RMC Sport

Tournoi des VI Nations féminin: qui est Manae Feleu, la jeune et expérimentée capitaine des Bleues

La deuxième ligne de Grenoble n’a que 24 ans mais a déjà vadrouillé sur de nombreuses pelouses de rugby. Elle revient pour RMC Sport sur sa récente nomination en tant que capitaine du XV de France féminin.

A peine 24 ans et déjà un CV impressionnant! Manae Feleu est formée à l’Afili Rugby Futuna, club fondé par son père Nisié et où ont débuté le pilier et le trois-quart tricolores Sipili Falatea et Yoram Moefana. A 14 ans, elle quitte Futuna pour aller au lycée en Nouvelle-Zélande et joue au Havelock North Rugby, à l’est de l’île du Nord. Elle s’envole à 17 ans pour la France métropolitaine, direction Dijon puis Grenoble.

Appelée en équipe de France depuis novembre 2020, la deuxième ligne est nommée capitaine en octobre dernier par les sélectionneurs Gaëlle Mignot et David Ortiz. Elle doit alors mener les Bleues au WXV, le nouveau tournoi international qui a eu lieu en Nouvelle-Zélande cet automne. Les Françaises avaient frappé fort en battant les Black Ferns d’entrée (18-17) mais se sont ensuite inclinées face à l’Australie (20-29) et contre le Canada (20-29) pour terminer avant-dernières.

Ce qui ne dissuade pas le staff tricolore de reconduire Manae Feleu (13 sélections) comme capitaine des Bleues pour le Six Nations 2024. Tout ça en parallèle de sa saison d’Elite 1 avec les Amazones de Grenoble et sa cinquième année de médecine. Entretien.

Qu’est-ce que ça fait d’être nommée capitaine du XV de France?

Ma première émotion, c'est d'être surprise! Et puis très vite après, honorée qu'ils aient pensé à moi pour ce rôle. Je n'aurais pas pensé qu'ils me le proposeraient, tout simplement. Je trouve qu'il y a des filles qui ont beaucoup d'expérience, on a beaucoup de leaders dans l’équipe et je ne me serais pas prise moi en premier pour le capitanat. J’ai été hyper honorée.

Vous entrez dans la longue lignée des jeunes capitaines de l’équipe de France féminine. Ce n’est pas trop difficile de s’imposer dans un vestiaire où vous n’êtes pas la plus ancienne?

Je pense que ça dépend de l'approche que l’on a. Je ne cache pas que ça m'a fait peur parce que j’avais des filles à côté de moi qui étaient très expérimentées et je trouvais qu'elles étaient plus légitimes que moi. Il faut juste savoir se placer dans le groupe, savoir reconnaître que des filles étaient là avant, des filles qui ont plus d'expérience que toi. Il faut savoir aller vers elles, leur demander comment elles ont fait. Gaëlle Hermet a été capitaine très jeune comme moi, je suis très vite allée vers elle. Elle a été trop sympa avec moi, on en a beaucoup parlé. Elle a partagé son expérience, son ressenti, elle m’a donné plein de conseils qui m’ont vraiment mise en confiance. C’était aussi le cas avec les autres leaders de l’équipe. Elles m’ont toutes accompagnée dans le rôle, je ne me suis jamais sentie seule. L’avantage quand tu es jeune, c’est que les gens savent que tu as beaucoup à apprendre et quand tu montres que tu as envie d’apprendre, ils t’aident assez naturellement.

"Quand tu pars de chez toi à 14 ans, il faut devenir indépendante assez vite"

Est-ce que votre parcours déjà très complet de Futuna à Grenoble en passant par la Nouvelle-Zélande a joué dans le choix des entraîneurs de vous nommer capitaine?

On n'en a jamais parlé. Ce sont surtout des choses qui ont joué dans ma personnalité. Le fait d'avoir vécu dans différentes cultures m’a forgé un esprit assez ouvert. J’ai été mature assez tôt. Quand tu pars de chez toi à 14 ans, il faut devenir indépendante assez vite. Je pense que ces choses-là m’ont aidée dans le capitanat. J'ai gardé de la sérénité à des moments où j’aurais pu me dire: "Oh purée! Qu’est-ce que je fais? Qu’est-ce qu’il se passe?". La culture des îles ou la culture néo-zélandaise m’ont beaucoup appris à prendre du recul, à aller chercher de l’aide quand il le faut et à ne pas rester dans son coin avec ses soucis.

Est-ce que vous vous voyez comme la capitaine d’une nouvelle ère? Celle qui va mener les Bleues jusqu’à la Coupe du monde en Angleterre en 2025?

Toute personne nommée capitaine du XV de France est fière. Quel que soit le contexte, ce rôle n’est pas donné à tout le monde, c’est un privilège. Je ne dirais pas que c’est encore plus une fierté parce que l’on entame un nouveau cycle. Je ne sais pas si je serai la capitaine à la Coupe du monde. En tout cas, c’est déjà une énorme fierté de participer à la construction et à l’évolution de ce groupe.

Vous menez une équipe de France largement remaniée depuis la Coupe du monde 2022 en Nouvelle-Zélande. On a senti au Mans face à l’Irlande la volonté de mettre en place un jeu très offensif. C’est ça la nouvelle identité des Bleues?

C’est l’identité de toutes les équipes de France de rugby. Le "French Flair", comme on dit dans toutes les autres nations. C’est ce que les gens aiment regarder, un rugby imprévu, des actions qui viennent d’un ressenti entre joueuses. On en a parlé entre nous, si le rugby plaît aux gens qui le regardent, ça ne peut que nous aider à faire parler du rugby féminin. Mais avant tout, nous sommes des joueuses qui aimons tout simplement jouer à la balle et qui adorons faire vivre le ballon. On veut faire ressortir ça sur le terrain.

L’Irlande était, sur le papier, l’équipe la plus faible du Tournoi. Ce samedi, vous allez affronter des Ecossaises qui se sont imposées au pays de Galles le week-end dernier et qui joueront à domicile. Faut-il s’attendre à un jeu moins décomplexé côté français?

Pas forcément. La volonté est toujours la même. On va essayer de gommer ce qui n'est pas passé face à l'Irlande mais on veut mettre du jeu et faire vivre le ballon. Ça c’est sûr.

L'Angleterre s’annonce encore comme votre grande rivale dans ce Tournoi. Vous les jouerez à Chaban-Delmas le 27 avril. Comment envisagez-vous cette potentielle finale?

Pour l'instant, je ne préfère pas trop en parler. Les Anglaises, on le sait, sont dominantes depuis quelques temps. Mais les équipes autour deviennent aussi de plus en plus dominantes. Il ne faut pas que l’on tombe dans ce piège. Il faut vraiment que l’on prenne les matchs les uns après les autres. On a bien vu la semaine dernière que l’Irlande n’avait pas le même visage que l'an passé. Plus ça va aller, plus ce sera le cas. Ce sera pareil en Ecosse. Tant mieux pour le rugby féminin et pour nous.

Winny Claret