je ne pensais pas avoir le niveau, ou que la Fédération française accepterait de me réintégrer en équipe de France donc pour moi, ça, c'est du bonus ! Il y a des compétitions qui sont importantes, à commencer par les Championnats d'Europe, puis trois manches de Coupe du monde. Ce sont des événements auxquels je suis ravi de prendre le départ. Néanmoins, cela ne change pas ma vision, c'est-à-dire que je me suis imposé un programme où je ne m'entraînais qu'une fois par jour pour développer une autre activité professionnelle, préparer ma reconversion, et ma sélection n'a pas changé ce rythme-là.

Si j'arrive à être performant en faisant cela, c'est très bien. Mais si je n’y arrive pas, c’est presque l'objectif en fait : que petit à petit, mon niveau régresse et que j’aille vers une sorte de sport loisir. C'est une méthode que je vais essayer de m'imposer. Ma vraie volonté est d'arrêter à l’horizon d’un an, un an et demi. Je n'arrive pas à bien définir quand... Tant que ce rythme-là me permet d'être toujours performant, pourquoi m'en priver, mais ça ne durera pas. Je sais très bien ce que demande le haut niveau et qu'à un moment donné, je vais régresser.

Y’a-t-il une part de fierté ou de revanche chez vous, à revenir en équipe de France?

Pas du tout. Très franchement non. Je comprends tout à fait la question et plus tôt dans ma carrière, j'aurais eu cette cette émotion-là, cette volonté de prendre une sorte de revanche sur ce qui m’est arrivé. Mais en décidant de revenir, je n’étais pas du tout dans cette démarche-là, j'étais plutôt dans une démarche de le faire par plaisir, par envie, avec l’idée de changer un peu de modèle aussi. Le modèle qui m'a permis d'être performant, c'était un modèle de compétiteur mais dans la vie de tous les jours, c'est trop brutal. Les gens ne comprennent pas, on a des rapports humains qui ne sont pas forcément évidents dans ces conditions-là. L'idée est d'avoir comme une période de réinsertion sociale en disant : “je change de modèle, je change de vie, je change de mode de travail et de préparation."

Quel sera votre rôle en équipe de France en ce printemps, notamment auprès de Nicolas Gestin qui est qualifié en canoë slalom monoplace pour les JO de Paris 2024?

Ce rôle de transmission, je l'incarne plus qu'avant où j'étais davantage concentré sur ma carrière et ma préparation. Je le fais avec ceux qui me sollicitent pour cela. On a fait quelques séances d’entraînement avec Nicolas, dans la préparation des compétitions de sélection nationale. Mais je suis là en tant qu'athlète lambda. A la moindre sollicitation, je réponds présent, en revanche, cela doit venir des athlètes, je ne vais pas m’imposer en disant : “C'est moi le champion, faut que tu fasses comme ça !”. Parce que je n’ai pas la recette. Mais un athlète qui a envie de progresser, cela peut l'aider de s'entraîner avec moi parce qu'il peut découvrir certaines choses et si on discute, il peut y avoir un échange riche. Ce n’est pas moi qui m’impose, j’assume mieux ce rôle-là, mais je reste à ma place.

Vous parliez de reconversion, que préparez-vous pour votre prochaine retraite?

Le rôle de consultant sera une aventure passagère pendant les Jeux, c'est l’opportunité pour moi de prendre la parole au moment des compétitions pour expliquer du mieux que je peux mon sport, sa complexité, de transmettre des informations techniques pour rendre l'épreuve plus vivante mais je n’ai pas dans l’idée de faire cela toute ma vie. Je suis en train de recréer une activité professionnelle. J'ai été entrepreneur en parallèle dans une première partie de ma carrière de haut niveau, cela s’était arrêté et là je crée une nouvelle activité, mais je la garde pour moi pour le moment.

Pierre Thévenet et Kévin Morand