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"Ça ne me dit pas": Alaphilippe annonce ne pas envisager de faire le Tour de France

Dans un entretien radio accordé ce vendredi à RMC Sport et France Info, Julian Alaphilippe se confie sur un début de saison en dessous de ses attentes. Refroidi et même intimement touché par la chute de Wout Van Aert mercredi sur A Travers la Flandres, le double champion du monde reconnaît ne pas attendre de miracle dimanche sur le Tour des Flandres. Il s’avoue également "fatigué" des nombreuses critiques de son patron Patrick Lefévère, et n’a pas non plus l’intention de s’aligner sur le Tour cet été malgré les sollicitations de son coéquipier Remco Evenepoel.

Comment vous sentez-vous en vue de dimanche?

Je me sens bien, relax, je pense être dans une bonne approche avant le Tour des Flandres dimanche, il n’y a rien que je peux changer même si on n'a pas les résultats espérés. J’ai couru mercredi sans grand succès mais en passant à travers les chutes et en étant pas trop loin dans le final ce qui était déjà une bonne chose.

Il vous manque quoi pour lutter avec les meilleurs?

Si on le savait ce serait différent. On aura un plan dimanche et on donnera tout pour faire la plus belle course. Il ne faut pas pleurer sur son sort. Y’a pas de secret, ça se fera à la jambe, à nous de répondre présent. Mathieu (van der Poel), c’est clairement le favori. Je me sens pas mal. Les autres sont juste plus forts. Je donne le maximum, je ne suis pas nul, je sens que ça va, c’est juste que le nioveau global est relevé et c’est compliqué collectivement de se retrouver

En 2020, vous étiez arrivé favori pour votre premier Tour des Flandres avant de vous casser la main. Comment vivez-vous aujourd’hui de ne plus l’être? Etes-vous un outisder?

Même pas, c'est un grand mot outsider. Il y a beaucoup d'outsiders. Peut-être que j'en suis un, oui, mais je viens avec l'ambition de faire un résultat. Donc peut-être que oui, je peux me considérer comme un outsider, mais je me considère surtout un coureur qui doit donner le maximum et aller chercher le meilleur résultat possible. Je n’ai pas envie de me situer dans la hiérarchie des coureurs actuels, je m'en fous de tout ça. Je sais que le niveau est très relevé, qu'il y a des coureurs qui sont très très très forts. Il y a un grand favori qui est Mathieu Van Der Poel, pour le reste, on est concentré sur ce qu'on a. Je sais qu'on doit s'adapter parce que on est loin d'être les favoris et qu’on va avoir du mal à gagner mais on va donner le maximum

Même cette bonne place sur Milan San Remo mi-mars ne vous donne pas quelques espoirs?

Oui, ça reste un objectif que je me suis fixé un jour de gagner le tour des Flandres. Après j'ai l'impression quand je vois les dernières semaines que c'est un rêve qui s'éloigne de plus en plus. Mais il faut toujours y croire. On est au départ, on doit penser qu’on peut y arriver sinon ça ne sert à rien si on part avec la "dep". Non c'est encore plus dur et c'est pas comme ça qu'on qu'on va vers l'avant. Donc oui on est là pour essayer de gagner la course et on va donner le maximum et faire aussi avec les jambes qu'on aura parce que c'est un peu ça qui fait la course.

Dans quelles mesures les chutes et notamment celle mercredi sur à Travers la Flandre, impactent votre façon de courir? On a peur, notamment vous après cette grave chute sur Liège Bastogne Liège en 2022?

Peur, c'est un grand mot. Mais oui moi j'ai beaucoup plus d'appréhension qu'avant. Mercredi c'était terrible en fait. Je ne suis pas passé loin et j'ai fait un peu d'équilibre pour pas tomber parce que j'étais complètement à gauche et je voulais remonter Paul Magnier en tête de peloton. Juste le bruit en fait, ça me fout des frissons rien que d'en parler. Je suis assez tombé ces dernières années et je sais ce que c'est à cette vitesse, je sais ce par quoi les mecs qui sont par terre vont passer quoi oui ça refroidit. J’ai fait un message à Wout Van Aert, mais il y a d’autre coureurs. Le cyclisme est un sport cruel qu’il demande beaucoup de sacrifices, beaucoup de travail, et tout peut s’arrêter comme ça sur une chute. Tout s'effondre.

Comment voyez-vous ça? Ça peut vous empêcher de prendre des risques pour aller chercher un bon résultat?

Il faut être mesuré en fait, il y a risque et risque honnêtement cette chute-là mercredi elle aurait pu être évitée. On est loin de l'arrivée, on arrive avec beaucoup de vitesse. On sait qu'il faut faire attention parce que on arrive de 70, 80 km heure, on tourne à droite sur un petit chemin. On sait que ça ne passera pas pour tout le monde. Et encore, c'est tombé avant le virage, donc c'était vraiment à pleine vitesse.

Comment expliquer cela?

Tout va beaucoup plus vite et tout le monde a les mêmes ordres au même moment. Toutes les équipes doivent être placées au même endroit stratégique car on sait très bien que si c’est une autre équipe qui prend les choses en main, il y a de grandes chances que ça fasse la sélection en sa faveur. Du coup il y a un stress et une pression qui s'instaure dans le peloton et qui est pour moi dure à supporter en fait, parce que c'est tu sens qu'à chaque moment. C'est chiant en fait.

Vous semblez presque résigné ou en tout cas moins déterminé...

Ouais c'est vrai, mais je le ressens aussi. C'est la réalité tout simplement. Je n’ai pas eu le début de saison que j'espérais. J'étais je pense vraiment sincèrement bien parti sur les Strade Bianche, où avant de tomber j'avais des sensations que je n’avais pas eu depuis longtemps sur un vélo. La chute m’a vraiment mis un coup derrière la tête, j’ai mis du temps à aller mieux.  Mes jambes sont là malgré tout, loin d'être extraordinaires mais elles sont là. Donc j'espère faire une belle course. Je sais qu'il y aura pas de miracle mais je donnerai le maximum ça c'est une certitude.

Dans quelle mesure les critiques, par médias interposés, avec votre patron Patrick Lefévère vous ont-elles touché mentalement et impacté dans vos performances?

J'ai réussi vraiment à m'en détacher au maximum comme j'ai souvent l'habitude de faire. Après ça m'a plus fait chier pour Marion (Rousse, son épouse) qui, elle, n'a rien demandé et qui n’aime pas du tout être dans les histoires. Elle n’a pas apprécié être mêlée avec des propos comme ça qui étaient inutiles et qui avaient pas de de sens. Certaines choses sont censées être personnelles, et c'est un peu chiant quand c'est tout le temps que ça sort. Alors que ça n’a pas lieu d’être. Mais pour moi, non, je m'en suis détaché. Je m'en fous en fait.

La question est délicate mais est-ce que vous considérez que c’est une forme de harcèlement?

Non, non. Ce n’est même pas délicat. C'est que sincèrement je suis fatigué de ça, du coup je m’en fous. La seule chose que je peux faire, c'est faire bien mon travail et je le fais très bien, du mieux que je peux, en tout cas depuis de nombreuses années et à partir du moment où je me sens comme ça le reste, je m'en moque. Ce qui m'importe, moi, c'est que mon fils soit en bonne santé et que je fasse mon métier du mieux que je peux. Le reste, on pourra toujours me critiquer, on pourra toujours dire, "ah, il a gagné là, maintenant il avance plus"… C'est comme ça, je donne le maximum tous les matins, je vais m'entraîner dur et. Et voilà.

Avez-vous envie de faire le Tour de France cet été?

Non. Non non. C'est prévu déjà depuis longtemps que je sois aligné sur le Giro. Je vais terminer ma campagne de classique dimanche avec quelques jours de repos et j'ai déjà réservé un hôtel en altitude en Andorre pour une vingtaine de jours pour me préparer. Donc je suis content d'aller découvrir le Giro et je pense qu'après je pourrais penser à la suite de la saison.

Mais vous n’y pensez pas ou ça ne vous dit pas d’y aller?

Ça ne me dit pas. Je pense que ça sera beaucoup.

Les Jeux, vous y pensez?

Ouais j'y pense cependant c'est un peu loin et tout ce qui est deuxième partie de saison, j'y pense vraiment qu'une fois que la première partie est passée. Mais c'est clair que ça serait une fierté. Ouais c'est un objectif d'y participer mais c'est surtout un objectif d'être à 100% pour y aller quoi. Ce n’est pas juste pour avoir le teeshirt de l'équipe de France que je vais y aller. Je veux qu'on ait un groupe capable de gagner et là si je parle à l'heure actuelle, je n’ai pas envie d'y aller. Non parce que je pense que je ne me sens pas à 100%. Mais on n'y est pas encore, on verra après le Giro.

Propos recueillis par Arnaud Souque, à Turnhout (Belgique)