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Après les tourments et les départs de l’INSEP, l’escrime française à la recherche d'un peu de sérénité

Après des mois marqués par des départs d’entraîneurs, la démission du président ou le choix de certains athlètes, dont Romain Cannone, de s’éloigner de l’INSEP, la Fédération Française d’Escrime veut faire bloc. Alors que les Coupes du monde reviennent ce week-end, l’escrime veut retrouver stabilité et sérénité.

Depuis la rentrée, la salle d’escrime de l’INSEP s’est quelque peu vidée. La crise traversée par la discipline, avec en point d’orgue la démission du président de la Fédération Bruno Gares le 29 septembre, a laissé des traces. Six escrimeurs de l’équipe de France ont décidé de s’éloigner du pôle France, et ont privilégié leurs clubs ou d’autres structures. En cause: des désaccords et des conflits internes ces derniers mois, qui finissent d’être réglés à l’approche des premières Coupes du monde de la saison.

Romain Cannone, Yannick Borel et Alexandre Bardenet s’éloignent de l’INSEP

A l’épée hommes, le paysage a particulièrement changé ces dernières semaines. RMC Sport peut confirmer que le champion olympique en individuel à Tokyo Romain Cannone, le champion olympique par équipe et multichampion du monde Yannick Borel et le 8e mondial Alexandre Bardenet, soit les trois meilleurs français, ont pris leurs distances avec l’INSEP. Ils passent désormais plus de temps dans leurs clubs respectifs (Saint-Maur pour Cannone, Levallois pour Bardenet et Borel), à cause d’une relation qui s’est détériorée avec Hugues Obry, l’entraîneur national. Les trois tireurs reprochent à Obry son management et ses méthodes d’entraînement.

"On a eu quelques accrochages en interne et c’est la meilleure solution pour que tout le monde travaille dans un environnement serein, avoue Yannick Borel. Ces soucis nous ont conduits à faire des réajustements."

Le Guadeloupéen continue de faire sa préparation physique à l’INSEP, et partage les leçons d’escrime entre la structure du Bois de Vincennes et son club de Levallois. C’est lui, cette saison, qui devra faire le lien entre les différentes parties. "Tout ça va se mettre en place tranquillement, et surtout de concert. On travaille dans la transparence et la communication, cela s’est passé naturellement. Il faut que tout ça s’imbrique le mieux possible pour que je ne sois pas en surcharge, ou l’inverse. Je ferai le lien entre tout le monde." Un message d’apaisement.

Hugues Obry devrait coacher en compétition

Après une fracture du pied la saison dernière, Yannick Borel a aussi voulu "sortir de [s]a zone de confort", avoir des retours différents. "Le confort c’est d’aller à l’INSEP. Je connais mon trajet, mes adversaires, mes partenaires d’entraînement, mes entraîneurs. Là, je réapprends des choses, je prends en main mon projet", ajoute-t-il. Son entraîneur en club Georges Karam (qui est aussi celui d’Alexandre Bardenet) a retrouvé un homme motivé.

"On bosse de la leçon, on fait des retours vidéo, on va plus loin dans les sujets, explique-t-il. Mon but est de les emmener de manière douce pour les convaincre qu’on doit tendre vers ça ou ça. On est dans du détail." Georges Karam devrait rencontrer l’encadrement de l’équipe de France pour élaborer "des planifications les plus cohérentes possibles".

"On ne veut pas faire les choses dans notre coin", ajoute l’entraîneur.

Vue cette situation particulière, la Fédération et la direction technique nationale planchent depuis plusieurs semaines pour trouver les bons équilibres. Hugues Obry est certes contesté chez les Bleus, il aurait pu être écarté mais a finalement conservé la confiance de ses supérieurs. L’intéressé se savait en danger, mais au sein même de la FFE, on explique que le démettre de ses fonctions n’a "jamais été une option". Il sera donc là à Berne (Suisse), ce week-end, pour coacher les Bleus. Même ceux qui ont souhaité s’éloigner de lui.

"On ne prendra pas la place de l’entraîneur national, appuie Georges Karam, qui sera absent à Berne mais viendra sur les autres rendez-vous majeurs. Le but est que tout se passe bien, que les choses avancent dans la bonne direction. Priorité d’abord au staff national. On doit laisser au manager ses missions." Lui aura un rôle plus secondaire lors des assauts. Ce sera aussi le cas, si l’accord est respecté, pour Romain Cannone et Alexandre Bardenet.

Vincent Anstett et "le petit goût amer"

Les trois autres escrimeurs à s’être éclipsés de l’INSEP sont sabreurs. Il s’agit du vice-champion du monde Maxime Pianfetti, de Sébastien Patrice et de son frère, Jean-Philippe Patrice. À la rentrée, les trois hommes ont rejoint la Paris Fencing Academy, une structure créée cet été par Vincent Anstett... entraîneur de l’équipe de France jusqu’au printemps dernier. Mais il avait été écarté, contre l’avis des tireurs, pour des raisons officielles de "management", officieusement car le courant ne passait pas avec certains dirigeants tout comme avec son adjoint Pierre Mione, devenu un concurrent.

"J’ai fait le deuil. Forcément, ça a été compliqué au moment où ça s’est passé mais j’ai tourné la page", confie aujourd’hui Vincent Anstett.

"Quand c’est injuste, on a toujours forcément un petit goût amer. Le travail avait été bien fait, on avait les meilleurs résultats depuis quinze ans mais d’autres enjeux sont entrés en ligne de compte. Cela ne remet pas en cause tout le travail mis en place depuis deux ans et qui avait porté ses fruits. J’aurais aimé mener cela à terme, mais on s’adapte." Pianfetti et les frères Patrice s’entraînent désormais dans les locaux du Cercle d’Escrime de Vincennes ou du PUC.

Le sabre masculin, équilibre à trouver

Ils sont quasiment tout le temps en compagnie d’escrimeurs égyptiens, puisqu’Anstett est maintenant en charge de l’équipe nationale d’Égypte. "Cela nous permet de mettre en commun les entraînements, l’opposition. Ce n’est pas ouvert à d’autres pays, on se limite à ça car on veut être qualitatifs. Le but est de se concentrer sur les Français qui préparent les JO et l’équipe nationale égyptienne qui a aussi ses objectifs, explique Vincent Anstett. Ils seront quasiment tout le temps en simultanée sur les stages, soit en France, soit en Égypte. C’est un petit groupe qui va vivre ensemble." Jusqu’à la semaine passée, les sabreurs n’avaient toujours pas partagé de séances à l’INSEP avec les autres membres de l’équipe de France.

"Maxime, Sébastien et Jean-Philippe ont émis le souhait de retravailler avec moi pour avoir une certaine continuité pour préparer les JO. C’est toujours difficile de changer de staff à un an des Jeux. On va évidemment travailler avec l’INSEP, rassure Anstett. L’idée, c’est qu’ils puissent garder un contact avec le groupe France, qu’ils puissent faire des séances de préparation ou d’assauts, par moment, avec ce groupe. On est encore en phase de discussion avec la Fédération mais on veut maintenir les athlètes dans un contexte où ils sont quand même dans un groupe France. Ils iront faire à minima une séance d’assaut par semaine lorsqu’ils seront sur Paris pour avoir une variété d’opposition et maintenir un contact avec le staff fédéral. Aussi pour qu’ils puissent être observés, jugés, voir leur évolution."

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Comme pour l’épée, la Fédération a travaillé pour essayer de trouver un compromis lors des compétitions. Qui coachera lors des assauts ce week-end? Vincent Anstett ne savait pas répondre la semaine dernière. Alain Coicaud est l’entraîneur "officiel" des sabreurs. La FFE demande à ce que cela se passe en bonne intelligence. Ce premier week-end de compétition international dira si ce système fonctionne.

Marquer des points en vue des JO

Sur les pistes, les Bleus repartent à la course aux points, en quête d’une qualification olympique par équipe (il faut être classé dans les quatre meilleures nations au 1er avril 2024), qui permet aussi de débloquer trois quotas en individuel. Toutes les armes sont en course et bien placées et il faudra suivre les débuts de Yann Détienne comme entraîneur principal du fleuret féminin, en remplacement de Lionel Plumenail, qui a quitté son poste cet été.

De bons résultats permettraient d’éclipser les remous récents et de valider les choix faits par la Fédération. Même s’il reste notamment un cas à régler, celui du directeur de la haute performance, Frantz Philippe. Remis en cause par certains en interne, il était en arrêt maladie ces dernières semaines, selon nos informations. Et pourrait partir. De son côté la nouvelle présidente de la Fédération, Brigitte Saint-Bonnet, prend ses marques. Un mois après avoir remplacé le démissionnaire Bruno Gares, elle a prévu de prendre la parole publiquement en ce début de semaine.

Valentin Jamin