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Pourquoi la formation du Stade Toulousain est aussi forte

Depuis des années, le Stade Toulousain a fait éclore une multitude de talents issus de sa formation. Des joueurs qui s’insèrent rapidement dans le collectif et arrivent à briller. Comment le club haut-garonnais fait-il pour être aussi efficace? Quels sont ses principes? Son savoir-faire? A la veille de la demi-finale de Champions Cup face aux Harlequins (dimanche, 16h), plongée dans l’organisation de la filière toulousaine.

"Ça marche plutôt bien la formation, ça fait pas mal d'années maintenant. Même avant moi, je ne suis pas le seul. Il y a un paquet de joueurs qui sont passés par la formation qui ont fait de très belles carrières au Stade Toulousain". Romain Ntamack a raison. Lui, le pur produit de la formation toulousaine (et encore plus que les autres avec des débuts à l’âge de 5 ans), trois fois champion de France et une fois champion d’Europe, n’est pas le seul jeune rouge et noir à la trajectoire d’une météorite. D’ailleurs, dans un quinze-type du Stade Toulousain aujourd’hui, les Baille, Marchand, Mauvaka, Aldegheri, Cros, Ntamack, Costes, Lebel ou Ramos ont de commun d’être tous passés par les équipes de jeune du club. Plus largement, au sein même de l’effectif professionnel, ce ratio atteint les 64 %.

"Et le président Didier Lacroix pousse pour que l’on monte à 70%" explique le directeur du centre de formation Michel Marfaing, trois fois champion de France avec le Stade Toulousain quand il était joueur, quand il nous reçoit dans son petit bureau du Stade Ernest Wallon, à la superficie diamétralement opposée avec l’enthousiasme qu’il met à parler du sujet. "Les éducateurs sont tous des anciens joueurs, donc on parle le même langage. On ressent beaucoup de de plaisir parce qu'on se rend compte que le travail qui est fait est décliné depuis le haut, depuis les pros et le staff d’Ugo Mola, jusqu'en bas. Et il est efficace. Chacun de son côté amène cette pierre à l'édifice. C'est plutôt cohérent". Le Stade Toulousain peut se targuer de trois années consécutives à la tête du classement des centres de formation du Top 14.

Mais pour comprendre l’origine de ce succès, il faut remonter 27 années en arrière. "Nous avons au départ passé un partenariat avec six clubs du pourtour toulousain, à moins d’une heure de route" se rappelle Marfaing. Aujourd’hui, ils sont au nombre de quarante. "Les éducateurs de ces clubs sont reçus sept lundis de suite en début de saison pour assister à des réunions concernant le jeu et les entraînements et être formés poursuit-il. Concernant les joueurs, en dessous de 14 ans, ils restent au sein de leur club et ne viennent que sur quelques journées. Au-dessus de 14 ans, les meilleurs ont ce qu’on appelle une double licence. Parfois ils jouent avec leur club, parfois avec le Stade Toulousain". Actuellement, en catégorie Espoirs, sur 58 joueurs, 28 sont en double licence.

L’exemple du pilier Joël Merkler

Et selon leurs performances, le temps de jeu en rouge et noir ne fait évidemment qu’augmenter. Les dirigeants toulousains ont également tissé une toile bien plus large d’autres clubs partenaires. Elle s’étend désormais de la Hollande à l’Espagne (avec Madrid, Valence et Barcelone, on y revient), en passant par la Belgique et la Suisse. Mais ce n’est pas tout. Par le biais d’Emile Ntamack et de la "Stade Toulousain Académie", des stages estampillés "Performance" ou "Excellence" sont organisés tout l’été. Si bien que ce ne sont pas moins de 200 jeunes qui se retrouvent sur les terrains chaque semaine ! Durant huit semaines… le club fait ainsi d’une pierre deux coups puisque ces stages sont payants.

Si la marque Stade Toulousain attire (des enfants viennent de Hong-Kong, Casablanca…), Marfaing pense toutefois que cela ne fait pas tout : "Certains talents viennent à nous mais il faut aller les dénicher aussi. Il ne faut pas se contenter d'attendre. C'est vrai qu'avec les résultats du Stade Toulousain depuis des années, ça donne envie de jouer ici. Mais ailleurs en France, ça travaille aussi, ça bosse beaucoup". Peu de talents passent tout de même entre les mailles. L’exemple du pilier Joël Merkler (22 ans), qui a fait ses premiers pas en équipe première la saison dernière, est frappant. "Pour moi, c'est vrai que son parcours me marque particulièrement puisque c'est un gamin qu'on a découvert dans un petit club de la banlieue de Barcelone, qui s’appelle Sant Couga, avec lequel on a un partenariat".

Vous l’aurez compris, arrivé presque de nulle part, Merkler, international espagnol, qui sera remplaçant face aux Harlequins, a grillé la politesse a pas mal de monde ces derniers mois. C’est le principe du "poussez-vous de là que je m’y mette" si le talent l’exige. "On avait récupéré deux, trois joueurs, dont Joël, qui lui était arrivé sur des catégories plus jeunes explique Marfaing. Mais il avait un profil un peu atypique : un peu grand, longiligne, 2nde ligne, pilier, on ne savait pas trop. Puis on a rapidement décidé qu'il fallait qu'il bascule sur un poste de pilier". Avant de percer, il est allé chercher de l’expérience en Fédérale 1, l’équivalent de la 5e division, au FCTT, club évidemment partenaire.

Equipe la plus performante lors des doublons, avec les jeunes

Autre volet de la réussite toulousaine, le jeu décliné et le partage entre les entraîneurs. Le staff actuel dicte les principes de jeu à l’ensemble du club et les entraîneurs du secteur professionnel ont tous été, saisons après saisons, à la tête de l’équipe espoir durant leur apprentissage. Thuery avec Poitrenaud, Lacombe avec Thuery et Bouilhou, Kaino et Lacombe et dernièrement le même Kaino avec Mélé. "Ce lien sur la catégorie espoir avec des entraîneurs qui sont à la fois sur le secteur professionnel et sur les espoirs est important, souligne Virgile Lacombe, actuel entraîneur des avants de l’équipe première. Pour le coup, ils sont très exigeants avec nos jeunes joueurs et essaient au maximum de les préparer déjà aux entraînements. Et puis après, à matcher le plus vite possible. Parce qu’on sait très bien qu’avec le nombre de joueurs internationaux que l'on a au club, ils seront rapidement exposés".

Toulouse l’a démontré lors du dernier Tournoi des Six Nations. Traditionnellement plus gros pourvoyeur du quinze de France, cela n’a pas empêché l’équipe d’être la plus performante du Top 14 lors de cette fameuse période des "doublons" (23 points sur 30 possibles). Avec les Cramont, Boubila, Vergé, Castro-Ferreira, Merkler, Mallez, Labarthe, Gourgues ou Costes, les Toulousains ont dicté leur loi au Racing, à Clermont et passé des bonus offensifs à Bayonne ou Oyonnax. Avec une certaine soif de jeu maintenue. "C'est l’identité du club parce que même sur les tout petits, on incite à ce qu’il y ait du jeu, à ce qui y ait du mouvement, à ce qu’ils prennent des initiatives appuie Lacombe. Même si vous allez voir les moins de 8 ans, le moins de 10 ans, au début, ils ne seront peut-être pas trop efficaces sur les plaquages et sur les phases de combat. Par contre, ils vont essayer de faire vivre le ballon, de de tenter des choses. Et c'est vrai que le club ne veut pas brider les joueurs dans cette prise d'initiative et ça se retrouve peut-être après sur l'équipe professionnelle quand ils viennent s'exprimer avec nous".

"C'est la philosophie de jeu qui est perpétuée des grands jusqu'aux plus petits et qui est enseigné aux plus jeunes", confirme Romain Ntamack. "Voilà, la permission de se tromper. C'est ce qui fait aussi qu’on peut s'exprimer librement sur le terrain et qu'on n’a pas peur de tenter les choses sans se le faire reprocher derrière."

"Moi, c’est ce qu'on m'a appris depuis petit, ce qu'on m'apprend toujours aujourd'hui en équipe une. Donc je pense que c'est vraiment la philosophie du club dès le plus jeune âge. Et c'est sûrement pour ça que ça marche aussi bien". Et toujours en fil directeur cette idée de jeu qui fait que, cela n’a échappé à personne, quand Toulouse enclenche ses mouvements, la créativité et l’adaptation sont au rendez-vous.

"Le jeu, c'est une trame selon Paul Costes, dernière sensation de la formation toulousaine. Dans cette formation, on dit qu'on a un numéro dans le dos mais comme le disait “Juanchi” (Juan Cruz Mallia) justement, une fois qu'on est sur le terrain, à part sur lancement, on n’a plus de numéro dans le dos. L'ailier est amené à se retrouver à la place du centre, le centre à la place du 10, c'est comme ça que ça tourne et ça fait la force du club. Dès le plus jeune âge, on est amené à jouer des situations". Avec la dernière touche des entraînements communs d’une cinquantaine de joueurs à disposition, pour beaucoup d’Espoirs ou de joueurs plus jeunes à fort potentiel.

"Le jour où on croit qu’on est les meilleurs, c’est déjà qu’on est en retard"

"On essaye effectivement de vite savoir quels sont les hauts potentiels du club, à partir des cadets jusqu’aux équipes espoir" confirme Virgile Lacombe. Si bien que l’adaptation ne semble pas être un obstacle démesuré pour ces joueurs. "Il a fallu pour chacun d'entre nous, jeunes joueurs, un pépin à un moment donné d'un mec à notre poste pour qu'on puisse jouer, poursuit Costes. Mais après, on a quand même la faculté à s'entraîner avec eux depuis très longtemps. Je n’étais même pas au centre de formation que je m'entraînais déjà un peu avec eux. Donc ils nous mettent les pieds dedans pour pas que l’on joue notre premier match lors de notre première semaine d'entrainement".

Il n’y pas que des élus. D’autres éléments, les Tedder, Iribaren, Page-Relo, Castets, Colonna, Verhaeghe, Chalureau, Lamerat ou Baget, pour ne citer qu’eux, ont dû quitter la mamelle toulousaine pour se faire une place et briller dans le rugby professionnel. Mais de Michalak à Costes, en passant par les Poitrenaud, Médard et Ntamack, le Stade Toulousain peut se féliciter de régulièrement sortir des talents qui participent aux lignes du palmarès. Mais pas trop longtemps, prévient l’experimenté Michel Marfaing… "on peut toujours s’améliorer. Le jour où on croit qu’on est les meilleurs et qu’on maîtrise tout, c’est déjà qu’on est en retard ".

Wilfried Templier