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Mondiaux de ski: Clarey, la valeur malgré le nombre des années

Il a eu beau fêter ses 42 ans le 8 janvier, Johan Clarey n’en reste pas moins l’un des tous meilleurs skieurs de la planète. Ce dimanche à Courchevel, il nourrit de beaux espoirs de médaille pour l’une des toutes dernières courses de sa carrière, la descente des championnats du monde. Pour lui qui n’a jamais gagné au plus haut niveau en dépit de 13 podiums (Coupe du monde, JO et championnats du monde confondus), un titre sonnerait comme la récompense ultime de tous points de vue.

Le 17 décembre dernier à Val Gardena en Italie, Johan Clarey a bien cru que son heure était arrivée. Il a bien cru que ces années passées à occuper la deuxième place des podiums de toutes les plus grandes compétitions de vitesse de la planète allaient se terminer. Vice-champion olympique, vice-champion du monde, trois fois deuxième de la mythique descente de Kitzbühel, il a bien cru qu’il allait enfin pouvoir lever son pied droit une fois supplémentaire pour enfin monter sur le haut de "la boîte" à l’issue d’une descente de la Saslong maîtrisée dans les grandes largeurs malgré une erreur sur le passage clé du Ciaslat.

Mais c’était sans compter encore une fois sur l’un de ses adversaires qui dans un très grand jour allait venir lui chiper le cadeau de Noël déjà posé au pied du sapin. Sans compter sur un Père Fouettard nommé ce jour-là Aleksander Aamodt Kilde qui du bout de sa blonde moustache de viking norvégien allait venir lui souffler la victoire et poser un petit nuage dans le ciel bleu immaculé des Dolomites. "Je suis hyper déçu quand Kilde passe la ligne, je pensais vraiment pouvoir gagner reconnaîtra alors le Tignard au détour d’une accolade pleine de respect et d’admiration mutuelle avec Marco Odermatt, le meilleur skieur de la planète depuis deux hivers. Pour l'instant c'est un peu la déception qui prime."

"Une sixième place ? Je m’en fous !"

Un goût d’inachevé qui est un peu à l’image de la carrière de Johan Clarey. Souvent placé, parfois sur le podium, mais jamais gagnant au plus haut niveau en dépit d’un talent évident. A Val Gardena, son coéquipier Blaise Giezendanner avait les boules pour "Yoyo". "A chaque fois il tombe sur un adversaire qui fait une course stratosphérique. Je le connais, je sais qu’il aura de regrets s’il ne gagne pas une course dans sa carrière. Il en reste quelques-unes, je sais qu’il en a coché sur son calendrier." Et parmi les courses cochées dans un hiver aux contours minutieusement définis, il y a forcément ce dimanche la descente des championnats du monde de Courchevel. Il espère, vers midi voir s’afficher la couleur verte sur l’écran géant de l’aire d’arrivée au Praz, synonyme de très bonne performance. D’ailleurs Johan Clarey ne s’en cache pas, il n’est là que pour ça.

"Sportivement parlant évidemment le seul bon résultat c’est une médaille. Une 6e place ? Je m’en fous !" Pourtant face aux monstres sacrés de la discipline, le Norvégien Kilde, le Suisse Odermatt ou l’Autrichien Kriechmayr, Clarey sera plutôt dans la peau de l’outsider sur l’Eclipse, une piste forcément moins inspirante pour lui que la Streif de Kitzbühel qu’il connaît par cœur et maîtrise sur le bout des doigts. Johan Clarey, après l’avoir d’ailleurs pratiquée pour la première fois en Coupe du monde en mars 2022, n’en garde pas un très bon souvenir et a laissé entendre qu’elle ne lui convenait pas. Une affirmation balayée d’un revers de la main par l’entraîneur principal de l’équipe de France de vitesse masculine Xavier Fournier-Bidoz. "Il dit que la piste ne lui convient pas, mais moi je vous le dis, il y a une bonne partie tout le haut qui lui convient très bien. C’est vraiment une partie où il va aller assez vite je pense. En bas il faudra voir en fonction du tracé s’il est plus ou moins technique, mais ce sera très ouvert."

"A la limite d’exploser"

Quoi qu’il arrive, et après avoir dû se retirer des pistes quelques jours à la mi-janvier suite à un drame familial sur lequel il n’a pas voulu s’épancher, Johan Clarey arrive à Courchevel avec beaucoup de sérénité. "Honnêtement je ne suis pas stressé, je suis hyper excité de venir ici et déterminé aussi ça c’est très important, prévient le très costaud Tignard. Car il va falloir que je sois déterminé pour faire quelque chose, donc je ne viens pas là pour me faire plaisir. Il va falloir que je sorte le mode guerrier car ça va être un gros combat." Un combat pour lequel il s’est beaucoup reposé la semaine dernière se contentant de ne skier qu’une journée. Car le poids des années finit aussi par lourdement peser sur les spatules de Johan Clarey.

S’il a réussi à monter à deux reprises sur le podium cet hiver en Coupe du monde, il n’en a pas moins la quasi-certitude "à 99%" d’arrêter en fin de saison, et ce quel que soit son résultat dimanche. Car lancés sur un fil à 120 voire parfois 150 kilomètres par heures, les descendeurs pratiquent un sport hautement dangereux qui demande une implication de tous les instants. "Si on est plus capable de mettre de l’engagement, notamment psychologique, ça devient très dangereux, explique Clarey. Personnellement à mon âge il y a des jours où c’est super dur, où je n’arrive plus à passer outre, et c’est pour ça que je vais arrêter en fin de saison. Je ne veux pas faire la saison de trop. Je sais que je suis à la limite d’exploser, il y a des matins où ça m’est arrivé de me demander ce que je faisais là à 42 ans. J’arrive au bout et c’est bien de s’arrêter là."

Vice-champion olympique à Yanqing l’an passé en Chine, Johan Clarey marquerait encore un peu plus l’histoire du ski en montant ce dimanche sur le podium à Courchevel. Plus vieux skieur sur un podium olympique et sur un podium de Coupe du Monde, il porterait à 42 ans et des poussières l’âge maximum d’un skieur sur un podium des championnats du monde, et cela devant le public français de Courchevel, à vingt bornes à vol d’oiseau de sa station de Tignes. Et Blaise Giezendanner plein d’espoirs de conclure : "C’est Benjamin Button, plus il vieillit mieux il est. Je n’attends qu’une chose, c’est qu’il gagne, et quand ça arrivera on va tous chialer, c’est sûr."

Arnaud Souque, à Courchevel