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"J’ai appuyé trop fort sur l’accélérateur": Florent Manaudou analyse son échec aux Mondiaux de natation

En stage de reprise avec l’équipe de France de natation à Canet-en-Roussillon, Florent Manaudou est revenu sur son échec des derniers championnats du monde à Fukuoka au Japon. Eliminé en demi-finales du 50m nage libre, il a compris les raisons de cette désillusion et compte s’appuyer sur sa bonne saison l’an dernier, malgré tout, pour se tourner vers les Jeux de Paris 2024.

Il fait mine de cacher des bourrelets que l’on a objectivement un peu de mal à observer. C’est l’heure de la reprise pour Florent Manaudou qui a entamé un stage avec l’équipe de France à Canet-en-Roussillon depuis lundi. "J’ai perdu trois kilos", lance le champion olympique visiblement délesté d’un peu de masse musculaire pendant ses vacances.

Un peu plus d’un mois après la désillusion de Fukuoka et l’élimination incompréhensible en demi-finales du 50m nage libre, Florent Manaudou a mis des mots sur sa contre-performance japonaise. "Sans maîtrise la puissance n’est rien", en rigole aujourd’hui avec le recul le triple médaillé olympique consécutif sur la distance.

Manaudou a déjà balisé sa saison olympique: avec cet hiver une étape de Coupe du monde à Budapest (grand bassin), les championnats de France puis d’Europe en petit bassin. Il prendra ensuite comme prévu en janvier la direction de l’Australie pour trois mois loin des sollicitations. Le Marseillais zappera, comme une grande partie de l’équipe de France (et de la natation mondiale), les Mondiaux de Doha en février prochain.

En ce début de saison olympique, le capitaine des Bleus et ses coéquipiers présents sur ce stage de rentrée - sans Léon Marchand aux Etats-Unis et le groupe marseillais - ont pu prendre la température de ce qui les attendra l’été prochain avec la visite du chantier du village olympique et de la Paris La Défense Arena de Nanterre où se dérouleront les épreuves de natation.

Un peu plus d’un mois après les championnats du monde où vous ne compreniez pas trop ce qui était arrivé, on imagine que vous y avez beaucoup réfléchi…

Oui et non… J’y ai beaucoup réfléchi la première semaine et après j’ai lâché prise. Je pense que ce qu’il s’est passé est tout simple, j’ai fait les choses en conscience depuis l’arrivée de James (Gibson qui l’entraîne à nouveau, à distance, depuis janvier dernier) et j’ai changé plein de choses. A chaque fois je me regardais nager et je faisais très attention à ce que je faisais pendant la course. Je sais que pour faire une course extraordinaire il faut que ce soit du pilotage automatique. Après les séries des championnats du monde je me suis dit c’est bon tu nages 21s7c et tu n’es qu’à 80% donc lâche prise en demi-finales et tu verras ce que ça donne. Et en fait je pense que je n’étais pas du tout prêt à faire ça encore et il fallait que je le fasse en conscience. Si je dois prendre une métaphore, j’avais juste trop de chevaux sous le capot et j’ai appuyé trop fort sur l’accélérateur donc ça a dérapé au début. Et quand tu prends du retard sur un 50m au début c’est compliqué. J’avais trop de puissance, mais pas assez de maitrise… Et sans maitrise la puissance n’est rien (rire)… Ce n’est pas de moi (rire).

Est-ce que vous avez revu cette course?

Je l’ai revue deux ou trois fois après ma course et il n’y a pas vraiment de problème technique ou tactique c’est juste que j’ai voulu trop en mettre trop tôt… Et je ne fais pas un bon start en plus. Il n’y a rien qui a été bien dans cette demi-finale.

Ça a été difficile à digérer ou pas du tout?

Ce qui est très étonnant c’est que d’un côté je me dis, j’ai fait 12ème… J’ai fait 21s9 aux championnats du monde, ce qui n’est pas totalement vrai car je nage 21s7 en séries mais on ne retient que la dernière référence. Donc j’ai ce côté qui me fait dire « wow » je peux passer au travers à n’importe quel moment et ça c’est horrible. Mais d’un autre côté j’ai quand même gagné 4 dixièmes par rapport à l’année précédente, avec un 50m en séries des championnats de France qui était extraordinaire. Donc j’ai un peu ce double truc là et c’est à moi de me focaliser surtout sur ce que j’ai fait en séries des France. Avec ce chrono j’aurais fait deuxième des championnats du monde. C’est dingue, en ayant fait coucou juste avant à ma sœur qui était dans les tribunes de Rennes. Le sport est étonnant parfois, à moi de bien gérer la chose.

Est-ce que cette contre-performance a changé les plans pour cette saison qui démarre?

Absolument pas. Je pense qu’on a réussi des choses en passant de 21s9 à 21s5, et beaucoup mieux nagé surtout. J’ai deux-trois courses dont je suis très content la saison dernière. Il ne faut pas se focaliser sur quelque chose qui s’est mal passé mentalement aux championnats du monde où j’ai voulu aller beaucoup trop vite trop tôt. Physiquement je pense que j’ai retrouvé mon niveau que j’avais aux JO de 2021 maintenant c’est à moi d’aller un peu plus vite.

C’est la rentrée des classes, en tant que capitaine c’est un rôle encore plus prépondérant sur une année olympique?

Je n’aime pas trop changer les choses et je pense que l’erreur serait justement de changer trop de choses parce que c’est une année olympique. On va forcément être plus entourés et on va forcément entendre encore plus parler, mais on a déjà performé, on est sur pente ascendante, il y a de plus en plus de nageurs qui performent au haut niveau. Il faut juste garder cette ligne là et je suis très content de cette équipe. On a attaqué dimanche avec la visite de la future piscine et du village. C’est très important de pouvoir voir où on va être. Alors on n’a pas tout vu, moi j’aime bien par exemple voir la circulation, les temps de transports etc et on le verra plus tard. Mais je trouve ça cool de pouvoir reprendre comme ça sous le soleil de Canet.

Vous avez pu faire une visite de la Paris La Défense Arena dimanche où se dérouleront les épreuves de natation des JO de Paris, ça a donné quoi ?

C’était juste extraordinaire. Ils avaient mis des sièges sur le terrain pour matérialiser où sera placée la piscine. Ça avait l’air très petit parce que le stade est énorme. Mais de pouvoir aller dans une salle comme ça, de 18 000 personnes ça va être juste extraordinaire et on a hâte de voir l’installation de tout ça.

Ce rêve des Jeux est encore là même après trois éditions disputées et trois médailles gagnées ?

C’est différent mais évidemment on ne s’entraîne pas pour être 12ème. On s’entraîne pour progresser, gagner et en plus les Jeux sont à Paris. C’est assez rare pour un athlète d’être aux JO dans son pays et en plus de pouvoir y être performant. J’espère que ce sera le cas de beaucoup de nageurs ici.

Vous avez déjà votre programme de cette année olympique en tête ?

Oui à 90% je sais ce que je vais faire. Les compétitions, où je vais être… J’essaye petit à petit de mettre mes journées extra sportives en ordre, les sponsors, Paris 2024, médias etc… Je pense que le plus important c’est de baliser l’année et ce que je vais faire dans l’eau. Baliser aussi ma course parce que je suis parti un peu dans tous les sens l’année dernière en cherchant. Il faut avoir un cap et le tenir toute l’année pour performer.

Propos recueillis par Julien Richard