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Natation: "Ce sera peut-être cent fois pire aux JO", Léon Marchand fait le bilan des championnats de France

Qualifié pour les épreuves de 200m brasse, 200m nage libre, 200m papillon, 200m quatre nages et 400m quatre nages aux championnats du monde (du 23 au 30 juillet à Fukuoka au Japon), Léon Marchand (21 ans) ne s'alignera que sur trois épreuves. À un peu plus de 400 jours des JO de Paris, le Toulousain a pu pleinement se rendre compte de son changement de statut qui "n'a pas été facile", a-t-il avoué ce vendredi matin, au moment de dresser le bilan de sa semaine rennaise. 

Léon, quel bilan tirez-vous de votre semaine de compétition ?

Je pense que j'ai fait deux très bonnes journées avec le 200 mètres brasse et le 200 mètres crawl, où je fais mes meilleurs temps. Après, j'essaie de me qualifier, je gagne mes courses, je fais cinq titres cette semaine donc je suis satisfait. Mais sur le quatre nages, je suis loin de mes temps, donc il y a un peu de déception sur ce côté-là, même si je suis satisfait d'être qualifié aux championnats du monde et d'avoir gagné cinq titres.

Comment avez-vous vécu l'attente autour de vous ?

C'est la première fois que je fais une compétition en France depuis que j'ai changé de statut. Ce n'était pas facile. C'est toujours bien de s'y préparer, mais de le vivre, c'est quand même assez différent. Il y avait pas mal de personnes autour de moi, beaucoup de regards portés sur moi et c'est la première fois que je le vois vraiment en compétition. Ce n'était pas simple à gérer, mais j'en ai profité. Les gens sont contents de me voir, je suis content de les voir aussi, donc c'était assez sympa à vivre. Ça fait partie de mon travail."

Dans quel état physique vous trouvez-vous ?

Je suis fatigué après ces cinq jours très intense. C'est aussi pour ça que je n'ai pas nagé aujourd'hui. Mais c'était un bon entraînement pour la suite.

Qu'est-ce qui a été dur, dans ce que vous décrivez ?

Je ne suis jamais tout seul. Il y a toujours quelqu'un qui me regarde, qui me prend en photo, qui me filme. Je n'ai pas trop l'habitude de ça. C'était la première fois que je le vivais comme ça. Et il faut que je m'y habitue parce que ce sera pire à Paris.

Laure Manaudou va faire une intervention ce soir devant les qualifiés pour Fukuoka (Japon), allez-vous échanger avec elle à ce propos ?

Oui, et j'ai déjà beaucoup échangé avec son frère, Florent. Il m'aide beaucoup parce qu'il a vécu la même chose. Et c'est vrai qu'il faut surtout rester ouvert et essayer de profiter des gens qui sont autour. Il faut vivre le moment à fond et ne pas se prendre la tête.

"Aux JO de Paris ? Je ne sais pas si ce sera cent fois pire, si ça se trouve ce sera la même chose, on verra bien"

Comment allez-vous travailler cet aspect là ?

Je vais continuer ma préparation mentale en vue des jeux de Paris. Je ne sais pas si ce sera cent fois pire, si ça se trouve ce sera la même chose, on verra bien. Ça fait partie de mon entraînement maintenant. Je m'entraîne cinq heures par jour dans l'eau, et il faut que j'entraîne aussi la tête. C'est ce que je fais tous les jours, je m'entraîne, je progresse assez rapidement donc je pense que ça va le faire."

Vous dites souvent que vous avez besoin de défis, de chalenges...

On savait que la première compète en France allait être assez différente de ce que je faisais aux États-Unis. Mais elle s'est passée exactement comme on l'avait préparée, même s'il y a quand même un petit fossé entre le fait de la vivre - en faisant cinq jours de compétition à haute intensité - et la préparer en amont.

Avez-vous pu évaluer combien les à-côtés (le temps passé à faire des photos, signer des autographes) vous coûtent ? 

Je pense que ce sont des moments où on n'est pas vraiment focus sur la performance. Il faut le voir comme un échange, un partage. Quand j'arrive le soir et qu'il y a des gens qui m'attendent, ça fait plaisir. J'essaye de partager les émotions que procure le sport, donc c'est plutôt positif."

Léon Marchand, le 29 juin 2022.
Léon Marchand, le 29 juin 2022. © IconSport

Justement, comment gérez-vous ce genre de moments ?

J'en apprends tous les jours, surtout cette semaine. Mais disons que lorsque je suis arrivé, je ne savais vraiment pas comment les gens allaient m'attendre. Je progresse tous les jours, j'essaye de m'adapter en fonction des journées, de mon mood aussi. Je suis un humain, comme tout le monde. J'ai des émotions assez spéciales, assez différentes. Il y a des moments où j'ai envie, d'autres où je n'ai pas envie et c'est surtout ça qu'il faut que j'écoute." 

Quel pourcentage donneriez-vous à votre fatigue mentale et physique?

Physiquement, je me suis préparé pour cette compétition à nager assez vite. Donc je dois être à 80% de ma forme. Mais je n'ai par exemple pas trop de vitesse sur le papillon. Je n'arrive pas à partir assez vite et relâché. Mentalement, je pense que je dois être aussi à 75 ou 80%. C'est une fourchette, mais je suis quand même bien préparé et j'ai fait des bons temps.

Le 400 mètres nage libre d'hier était votre dernière course avant votre 400 mètres quatre nages des prochains championnats du monde. Que faut-il que vous modifiiez entre celui-ci et celui que vous aimeriez réaliser au Japon ? 

Il n'y avait pas grand-chose de positif dans le 400 mètres quatre nages que j'ai fait hier. Je voulais nager moins de 4'10 et j'ai fait 4'10, donc il y a pas mal de de choses à améliorer. Ce que je vais faire aux championnats du monde, c'est partir plus vite sur les 200 premiers mètres et après, utiliser surtout ma force qui est la brasse, et essayer de finir assez correctement en crawl. Je sens que j'ai progressé en dos donc c'est pas mal, c'est le point positif.

Par rapport à l'adversité cette semaine, vous êtes-vous ennuyé ?

Non, c'était hyper plaisant de faire une compétition en France devant le public français. C'était super cool. Après, j'ai besoin de défis, de challenges. Là, l'objectif était de faire le temps de qualification. J'ai fait ce qu'il fallait, mais il n'y a pas eu le défi en plus qui m'a donné envie de me pousser à fond jusqu'au bout de la course. Sur le 200 mètres brasse, je me suis fixé un défi, c'est pour ça que j'ai nagé très vite. Et pour la suite le but c'était de se qualifier et de répéter les courses à haut niveau.

Ressentez-vous votre impact sur les nageurs de l'équipe de France ? Ce rôle d'exemple qui peut-il être pesant ?

Je le sens, mais c'est plus une influence je pense. Je ne suis pas vraiment un leader dans dans le groupe. On a des capitaines qui savent très bien endosser ce rôle. Flo' (Manaudou) et Mélanie (Hénique) sont très bons en tant que leaders. Moi, je peux l'être par ce que je fais dans l'eau. Le 400 mètres quatre nages, c'est en début de compétition, donc ça peut lancer une bonne dynamique dans le groupe. C'est ce qui s'était passé à Budapest et je vais essayer de faire la même chose au Japon. Ce que je fais de mieux, c'est ce que je fais dans l'eau." 

"Souvent, Bob Bowman me donne les temps que Michael (Phelps) faisait à l'entraînement pour me motiver. Ça me fait du bien de savoir ce qu'il faisait, et j'essaie de faire mieux."

Êtes-vous heureux de retourner au Japon ?

Oui, parce que quand je suis parti au Japon aux Jeux de Tokyo, c'était en plein Covid, on n'a pas pu profiter du pays. Cette année, on part deux semaines en stage à Kanazawa, ça va être sympa. J'adore le Japon, donc je compte bien en profiter : ce n'est que la natation, donc ce sera un petit voyage gratuit (rires). En plus, avec mes potes, avec des gens que que j'apprécie beaucoup. On est six qualifiés de mon club des Dauphins du TOEC (Toulouse), donc je suis hyper content de pouvoir profiter avec eux et de partager cette expérience. 

Estimez-vous être dans les temps pour les championnats du monde ?

Oui, ça va... J'ai fait un mois d'entraînement en altitude donc j'ai beaucoup travaillé. C'était assez difficile de récupérer en une semaine et demie, surtout avec le jet lag et toutes les choses qu'il fallait que je fasse en France. Les temps sont satisfaisants, mais si je nage 4'10 sur le 400 mètres quatre nages, ça ne va pas le faire. Il faudra aller plus vite. Mais je me prépare pour ça tous les jours, donc ça va le faire.

Leon Marchand à Budapest le 22 juin 2022
Leon Marchand à Budapest le 22 juin 2022 © ICON SPORT

Comment votre préparation pour les Mondiaux va-t-elle s'organiser, entre Nicolas Castel à Toulouse et Bob Bowman aux États-Unis ?

C'était la première fois que Nico s'occupait de moi pendant la compétition, ce qui va se répéter aux championnats du monde. Robert (Bob Bowman) sera avec l'équipe USA. Il ne pourra pas me coacher, donc c'était bien de voir comment on s'adaptait avec Nico. On a un petit groupe ensemble et on communique pas mal.

La chasse aux records vous motive-t-elle ?

Non, pas vraiment. C'est une petite cerise sur le gâteau parce que lorsqu'on signe un record, c'est que personne n'a nagé plus vite dans le monde. C'est quelque chose d'assez spécial. Ce n'est pas ce qui me motive, ce n'est pas mon objectif principal, mais je pense qu'il faut que je passe par là pour arriver à ce que je veux. Bob ne m'en parle pas trop. Souvent, il me donne les temps que Michael (Phelps) faisait à l'entraînement pour me motiver. Ça me fait du bien de savoir ce qu'il faisait, et j'essaie de faire mieux.

Propos recueillis par Julien Richard