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Natation: le grand huit mondial de Charlotte Bonnet à Doha

En lice à Doha pour les Mondiaux de natation, Charlotte Bonnet va signer un nouveau record pour une nageuse française en disputant ses huitièmes championnats du monde en carrière. Elle raconte à RMC Sport ses souvenirs mondiaux.

Elle a traversé les époques, le faste, les disettes, et le renouveau de la natation française. Charlotte Bonnet, 29 ans, va disputer - à partir de dimanche et jusqu'au 25 février à Doha - ses huitièmes championnats du monde. Un record pour un nageur ou une nageuse tricolore. A Doha, la Niçoise triple championne d’Europe en 2018 s’alignera pour la dernière fois sur cette compétition planétaire (sur 200m 4n, 100m nl et 50m brasse), elle qui prendra sa retraite à l’issue des Jeux olympiques de Paris.

Une première participation en 2011, à seize ans seulement avec ses copines du relais 4x200m nl avec qui elle décroche une médaille de bronze en 2013. Des déceptions souvent sur sa course fétiche du 200m nl où elle atteint quatre fois la finale sans jamais réussir à monter sur le podium. Des joies souvent collectives. « Séquence nostalgie" comme le glisse la capitaine de l’équipe de France dans un sourire avant d’accepter de replonger dans ses souvenirs de ces sept mondiaux… Et son huitième et ultime à venir.

Shanghai 2011: il est frais mon poisson, il est frais!

"Je m’en souviens parce que quand je me qualifie pour la première fois aux championnats de France, je suis déçue de mon chrono. Mais je me rends compte vite que je suis qualifiée pour les championnats du monde, mes premiers ! C’est ma première compétition avec les séniors en équipe de France et je suis trop contente. Je me souviens aussi que je me dis que je vais aller en Chine, que je vais traverser le monde et aller dans une compétition à l’autre bout de la planète, ça fait rêver. Je m’en souviens comme si c’était hier! En plus j’avais fait une sorte d’intégration face à l’équipe de France avec Florent Manaudou qui était mon binôme. On avait fait un sketch devant toute l’équipe de France. J’étais une poissonnière et lui c’était le client qui venait acheter son poisson. On avait des réparties l’un et l’autre pour 'clasher' les membres de l’équipe de France. C’était assez cool et c’est passé, ça a été validé par l’équipe (rire)."

Barcelone 2013: un relais et des piliers

"Mon meilleur souvenir sur des championnats du monde. Pour cette médaille de bronze que je partage avec les filles sur le relais 4x200m nl. Des copines dans la vie de tous les jours, Camille Muffat, Coralie Balmy, Mylène Lazare qui sont mes piliers, mes amies de toujours. On fait cette médaille avec les filles. On venait d’être médaillées aux Jeux à Londres donc pour nous il y avait clairement l’ambition de l’être aussi l’année d’après aux championnats du monde. On avait une équipe de dingue. Avec les autres filles on est allé la chercher cette médaille!"

"Et puis il y a ce souvenir qu’il y avait beaucoup de français dans les tribunes du Palau Sant Jordi. Et surtout pour moi il y avait mes parents qui étaient venus, mon grand père et mon cousin également pour me soutenir. Et au-delà du fait qu’il y avait beaucoup de français, je savais que j’avais ma propre famille. Nager devant eux, et en plus ramener une médaille, ça avait une saveur particulière. Je me souviens que j’avais fait une photo avec eux et ma médaille devant la piscine, c’était vraiment cool. Ça reste gravé."

Kazan 2015: allez… la Suisse!

"Ce n’est pas du tout la piscine temporaire construite dans le stade de foot (45000 places) qui m’a marqué (rire). C’est la qualification olympique de mon copain, qui est devenu mon mari aujourd’hui (Jérémy Desplanches). Lui c’étaient ses premiers championnats du monde et un an avant il peut se qualifier pour les Jeux de Rio. J’avais vécu sa course avec tellement de stress et de fierté. J’étais trop, trop stressée. J’étais dans les tribunes avec mes coéquipiers et je leur disais que oui j’encourageais les Français mais aujourd’hui il y a mon copain qui nage ! J’étais trop fière qu’il se qualifie pour les Jeux olympiques."

Budapest 2017: bof…

"Je ne les ai pas bien vécus ces championnats du monde parce que je suis finaliste mais je ne fais pas une bonne finale du 200m nl (ndlr : elle termine 8ème et dernière d’une finale considérée à l’époque comme l’épreuve reine chez les femmes, avec une incroyable densité). Mes parents étaient venus et quand ma famille vient j’ai envie de les rendre fiers. C’est un peu le défaut que j’ai de penser plus à faire plaisir aux autres qu’à moi. C’étaient des championnats du monde assez incroyable parce qu’il y avait aussi beaucoup de français venus nous encourager. Mais personnellement ce ne sont pas mes meilleurs championnats du monde…"

Gwangju 2019: épaule en vrac… et larmes (de joie) pour Jérémy

"C’était aussi une déception même si je venais de me blesser à l’épaule deux mois avant. J’aurais pu faire forfait mais j’ai tenté un traitement express pour tenir jusqu’aux championnats du monde. Je suis quand même fière d’être rentrée en finale du 200m nl (7ème de la finale), de m’être battue et d’avoir donné tout ce que j’avais sur le moment (elle décroche également la médaille de bronze avec le relais mixte 4x100m nl). Mais je vis aussi une médaille d’argent de mon chéri donc je retiens là aussi plus ses résultats et d’avoir pleuré quand il a touché et qu’il fait deuxième. Je garde plus cette image."

Budapest 2022: l'éclosion du roi Léon

"Ce qui m’a marqué à Budapest c’est le titre mondial de Léon Marchand. Parce que c’est le premier jour et on dit toujours que ce premier jour lance la compétition. Et nous, le premier jour on a déjà un titre mondial donc on était comme des fous ! En plus quasiment toute l’équipe de France était dans les tribunes pour regarder sa course. C’était incroyable l’énergie qu’il y avait. On se disait c’est fou, le mec est jeune il arrive à décrocher une médaille et être champion du monde, c’est un truc de dingue. En plus c’est un mec incroyable. Alors oui il y ma perf perso que j’ai en tête (elle réalise son meilleur résultat avec une 6ème place ex-aequo du 200m nl), mais d’avoir vécu ça avec l’équipe de France dès le premier jour c’était assez fou. J’aime beaucoup le partage des émotions et d’ailleurs les plus beaux souvenirs que j’ai ce sont souvent les médailles que j’ai pu partager en relais. Quand les émotions sont partagées, elles sont décuplées, sensationnelles."  

Fukuoka 2023: oh capitaine, mon capitaine!

"Ce sont mes premiers championnats du monde en tant que capitaine de l’équipe de France. Je retiens d’avoir fait mon premier discours devant une vingtaine de personnes et même un peu plus parce qu’il y avait le staff aussi. Je ne sais pas s’il était bien ou pas (rire) ce n’est pas à moi d’en juger. Mais en tout cas j’avais cette fierté de me dire 'cette semaine je vais les porter, et ils vont me porter dans mes courses individuelles. Je vais essayer de les porter au maximum et de donner toute mon énergie'. J’ai eu des bons résultats et des petites déceptions aussi parce que c’était la première fois où je ne nageais pas de crawl dans une compétition internationale (elle a délaissé le crawl pour le 4n et la brasse). Un peu de stress et pas forcément le résultat que j’attendais, mais j’ai vécu pleinement cette semaine-là en tant que capitaine. Ce rôle me tient à cœur parce que j’ai l’impression de vivre encore plus les émotions de tout le monde et d’être encore plus dans le partage avec les autres et ça me plait beaucoup."

Doha 2024: profiter des derniers moments

"Ça va être des championnats du monde un peu spéciaux parce qu’il y a beaucoup d’absents. Ces mondiaux sont en février ce qui est assez spécial pour nous, on n’a jamais de compétitions aussi importantes à ce moment-là de la saison. Certains ont fait le choix de ne pas les faire, de partir en stage etc… Moi j’ai voulu les faire parce que ce seront mes derniers et aussi parce que je me suis dit que l’absence de certains qui font partie des meilleurs pourrait peut-être me permettre d’accéder à des belles choses et j’ai envie de profiter de ça. Il faut être humble et se dire que je n’ai pas un niveau assez intéressant au niveau mondial pour me dire que je ne fais pas les championnats du monde alors que je peux aller chercher de belles choses j’espère. J’ai envie de profiter de cette confrontation avant les Jeux."

"C’est aussi la dernière fois pour moi sur des championnats du monde, ce qui me donne envie de profiter de chaque moment! De faire des championnats de France, des championnats d’Europe en petit bassin, des championnats du monde, des stages. Profiter de chaque moment et être encore plus au cœur de mon sport. Profiter des moments avec mes coéquipiers, l’équipe de France etc… Je vais plus axer ces mondiaux sur le 200m 4n parce que je travaille les quatre nages depuis un an et demi et j’ai envie d’aller au bout de ce projet, de voir où ça peut me mener et je me sens vraiment bien en ce moment sur cette distance. Le 100m nl c’est quelque chose que je réapprivoise donc l’idée c’est de voir où je me situe, voir ce que ça peut donner."

Julien Richard et Pierre Thévenet