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Biathlon: comment les Françaises ont surpassé les problèmes extra-sportifs pour devenir la meilleure équipe du monde

Véritables machines de guerre cette saison, les biathlètes françaises réalisent une saison remarquable d’un point de vue des résultats. Une domination confirmée lors des Mondiaux à Nove Mesto, où les problèmes extra-sportifs de l’été semblent à des années-lumières.

La médaille d’or décrochée sur le relais féminin lors des championnats du monde à Nove Mesto est sans doute l’apogée d’une saison exceptionnelle à tous les niveaux. Après une course à rebondissements que seul le biathlon peut nous offrir, Lou Jeanmonnot, Sophie Chauveau, Justine Braisaz-Bouchet et Julia Simon sont allées chercher le premier sacre mondial pour le groupe féminin. Un titre tant attendu dans des grands évènements depuis 32 ans et le titre olympique à Albertville en 1992. Mais surtout, un titre qui vient confirmer les travaux menés depuis plusieurs mois, où tout n’a pas été simple.

La médiatisation de l’affaire de la carte bleue mêlant Justine Braisaz-Bouchet à Julia Simon au début de l’été, seulement quelques mois après le gain du Gros Globe de la dernière, a jeté le trouble sur un collectif en net regain de forme depuis l’arrivée de Cyril Burdet au début de la saison 2022-2023. Isolée du groupe pendant une grosse partie de l’été, Julia Simon a su "transformer cette situation en nouvelle expérience", selon l’entraîneur des Bleues.

"Des histoires comme celle-là peuvent subvenir. Ce sont des cas particuliers à gérer dans une équipe sportive, rappelle de son côté Fabien Saguez, le président de la Fédération Française de ski, auprès d’Eurosport. Et en même temps, il y a un point sur lequel on est clairs, et c'est la loi: tout le monde est présumé innocent chez nous. Cette affaire est là. Je crois que la grande force du collectif, la direction de la Fédération, les élus, les professionnels, le staff, chef d'équipe et entraîneurs, c'est d'avoir mis l'humain au centre du dispositif. C'est assez extraordinaire. Malgré un conflit qui va être réglé par la justice, l'humain a pris le dessus. Et quand on voit le comportement de Justine, Julia et de l'ensemble de l'équipe, la manière de les accompagner a été la meilleure possible."

"Le fait que ce soit dit rend les choses plus simples"

Si la tempête a soufflé très fort, les choses semblent s’apaiser. "C’était compliqué mais le fait que ce soit dit rend les choses plus simples. Il y a des conflits dans n’importe quel groupe de biathlon, de boîtes. On est au courant, tous les problèmes sont écrits sur le papier. Ça aide à se dire: ‘ça, c’est là ok, on passe à autre chose’. On est des adultes, on est là pour faire du beau sport. On est toutes assez grandes et fixées sur nos objectifs pour ne pas se concentrer là-dessus", a avoué Lou Jeanmonnot dans Bartoli Time sur RMC ce dimanche. "Toute l’équipe reste détendue, c’est convivial, on rigole bien, elles savent faire le boulot quand il faut, et elles sont impressionnantes là-dessus et ça paye vraiment bien", complète Gilonne Guigonnat, alignée sur une seule course sur les Mondiaux (32e de l’individuel).

Les résultats sont là pour confirmer. Depuis le début de saison, les Françaises trustent presque systématiquement la boîte. Après six étapes de Coupe du monde, elles comptabilisent déjà huit succès en 14 courses (quatre pour Braisaz-Bouchet, deux pour Simon et Jeanmonnot) et deviennent des spécialistes des doubles podiums (5), tendance confirmée sur les championnats du monde de Nove Mesto, où les Bleues n’ont laissé qu’une seule médaille d’or en route (l’individuel remporté par l’Italienne Lisa Vittozzi). Après le quadruplé historique sur le sprint, Julia Simon et Justine Braisaz-Bouchet ont partagé une nouvelle Marseillaise après la poursuite, non sans émotion et quelques taquineries. Rebelote sur la mass start, où JBB et Lou Jeanmonnot, accompagnées de Simon au pied du podium, ont de nouveau usé leurs cordes vocales sur le podium de la Vysocina Arena. Résultat: les féminines ont ramené 11 des 13 médailles de la délégation tricolore, dont huit individuelles sur douze possibles (trois titres, une en argent, quatre en bronze).

Des rêves de cristal

"On vit très bien ensemble. On sait pourquoi on est ensemble, on a un vrai projet sportif à partager. Dans tous les boulots, je ne sais pas si vous vous êtes copains avec tous vos collègues. Nous c’est pareil. Et il n'y a aucun problème avec ça. On le sait et en même temps ça n’empêche pas de se respecter, de travailler ensemble et c’est ce qu’on fait très bien", nous expliquait Cyril Burdet cette semaine.

Biathlète la plus titrée sur ces Mondiaux en République tchèque (cinq médailles, dont quatre titres sur le relais mixte, le sprint, la poursuite et le relais féminin), Julia Simon assure n’avoir "jamais connu quelque chose comme ça" depuis ses débuts en Coupe du monde en 2017. "Très honnêtement, ça se passe très bien. Les résultats contribuent à cette bonne ambiance dans l’équipe. Il y a une très bonne émulation. On a des filles complètement différentes, des filles rapides en skis, d’autres rapides au tir, d’autres constantes au tir et qui ne loupent pas beaucoup de balles. On a réussi à trouver un équilibre dans ce groupe qui fait qu’on se tire toutes vers le haut. Ça fait quelques années que je suis en équipe de France et je n’ai jamais connu quelque chose comme ça. C’est ultra positif de vivre dans un groupe comme ça. Tout va bien", confiait-elle dans l’émission Bartoli Time sur RMC après son sacre sur la poursuite.

Si le rouleau-compresseur bleu fait une pause bien méritée après les Mondiaux, il sera de retour à la fin du mois à Oslo pour entretenir un doux rêve de cristal. Un an après le sacre de Julia Simon, qui avait mis fin à 18 ans d’attente pour le biathlon féminin, les filles de Cyril Burdet sont en position de force pour réaliser un incroyable doublé. Deuxième du général et dossard jaune pendant quatre courses cette année, Justine Braisaz-Bouchet ne possède que 30 points de retard sur Ingrid Tandrevold, loin d’être à son affaire à Nove Mesto. Derrière, Julia Simon (4e avec 57 points de moins) et Lou Jeanmonnot (6e avec 129 points de retard) n’ont pas dit leur dernier mot à trois étapes de la fin de la saison. Un hiver qui pourrait de nouveau se terminer en apothéose, mais avec déjà le sentiment du devoir accompli.

Analie Simon Journaliste RMC Sport